La bulle d'encre. Essai

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TitreLa bulle d'encre. Essai
Type de publicationLivre
Année de publication1997
Auteur·e·sSuzanne Jacob
Nombre de pages128
ÉditeurÉditions du Boréal / Presses de l'Université de Montréal
VilleMontréal
Résumé

Résumé descriptif:

Dans La bulle d’encre, un essai qui a reçu le Prix de la revue Études françaises en 1997, la romancière, nouvelliste et poète Suzanne Jacob amorce un questionnement dont l’enjeu est le discernement du créateur. Ainsi, cet essai se divise en quatre parties qui, par le biais de courts chapitres traitant aussi bien de la physiologie de l’appareil auditif que d’une visite au peintre Romus ou d’une méditation sur la Genèse, en appellent à la nécessité —et au risque— d’un discernement critique dont l’écriture réitèrerait sans cesse l’engagement esthétique et éthique. 
 
Ponctuée d’anecdotes, d’allégories et de faits divers, la réflexion de Jacob, qui ne se limite pas au champ littéraire, plonge dans les mouvances du monde et de la lecture, non sans un regard qui porte les traces d’une vive indignation, surtout lorsque l’auteure rend compte des préoccupations sociales qui l’habitent et travaillent son écriture. Aussi, l’un des chapitres, «L’entendu» (p. 31-48), aborde la question du rôle et de la responsabilité de l’individu créateur devant ce que Jacob appelle le pillage de la planète. 
 
Toujours «à la recherche de ce mouvement qui crée» (p. 12), l’auteure réserve deux chapitres de son essai à la lecture des œuvres que Victor-Lévy Beaulieu et Hermann Broch ont consacrées à Herman Melville et à Virgile. Avec eux, elle dit qu’écrire, «c’est fixer des limites à un gouffre par un récit, dans un récit» (p. 104), que c’est aussi s’éloigner de «l’illisibilité», du «chaos de l’indicible, là où le regard est rendu aveugle» (p. 104). À la lumière de ces rencontres, elle revient au départ de sa réflexion et conclut que «la seule conviction que peut avoir un écrivain, c’est d’avoir écrit un livre à sa démesure ; à la démesure de ses capacités»(p. 121).
 
Résumé interprétatif:
 
Présenté comme une réflexion sur le discernement à l’œuvre dans le travail créateur, l’essai de Suzanne Jacob navigue entre deux abîmes, celui de la naissance et celui de la mort. Elle retient comme prémisse que la lecture est la forme originelle de l’écriture et que nous habitons le monde par la lecture que nous en faisons. Ainsi Jacob nous convie à la source de toute lecture-écriture et de ce qu’elle nomme la «langue du lait» (p. 17). Par cette première expérience de communication entre le nouveau-né et sa mère, l’enfant apprend à s’exprimer, à crier, à faire venir le visage du lait pour éloigner la faim et la mort. Il entre de cette façon dans le monde, par son apprentissage —sa lecture— des visages qui se présentent à lui et, en les distinguant les uns des autres, pour rendre le monde habitable, il se fait une image-synthèse de tous ces visages. 
 
Chaque individu élabore ainsi au fil du temps un récit de lui-même qui s’inscrit, même malgré lui, comme une contribution à la fiction dominante. Mais vivre, dit Jacob, «c’est [...] redécider son récit jour après jour en y intégrant aussi bien ses expériences récentes que différents modes de les percevoir» (p. 36), et cette réécriture constante menace la cohésion de la fiction dominante par le «mouvement vertigineux» (p. 74) que provoquent les expériences de lectures essentielles. Se tenant ainsi aux frontières du possible et de ce qui est «entendu», flairant les vertiges de l’impossible, l’expérience idéale du livre amène le lecteur et l’écrivain à transgresser les marges de leur liberté par «ce livre qui devient tout, qui lance les garde-fous dans l’abîme, qui illumine d’un éclat de foudre toutes les synthèses qu’on avait réussi à faire pour se maintenir dans la cohérence et la lisibilité» (p. 72). 
 
Alors que les sociétés résistent au changement en imposant leurs fictions dominantes comme des réalités absolues, le travail du créateur sur la langue nous permet de prendre conscience de ce qui pourrait être autrement, car «nous sommes prêtés au monde pour en actualiser la suite, cette suite qui est notre présent» (p. 28). L’œuvre d’art nous laisse entendre qu’«être est une activité de fiction» (p. 37) et que la convention de réalité d’une société n’est qu’une version possible de la réalité elle-même. C’est donc en regard de cette ouverture sur les différentes versions de sa réalité que la responsabilité fondamentale du créateur prend toute son importance, à la fois comme exigence de lucidité et comme conscience de la nature de la liberté qui lui est octroyée. Cette responsabilité, loin de toute pensée pseudo-humanitaire, s’articule autour de deux notions : l’habitabilité et le dépassement. La première aménage un espace propice à la création tandis que la seconde propose de sortir de soi, de se transcender. 
 
L’écrivain doit donc s’engager dans son texte à pleine vie, jusqu’à la démesure. Comme le héros de La mort de Virgile d’Hermann Broch, il doit accepter ses limites, son non-discernement, pour découvrir que c’est au fil de ses tâtonnements qu’il arrive à vivre, à comprendre, à écrire. Écriture et lecture sont ainsi perçues comme des arts de liberté qui permettent à l’individu d’accéder, au prix d’un sacrifice de soi, aux chants possibles de l’humanité.

Source : Interligne - UQÀM (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)