Recherche: Filiation, France

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Résultats

Crave ou la profanation d'un mutisme

Rioux, Annie
Paris, Verticales/Gallimard, 2007
196 pages.

Un plaisir coupable de lecteur devant un texte que Barthes dirait «de jouissance»: une brèche s'ouvre dans le plaisir pris à se faire raconter une histoire dont on connaît la fin, histoire sans transitivité; le plaisir pervers est consumé à même le clash de la mort répétée, du degré zéro de la lecture, du ''crave'' (titre d'une pièce clé de Kane) assouvissant. Cette perversion est ce qui rend le texte de Cathrine intéressant.

 

Écrire avec un marteau

Brousseau, Simon
Paris, Gallimard, 2007
1024 pages.

Au fil de la lecture, bien qu’aucun événement ne vienne lier entre elles les histoires qu’on y rencontre, se dégage néanmoins une forte impression de cohésion qui vient de l’uniformité du ton avec lequel s’expriment les personnages qui peuplent le livre. Tout se passe comme si un narrateur omniscient s’amusait à incarner diverses individualités fictives, d’où l’étrange homogénéité du discours que celles-ci produisent.

 

Pierre Michon, roi et bouffon

Lepage, Mahigan

Parmi les pairs, la pose est reconnue comme telle et acceptée, voire encouragée, sourire en coin. Surtout depuis que l’arrêt a été prononcé, à l’occasion d’une émission sur les auteurs contemporains de la regrettée Qu’est-ce qu’elle dit Zazie?, il y a une dizaine d’années: «Au fond, Michon, c’est le roi!»

 

Traces, tracés, trajets: itinéraires d'un fils en deuil

Mérel, Fabienne
Paris, Flammarion, 2009
189 pages.

Sans doute quelques pièces du puzzle identitaire apparaissent-elles çà et là, mais toujours incomplètes ou inexpliquées: un certificat médical  ancien signalant les traces d’une agression physique, un journal intime qui tourne court, un message téléphonique obscur laissé par une amie de la mère. Le roman éparpille, comme des cendres, les éléments de la biographie maternelle, nécessairement lacunaire.Ce matin, premier roman de Sébastien Rongier, raconte une histoire simple: le narrateur apprend la mort de sa mère intervenue dans un accident de la route. Le récit se concentre sur les jours qui suivent ce décès, et, grâce à l’intensité, la tension, voire l’âpreté de l’écriture, restitue les difficultés avec lesquelles le personnage doit affronter la mort, le monde et s’interroger sur lui-même.

Le sauvetage du temps

Letendre, Daniel
«Fictions et Cie», Paris, Seuil, 2008
235 pages.

Le roman atteste qu'à défaut de pouvoir découvrir des filiations réelles entre soi-même et le passé, il convient d'en inventer pour rattacher le fil de son histoire à celui de gens qui nous ont précédés, à celui de l'humanité, de façon à se sentir en faire partie. Sans ces histoires anecdotiques, sans les liens imaginaires entre les différentes époques et leurs projets avortés, sans cette représentation fictionnelle du retour et de la simultanéité des temps, le réel - le présent - et l'homme qui s'y trouvent en deviennent orphelins.

 

Ces illusions de mémoire à écrire

Rioux, Annie
Lagrasse, Verdier, 2002
112 pages.

Nous avons déjà parlé de Pierre Michon ici, mais il importe de rappeler qui est l’auteur majuscule de ces fictions qui portent un regard archéologique sur le monde (avec d’autres) et qui, de ce fait, colorent d’une manière singulière le paysage francophone actuel. À mon avis nous ne parlerons jamais assez du recueil Corps du roi, dont l’originalité dépasse sans contredit la rhétorique propre à l’écriture du tombeau d’écrivain. Je propose ici une réflexion en surplomb sur les enjeux de filiation et d’imaginaire littéraire soulevés par l’œuvre de Michon, à partir du recueil qui m’a longtemps questionnée.

La première énigme

Lapeyre-Desmaison, Chantal
Meudon, Quidam, 2007
96 pages.

Lionel Bourg est de ces écrivains français contemporains qui, dans le silence, la discrétion, ont construit une œuvre déjà importante, à tous les sens du terme. Pour l'essentiel journalistiques, les rares critiques qui se sont penchés sur cette œuvre évoquent la «quête autobiographique», «la recherche du temps perdu», «la naissance à soi», axes thématiques ou formels qui apparaissent nettement à la lecture. Mais L’engendrement, ouvrage paru en 2007 aux éditions Quidam, permet de donner à cette naissance, à cette vie surgissante, une tout autre orientation.

Exercice de style en dix-huit crimes

Guilet, Anaïs
Paris, Gallimard (L'arbalète), 2010
356 pages.
Le lecteur ne peut définir exactement le style de Thomas Clerc et cependant se doit de relier les modes d’écriture choisis par l’auteur aux crimes qu’il décrit. La nouvelle inaugurale est des plus troublantes en la matière. Les jeux de mots grivois, le style très oralisé, les descriptions crues, utilisés par l’auteur semblent en totale opposition avec l’univers intellectuel que l’on associe à Roland Barthes. Toute la nouvelle est focalisée à la première personne du singulier sur le futur meurtrier du célèbre essayiste.

Un poète n'existe jamais seul

Caillé, Anne-Renée
Paris, P.O.L., 2009
121 pages.

L'Homobiographie est une forme poétique qui allie le double (le «même» du grec homos) au biographique : il est question des vies de celle que l'on nomme «La Poète», de ses alter ego, d'autres bien-aimés poètes rapportées par bribes mais aussi, de la vie plus intime d'une femme qui s'écrit dans des carnets de différentes couleurs. Dans cette tentative de dédoublement, entre autobiographie et autofiction, il faut surtout y voir l'effort de rendre protéiforme l'entreprise biographique. Comme Giraudon l'explique dans un entretien en 2007, l'homobiographie opère des «déplacements» entre les différentes «enveloppes» que constituent le soi, l'autre et la fiction. Cette forme hybride permet aussi de supporter les vies et les morts qui nous parcourent: Liliane Giraudon expose ce qui pluralise l'identité «Poète». Par filiation ou emprunt, assembler des fragments de mémoire de façon non-linéaire, coller sa vie à celle des autres; par cette abolition des frontières, la poète joue au double.

Double Houellebecq : littérature et art contemporain

Balint-Babos, Adina
Paris, Flammarion, 2010
428 pages.

Quiconque s’intéresse à l’art, à la littérature, ne reste pas indifférent à ces paroles: «Je veux rendre compte du monde… Je veux simplement rendre compte du monde». Insérés vers la fin de La carte et le territoire de Michel Houellebecq, ces mots de Jed Martin, l’artiste contemporain qui est également le personnage principal du roman, peuvent nous servir de fil conducteur pour une lecture à rebours et nous investir d’une mission: tenter de décrypter un dialogue entre l’art et le monde, la représentation et le réel, l’artiste et son pouvoir de créativité. Car rappelons-le: ces dialogues complémentaires ou antinomiques se trouvent au cœur du dernier texte de Houellebecq primé cette année avec le Prix Goncourt.