Mort

Emporter le paradis d'un seul coup

Auteur(s): 
Brousseau, Simon
Référence bibliographique: 
New York, Penguin Books , Submitted
310 pages.
Toronto, Harper Perennial, 2001
609 pages.

Dans tous les cas, la drogue est un moyen pour les écrivains de réfléchir à notre rapport au monde: déchirés entre le désir et le manque, nos contemporains connaissent eux aussi la compulsion, la tentation des objets qui chantent à l'unisson, comme dans un dessin animé de Disney qui aurait tourné au cauchemar: «Consomme-nous! Consomme-nous! Quand tout sera consumé, tu seras au Paradis.» Il est peut-être banal d'affirmer que tout peut potentiellement être une drogue: l'amour, le sexe, le café, le dessert, mais il l'est sans doute moins de pousser à termes le raisonnement. Le fait de s'investir affectivement dans la consommation laisse entrevoir une forme de vide. De quelle nature est ce vide? C'est la question que la drogue pose. Et comme il existe plusieurs sortes de drogues, il doit exister aussi plusieurs sortes de vide, ou plusieurs façons de s'y abandonner.

Freak Show

Auteur(s): 
Beaulieu, Guillaume
Référence bibliographique: 
Seattle, Fantagraphics, 1993
142 pages.
Dossier Reférent: 

Le corps pose problème. Il naît, grandit, fait défaut, est amputé, meurt, se décompose… Le corps est ce qui fuit. Il s’enfuit à l’impératif de dire, d’écrire, de parler et de rencontrer. C’est avant toute chose un ensemble organique en souffrance, dans le manque comme dans la douleur. Face à une corporalité maladive, handicapée voir symptomatique, peut-on y entendre l’agonie d’une société qui se meurt en écho? Des regards se posent et questionnent. Une parole en quête de sens émerge. La représentation du corps dans Like a Velvet Glove Cast in Iron de Daniel Clowes est problématique. Cette bande dessinée présente un corps étranger, transformé, en mutation, s’ouvrant sur un regard qui renvoie à un malaise.

Exercice de style en dix-huit crimes

Guilet, Anaïs
Paris, Gallimard (L'arbalète), 2010
356 pages.
Le lecteur ne peut définir exactement le style de Thomas Clerc et cependant se doit de relier les modes d’écriture choisis par l’auteur aux crimes qu’il décrit. La nouvelle inaugurale est des plus troublantes en la matière. Les jeux de mots grivois, le style très oralisé, les descriptions crues, utilisés par l’auteur semblent en totale opposition avec l’univers intellectuel que l’on associe à Roland Barthes. Toute la nouvelle est focalisée à la première personne du singulier sur le futur meurtrier du célèbre essayiste.

Mourir de sa belle mort

Dufour, Geneviève
Montréal, Boréal, 2005
331 pages.
Le Journal de Marie Uguay, paru en 2005 chez Boréal, offre, comme d’autres avant lui — qu’on pense à ceux d’Hector de Saint-Denys Garneau et d’Hubert Aquin, pour ne nommer que ceux-là —, une proximité peu commune, non pas avec une représentation fabulée de l’auteur, mais bien avec l’auteure réelle  elle-même. Le journal étant une trace contextualisée et temporelle d’une époque, d’une période, les écrits de Marie Uguay ne ressemblent donc pas à ceux des autres écrivains québécois, aussi diaristes (quoiqu’en disent les rumeurs). Marie Uguay ne partage pas le sacré et la préciosité de Garneau, ni la fougue violente, dense et tumultueuse d’Aquin. Il s’agit plus sûrement, dans le cas de Marie Uguay, d’une quête littéraire existentielle mue par des préoccupations esthétiques et sociales: la recherche d’une écriture affranchie de ses aliénations (comme Québécoise, comme femme, comme écrivaine) et d’une poésie prosaïque, élémentaire, qui s’élabore à partir du quotidien tangible, de ses manifestations matérielles. 

L'impasse de l'oubli

Dionne, Charles
Montréal, Héliotrope, 2008
294 pages.

La mort s’incarne dans Le ciel de Bay City. Elle est l’invisible ennemie du combat perdu d’avance que livre Amy – le personnage principal et la narratrice – avec le passé de ses aïeux et de l’Amérique tout entière. C’est un désir d’identité qui motive l’effort d’oubli du personnage. Elle se voit imposer un passé, une condition mémorielle qui la déchire et cette commande de l’Histoire la pousse à maudire le ciel mauve de sa ville.

Le paria

Boulanger, Julie
Montréal, Héliotrope, 2009
193 pages.

L’autofiction constituerait ainsi une tentative d’échapper à ce cynisme caractérisé entre autres par la résignation confortable à l’impuissance de la littérature et de la pensée. L’autofiction, une certaine pratique de l’autofiction, se définirait donc par un désir d’agir sur le monde à travers le jugement qu’elle dirige contre lui. C’est précisément à l’aune de cette volonté d’agir sur le monde qui sous-tend, contre toute attente, le projet autofictionnel que j’aimerais lire Deuils cannibales et mélancoliques.
 

Le sens à l’épreuve de la mort

Hope, Jonathan
Paris, NRF Gallimard, 2007
174 pages.

Systématiquement, Forest montre comment les discours échouent – autant que le sien propre et c’est ce qui fait toute sa force –, dans leurs tentatives à rendre compte de la mort. Pourtant, les discours sur la souffrance réussissent à toucher à quelque chose, si ce n’est que son absurdité. Cette hésitation entre la critique et l’aveu – la reconnaissance d’un paradoxe – sous-tend entièrement l’essai de Forest.

 

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