Je souhaiterais proposer une intervention en relation avec mon champ de recherches consacré à la discipline de la cantologie, permettant de montrer comment la chanson populaire française de l’Entre-deux-guerres et plus particulièrement la chanson dite «réaliste», s’est emparée et a rendu compte de cet espace singulier, communément appelé à cette époque «la zone». En effet, la «zone» était une bande de terrains vagues, constituée tout autour de Paris, à l’emplacement de l’actuel boulevard périphérique, en amont des anciennes fortifications érigées par Thiers dès 1841. Cet immense terrain vague devint bientôt un des lieux de divertissements favoris des parisiens. Or, la chanson «réaliste» s’est emparée de ces traîne-misère dont elle a chanté le quotidien, et fit de la «zone» un de ses paysages esthétiques de prédilection. Aristide Bruant (1851-1925) et Fréhel (1891-1951), puis beaucoup plus tardivement Renaud, l’ont chantée et transfigurée. Ancien refuge et zone de repliement des Apaches traqués chez Bruant, la «zone» devint, grâce au répertoire de Fréhel, un espace de liberté voire de bonheur simple. Aussi, célébra-t-elle la «zone», et plus encore la disparition des fortifications, avec nostalgie.
OBSERVATOIRE DE L'IMAGINAIRE CONTEMPORAIN