Présentation de la communication
«Le Flash Gordon d’Alex Raymond (1934-1943) saute si rapidement d’un lieu à l’autre que de nombreux espaces s’y chevauchent au sein d’un même strip. Ne lésinant jamais sur le parallélisme des actions ou sur leur précipitation, Raymond articule une épopée fantastique suivant une seule et même trajectoire narrative (Dale Arden est enlevée et Flash Gordon devra la sauver des mains de l’empereur Ming) dont les incidences se répètent au fil des mois. Son strip est une longue épopée dont chaque nouvelle page dominicale fourmille d’indices de vitesse qui, d’un lieu à l’autre et à l’intérieur d’une même bande, parviennent à induire une impression de mouvement brusque (les combats et duels y sont légions) en portant une attention particulière aux environnements et aux décors de la planète Mongo et en s’attardant à la manière dont les personnages habitent ces espaces. Volent-ils? S’accroupissent-ils? Courent-ils? Les postures changent, s’adaptent à l’espace et à la case, l’action s’y mêle et fait débouler les péripéties de lieu en lieu, donnant à voir les rêveries territoriales de l’auteur.
Au moins autant dans la création de lignes de tension que dans l’articulation spatiale, ce travail anatomique, celui des postures et des combats aériens et terrestres, imposera Flash Gordon comme le strip héroïque par excellence des années 1930 et inspirera de nombreux créateurs de superhéros à venir, notamment dans le découpage de l’action, le timing des immobilisations séquencées et l’adéquation case/action qui dégondera la mise en cases de son formalisme d’antan. Ma communication s’appuiera sur mes recherches sur la bande dessinée prise comme écologie séquentialisée, un modèle inspiré par la schizo-analyse de Deleuze et Guattari (L’Anti-Œdipe), que j’ai théorisé comme voie de sortie aux grilles sémiotiques qui éloigneraient la BD de ses potentialités formelles ainsi que de la dynamique interne qui l’habite. Plus intéressée aux capacités formelles et expressives de la bande dessinée qu’à la nature de ses récits, cette approche mettra en relation les contractions productives entre textuel et visuel, entre corps et espace, entre case et planche.»