Submitted by Mathieu Mundviller on
Des maux illisibles est une œuvre documentaire considérée comme un essai interactif qui dresse le portrait de l’analphabétisme au Québec à travers les témoignages de trois analphabètes: un jeune décrocheur de 18 ans, une femme de 52 ans à la recherche d’un emploi et une femme de 42 ans ayant des problèmes de santé. Ainsi, trois aspects importants de la société québécoise sont examinés à travers l'expérience d’analphabètes: l’éducation, le travail et la santé. Tous les éléments textuels de l’œuvre – à l’exception des textes dans les sections informatives («À propos», «Sources», etc.) – apparaissent avec leurs lettres mélangées («ua lavartia» plutôt qu’«au travail» par exemple) afin d'illustrer la réalité des personnes représentées dans le documentaire. Au passage de la souris sur ces mots, les lettres se réorganisent jusqu'à un ordre lisible.
Sur la page principale de l’œuvre, on accède aux témoignages en cliquant sur l’une des trois sections présentées: «À l’école», «Au travail» et «Chez le médecin». Le clic mène à une question sur l’analphabétisme. L'internaute doit décider si l'énoncé est vrai ou faux. La réponse choisie n’affecte pas la suite de l’œuvre, mais l’internaute saura s’il a eu la bonne réponse en écoutant le témoignage associé. Celui-ci est constitué d’un photomontage du quotidien de la personne interviewée et de son témoignage en fond sonore.
L'onglet «Analphabétisme» dresse un portrait statistique et répond aux questions que pourrait avoir l'internaute sur le sujet. Les concepteurs ont fait un travail de recherche exhaustif en décrivant les niveaux d'analphabétisme, en traitant brièvement des enjeux selon les trois axes de l'éducation, du travail et de la santé, et en exposant les faits sur cette réalité au Québec. Un sujet tabou qui manque beaucoup de visibilité devient alors éclairé et appuyé par des sources fiables. Les internautes ne pourront ainsi plus douter de la gravité de la situation au Québec.
Selon un article publié dans le Devoir en 2011, les systèmes d'éducation et d'économie sont la cause et la solution à la crise: «La valeur de l'éducation n'est pas très forte au Québec, estime [Maryse] Perreault [p.-d.g. de la Fondation pour l’alphabétisation]. C'est l'héritage d'une société basée sur l'extraction des matières premières. Mais l'économie est en profonde mutation et on ne peut pas parler d'analphabétisme comme on en parlait il y a 25 ans» (Roulot-Ganzmann, 2011). Quatre ans après ce constat, les choses ne semblent pas avoir changé. Logiquement, les programmes gouvernementaux devraient injecter dans les programmes sociaux, notamment l'éducation, afin de corriger ce problème aberrant qui se déroule au XXIe siècle en Amérique du Nord. Depuis le dépôt du budget du premier ministre du Québec Philippe Couillard en avril 2015, ce sont plutôt des coupes que l'on annonce pour le système d'éducation et de la santé. Tel que publié dans l'article de l'économiste François Delorme, «[e]n tenant compte de l’inflation, le financement de l’éducation sera de -1,2 % en 2015-2016. Les universités devront subir de nouvelles compressions de plus de 100 millions de dollars qui s’ajoutent aux coupes précédentes de 200 millions» (Delorme, 2015). C'est à croire que le projet Des maux illisibles ne s'est pas rendu aux yeux et aux oreilles de M. Couillard... C'est grâce à des campagnes de sensibilisation sur le sujet qu'on fera ébranler les choses, mais sans des actions concrètes de la part des organismes sociaux et du gouvernement, l'analphabétisme alarmant au Québec ne se réglera pas de si tôt.
Des maux illisibles est issu d'un partenariat entre Le Devoir et ONF/Interactif qui s'associent afin de traiter de façon complémentaire des sujets qui touchent leurs domaines respectifs. Le pendant du projet pour Le Devoir a été la publication d'un cahier spécial en 2012 sur l'analphabétisme; l'équivalent en ligne, incluant des articles et l'essai interactif de l'ONF, se retrouve ici. Des maux illisibles fait parti du cycle de dix collaborations entre ces deux organisations publiées entre 2011 et 2013 qui traitent de sujets allant du Festival Western de St-Tite jusqu'à l'avenir des clubs vidéo.