Histoire, repérage et traduction du terme « flexibility »
En vue du Deuxième Colloque international sur la traduction économique, commerciale, financière et institutionnelle (UQTR, 17-18 août 2016), nous proposons une étude qualitative du terme « flexibility » et de ses équivalents « souplesse », « flexibilité » et « adaptabilité » dans un corpus constitué de textes provenant de diverses institutions : les journaux canadiens, les sociétés de capitaux, la Banque du Canada et la Fed.
Le terme et ses dérivés présentent un intérêt sur le plan conceptuel, voire idéologique, car les idées de flexibilité, d’assouplissement et d’adaptabilité sont au cœur des réformes bancaire, financière et monétaire, sans parler du marché de l’emploi et des nouvelles méthodes de gestion du personnel qui ont marqué les quarante dernières années. À l’égard de la main d’œuvre, Pierre Bourdieu avait lancé le terme « flexploitation » (1998) pour dénoncer le règne de la flexibilité imposée à la main d’œuvre précarisée par des contrats de courte durée, des horaires variables, des quarts de nuit et un climat de concurrence entretenu par des objectifs de rendement personnels, dernier gadget de la gestion participative et moyen d’auto-exploitation qui ne dit pas son nom, toujours selon Bourdieu.
Daniel Simeoni (1993) exhortait les traducteurs à une critique de la fonction structurante de la langue structurée par les institutions. Tout usager initié aux langues de spécialité relevant des domaines économique, bancaire, financier et administratif doit connaître le rôle qu’il joue dans la reproduction des formes du discours dominant dictées par les normes lexicales et perpétuées par la terminologie, les cooccurrents et les formules dites consacrées.
C’est donc un éclairage critique que nous comptons jeter sur le terme « flexibility », entre autres mots porteurs du discours néolibéral qui impose un ordre symbolique régi par la logique des marchés (productivité, compétitivité et adaptabilité maximales).