«C'est sur un fait divers, qui fit grand bruit et qui survint à l'hiver 1888, que j'aimerais baser mon propos. L'affaire se déroule dans une villa de Sidi Mabrouk, près de Constantine en Algérie française. Le 25 janvier 1888, Henri Chambige, un étudiant de 22 ans a assassiné sa maîtresse, Madeleine Grille, une femme mariée de 30 ans. Il est retrouvé blessé près de son cadavre dénudé. Pour expliquer le meurtre, deux thèses s'affrontent, celle soutenue par le jeune homme, d'un double suicide raté devenu crime passionnel et celle, défendue par le mari et la mère de la défunte, de viol sous suggestion. À première vue, cet assassinat semble surtout relever du droit criminel, mais pas pour certains contemporains du drame, qui y voient la manifestation d'un crime littéraire. Ce ne serait pas la première fois ni la dernière que les fils de la criminologie et de la littérature s’entrelacent. Les faits divers n'ont cessé aux écrivains leurs oeuvres les plus fortes. L'intérêt de l'affaire Chambige est cependant d'un autre ordre. D'abord, parce que c'est apparemment la littérature qui inspire le meurtre et non l'inverse. Ensuite, parce que ce drame fait intervenir une représentation du jeune homme décadent, telle qu'elle se repend alors dans la littérature fin de siècle en France et ailleurs en Europe.»
OBSERVATOIRE DE L'IMAGINAIRE CONTEMPORAIN