Présentation du colloque
Les 19 et 20 février 2015, Joanne Lalonde, Samuel Archibald et Alain Ayotte ont organisé un colloque intitulé «Imaginaires des pornographies contemporaines: de la sexualité dans l'art, la théorie et les médias», dans le cadre du programme de recherche interdisciplinaire RADICAL (Repères pour une articulation des dimensions artistiques, culturelles et littéraires de l'imaginaire contemporain).
Depuis l’invention historique de la pornographie au 19e siècle, cette catégorie à la fois muséale et normative de la représentation explicite des corps n’a eu de cesse de se transformer (Hunt 1993; Preciado 2012). De l’hypothèse répressive foucaldienne au phénomène de la pornification actuelle (McNair 2013), nous assistons à la métamorphose de cette catégorie au profit de la production effrénée de fantasmes à l’intérieur des techniques de soi, des techniques du visible et des techniques du sensible (Williams [1989] 1999, 2004). Des manières d’être et des manières de faire déconstruisent une utopie sexuelle où se performent des cultures érotiques d’un nouveau genre, celles du réseau et de la multitude. Avec la démocratisation du web depuis les années 1990, artistes et amateurs s’approprient l’imagerie pornographique, reformulent son passé et son avenir iconographique à travers, notamment, les pratiques du partage et du remontage de ses archives (Dean 2014). Cette histoire renouvelée de la sexualité s’effectue sous nos yeux à une telle vitesse que toute distinction entre ce qui relève des normes de l’art ou de la pornographie semble indécidable. Les disciplines relativement récentes des études culturelles (entre autres des feminist, gender, queer et porn studies) fournissent des outils conceptuels opératoires afin de déplacer notre regard au-delà d’un horizon d’attente esthétique (Maes 2013) et donnent droit de cité aux émotions et aux sensations dans le processus expérimental et heuristique de la connaissance (Paasonen 2011). Ainsi, à la fois instrument de contrôle des corps et de leur agentivité, la pornographie est plus que jamais un enjeu passionnel aux dimensions politique et anthropologique (Rubin 2011). Car si nous ne sommes pas, à bien y réfléchir, à l’ère du dépassement de la catégorie, nous sommes certainement au temps stratégique de sa survivance, de sa subversion et de sa critique où art érotique (ars erotica) et science de la sexualité (scientia sexualis) se poursuivent au sein d’une éthique du désir et du plaisir au pluriel, celle des pornographies contemporaines.
Programme du colloque
Cliquez sur le titre d'une communication pour accéder à l'archive audio.
Séance: Histoire, iconographies et médias
Frédérique Tachou. «Cinéma pornographique primitif: aux origines d’une industrie»
Anne-Marie Auger. «Forbidden erotica: l’analyse iconographique de la collection Rotenberg»
Thomas Waugh. «The Contract of Text and Confession: From Stag to Xtube»
Alain Ayotte. «Archives de la sensation: survivance, subversion et pornotopie du corps-document après le sida»
Séance: Récits, imaginaires, figures
Michael Sinatra. «"Pourquoi pas un porno?": Sexe et cinéma dans le roman "Vers chez les blancs" de Philippe Djian» [Communication non disponible]
Etienne Bergeron. «La figure de l’écrivain-pornstar : le culte du corps viril dans le discours paratexuel de Jean-Paul Tapie»
Léonie Belouet. «La vie sexuelle de Catherine M.: légitimation, art et pornographie»
Antonio Dominguez Leiva. «Avatars contemporains de la pornoféerie»
David Berthiaume-Lachance. «Hysterical Literature: Esthétique post-pornographique»
Séance: Méta, post et néopornographies Présidente de séance
(Note: Les communications de cette séance ne sont pas disponibles.)
Julie Lavigne, Sabrina Maiorano et Myriam Leblanc-Élie. «Exploration du concept de métapornographie dans la production de pornographie critique et féministe»
Isabelle Boisclair. «Monstres sexuels. Imaginer de nouveaux corps pornographiques»
Lila Roussel. «Imaginaire féminin et violence érotisée: interpréter les thèmes de viol et de captivité dans les « eroge yaoi » de Nitro+CHiRAL»
Céline Cadaurielle. «Aux verges suspendues: de l'orgasme à la dissolution de la figure»
Séance: Images, représentations, scripts Président de séance
Virginie Riopel. «Ces revues qu’on ne lit que d’une main: scripts pornographiques dans les images de mode»
Louis-Paul Willis. «The Frenzy of the (In)Visible: désir, fantasme et pornographisation»
François Gauvin. «Le corps-cristal et l’accord figural dans "Nymphomaniac"»
Raphaël Chavez. «Tits or GTFO: exemples d’interactions pornographiques sur les imageboards»
Mathieu R. Grenier et Alex Ferraz. «PornMD, ou un regard programmé sur la normalisation des désirs»
Organisation du colloque
Joanne Lalonde est chercheure régulière à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire. Elle est professeure titulaire au département d’histoire de l’art de l’UQAM et chercheure au sein du programme de recherche interdisciplinaire RADICAL (Repères pour une articulation des dimensions culturelles, artistiques et littéraires de l'imaginaire contemporain). Ses recherches portent sur les pratiques d'art médiatique et numérique. Elle s'intéresse également aux représentations de genres et aux figures du métissage sexuel dans l'art actuel, aux modalités de l'interactivité dans l'art contemporain de même qu’aux méthodologies de la recherche sur les pratiques artistiques émergentes. Elle a publié deux essais sur la culture hypermédiatique, Le performatif du Web (Chambre Blanche 2010), L’Abécédaire du Web (PUQ 2012) et conçu une exposition en ligne éponyme en collaboration avec l’équipe du Laboratoire NT2 de l’UQAM.
Samuel Archibald est chercheur régulier à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire et chercheur au Laboratoire NT2. Il fait aussi partie du programme de recherche interdisciplinaire RADICAL (Repères pour une articulation des dimensions culturelles, artistiques et littéraires de l'imaginaire contemporain). Il est également le directeur, avec Antonio Dominguez Leiva, de Pop-en-Stock, le bazar d’études sur la culture populaire, et chroniqueur à l’émission Médium Large de Radio-Canada. Depuis 2009, il est professeur à l’Université du Québec à Montréal, où il enseigne et étudie le roman policier et de science-fiction, le cinéma d’horreur, la culture populaire contemporaine et la création littéraire. Il est l'auteur de l'essai Le texte et la technique. La lecture à l'heure des médias numériques (Le Quartanier, 2010). En 2012, sa première œuvre de fiction, Arvida, a remporté le Prix des Libraires, le Prix Coup de Cœur Renaud-Bray 2011 et le Prix des lecteurs et du prix littéraire du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Il est aussi l’auteur de l’essai Le Sel de la terre. Confessions d’un enfant de la classe moyenne (Atelier 10, 2013) et de la novella Quinze pour cent (Le Quartanier, 2013).
Alain Ayotte détient une maîtrise interdisciplinaire en arts de l'Université Concordia et est présentement étudiant au doctorat en histoire de l'art à l'UQAM.
Fichier attaché | Taille |
---|---|
Programme du colloque | 1.11 Mo |
Cinéma pornographique primitif: aux origines d'une industrieLa description objective d'un phénomène culturel supposerait qu'on puisse prendre à son égard un certain recul, une distance d'observation, mais, en fait, qu'est-ce qu'un phénomène culturel? Un phénomène culturel, c'est quelque chose où s'articule monde intérieur et monde extérieur. Dans le cas du cinéma, Edgar Morin disait que le phénomène-cinéma se situait au carrefour du cosmomorphisme et de l'anthropomorphisme, introjection du monde extérieur à travers son double cinématographique et projection de notre imagination dans ce monde d'images mouvantes. |
Forbidden erotica: l'analyse iconographique de la collection RotenbergBeaucoup de collections de photographies érotiques de la Belle Époque qui sont inspirées par les préraphaélites et l'art nouveau ont été redécouvertes dans la deuxième moitié du XXe siècle. Elles ont été republiées dans les dernières années pour célébrer un érotisme coquin, une sexualité romantique, un érotisme voilé, délicat, charmeur, qui fait rigoler parfois. Cet érotisme artistique qui découle de la pudibonderie victorienne est rarement choquant. |
The Contract of Text and Confession: From Stag to XTubeIl s'agit ici d'une étude préliminaire qui fait s'entretenir un texte du cinéma pornographique dit primitif et un texte actuel pris de Xtube. Ce corpus complique et interroge les dichotomies un peu trop faciles: l'art versus la porno, l'underground et le marché, le public et le privé, les archives analogues et les archives numériques du XXIe siècle. |
Archives de la sensation: survivance, subversion et pornotopie du corps-document après le sida«Je pense toutefois que, dans les usages du porno comme dans les usages de la culture de masse et de l'art en général, ce qui est en jeu, c'est la recherche d'une intensité de l'expérience aux formes et aux qualités variables.» - Susanna Paasonen |
La figure de l'écrivain-pornstar: le culte du corps viril dans le discours paratextuel de Jean-Paul TapieJean-Paul Tapie est né à Bordeaux, en France, en 1949. Journaliste, puis concepteur, rédacteur, publicitaire, il publie son premier roman Dolce Roma aux éditions Grasset en 1974. Depuis, il a publié un total de 34 titres dans sept maisons d'éditions différentes (Grasset, La Table Ronde, Gallimard, Robert Laffont, Stanké, Orphie et H&O). Pour les besoins de cette présentation, nous schématiserons cette imposante oeuvre romanesque selon trois grands axes. |
La vie sexuelle de Catherine M.: légitimation, art et pornographieCommençons par une citation de Bandura. Selon lui, l'agentivité, c'est "toute action qui comporte parmi ses déterminants les influences produites par le sujet lui-même. C'est donc le pouvoir que l'on s'autorise à avoir, à exercer en ayant pleinement conscience de soi." Dans son roman autofictionnel La vie sexuelle de Catherine M., Catherine Millet nous offre sa perspective ambiguë de l'agentivité avec un personnage en construction. Catherine est un personnage difficilement définissable. Cependant, au fil de la lecture, on assiste justement à son agencement. |
Avatars contemporains de la pornoféérieDes galeries d'art contemporain au hentai japonais en passant par les branches spécialisées du monster erotica à la mode sur le web, certains sous-genres du cinéma porno, voire des séries à succès qui en donnent une vision policée, un spectre pour le moins inattendu hante les marges de l'iconosphère du village global, celui d'une pornographie merveilleuse, ou plutôt, pour ne pas prêter à confusion, un merveilleux pornographique qu'il nous a plu de nommer du terme un peu néobaroque de pornoféérie. |
Hysterical Literature: Esthétique post-pornographiqueLors de cette communication, Julien Guy-Béland et David Berthiaume-Lachance décortiquent la série de vidéos de Clayton Cubitt, intitulée Hysterical Literature (2012-2015) à partir d'une réflexion sur l'esthétique post-pornographique. |
Ces revues qu'on ne lit que d'une main: scripts pornographiques dans les images de modeLe titre de la présentation emprunte au titre du livre de Jean Goulemot, Ces livres qu'on ne lit que d'une main, un titre qui exprime mon intuition de recherche quant au travail sur les corps et l'imaginaire que certaines images dans les revues de mode opèrent à la manière de livres et de revues érotiques ou pornographiques. |
The Frenzy of the (In)Visible: désir, fantasme et pornographisationNotre paysage médiatique contemporain est marqué par une pornographisation -ou pornification- croissante, que Richard Poulin décrit comme un recyclage d'archétypes pornographiques dans la culture. |
Le corps-cristal et l'accord figural dans «Nymphomaniac»Au-delà du pathos souvent désagréable, pour ne pas dire irritant, que Lars Von Trier instille méthodiquement dans ses oeuvres, son cinéma est empreint d'un puissant symbolisme et son dernier opus, dont les deux parties sont sorties en 2013, n'échappe pas à cette logique. |
Tits or GTFO: exemples d'interactions pornographiques sur les imageboardsIl y a environ 15 ans, l'influence des médias était à sens unique. Le web était à la remorque des médias traditionnels, un peu comme le cinéma, il n'y a pas si longtemps, influençait le contenu de la télévision, alors que celle-ci n'avait aucun impact sur le 7e art. C'était une autre époque. De là à dire que, de nos jours, on ne sait plus trop qui, des médias traditionnels ou des médias 2.0, ont le plus d'influence sur les autres, il n'y a qu'un pas… que je franchis ici allègrement. |
Porn MD, ou un regard programmé sur la normalisation des désirsUne approche interdisciplinaire permet de présenter un point de vue davantage complet sur le phénomène social qu'est la pornographie, un phénomène très large, conditionné par des rapports technologiques. La philosophe du corps, Michela Marzano, voit dans la pornographie le porte-étendard d'une certaine contradiction; elle relève un paradoxe de la société contemporaine qui se retrouve dans la pornographie: ce grand décalage entre l'apologie de la liberté individuelle et la glorification d'un certain nombre de nouveaux conformismes. |