Les 7 et 8 juin 2010 s'est tenu, à l'Université du Québec à Montréal, un colloque intitulé «Imaginer l'avant-garde aujourd'hui. Enquêter sur l'avenir de son histoire». L'événement a été organisé par Bertrand Gervais et Sylvano Santini avec le soutien de Figura, le Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire.
L'avant-garde n'existe plus comme telle. Elle est assignée désormais au passé comme un objet de mémoire dont il ne reste plus qu'à concevoir l'histoire, en éclairant ses divers épisodes, en suivant leur succession et en analysant leurs effets aussi bien sur l'institution artistique que sur les conceptions de l'art qu'ils ont bouleversées.
Tout porte à croire que l'effort de penser l'avant-garde se limite aujourd'hui à un acte de description a posteriori. Le seul plaisir de rendre intelligible le passé ou encore, plus simplement, la passion des archives justifie assez bien cet effort. Mais celui-ci n'aurait-il pas d'autres effets? Il faut, croyons-nous, reposer la question en d'autres termes : non pas simplement «penser» mais bien «imaginer» l'avant-garde aujourd'hui. Cette légère correction n'est pas qu'un jeu de mot, elle porte à conséquence, car l'imagination disposer très souvent à envisager le proche avenir. Reprenons alors le questionnement. Si l'avant-garde n'est plus qu'un objet de mémoire, si elle n'a d'autre horizon à offrir que son propre passé, on peut tout de même méditer sur les événements actuels ou à venir de son histoire. Imaginer l'avant-garde aujourd'hui consiste à anticiper les conséquences de la mise en récit de son passé. Qu'est-ce que l'histoire de l'avant-garde peut bien produire comme effets sur l'art et la littérature de nos jours? Effets dont la valeur peut être tout aussi bien positive que négative. Il semble effectivement aisé d'imaginer que l'avant-garde puisse servir, comme histoire, de justification à une nouvelle expérience artistique ou, à l'inverse, de contre-exemple. Les leçons que l'on se plaît à tirer de l'avant-garde vont sans aucun doute dans les deux sens. C'est ce genre de questionnement que nous aimerions poursuivre dans ce colloque en nous efforçant de trouver et d'analyser des objets qui, en imaginant une histoire de l'avant-garde, lui dessine nécessairement un avenir.
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Programme du colloque
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- Henri Béhar. «Avant-garde: la béhartitude»
- Andrea Oberhuber et Fanny Larivière. «Stratégies polygraphiques et livre d'artistes: en deça et au-delà des limites historiques de l'avant-garde surréaliste»
- Raluca, Lupu-Onet. «Mutations du surréalisme belge: de l'objet bouleversant aux logogrammes»
- Anne Pellois. «Théâtres d'à côté, théâtre d'avant-garde? L'impossible révolution théâtrale des symbolistes»
- Christophe Meurée. «L'avenir de l'avant-garde sans avenir: de Pinget à Toussaint»
- Caroline Lebrec. «L'écriture collaborative: une poétique spécifique du partage»
- Alain Farah. «Je suis l'avant-garde en 2010»
- Geneviève Cloutier. «Le mythe du futurisme»
- Maxime Morel. «Art et scandale: les avants-gardes au péril de l'histoire»
- Ioana Both. «Les avant-gardes roumaines expliquées aux... Roumains»
- Yves Thomas. «Bureau des recherches, sociétés secrètes, psychogéographies»
- Jean-Baptiste Lamarche. «La théorie du spectacle après les situationnistes»
- Jean-Christophe Angaut. «L'Internationale Situationniste entre avant-garde artistique et avant-garde politique»
- Éric Trudel. «Faire son temps. Guy Debord historien de l'avant-garde»
- Sylvano Santini. «Avant-garde imaginaire ou virtuelle?»
- Bertrand Gervais. «L'art Flipp. Un dadaïsme imaginaire»
- Olivier Asselin. «Collage et composting: le destin des techniques de l'avant-garde à l'ère du numérique»
Organisation du colloque
Bertrand Gervais est le directeur de Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire, ainsi que du NT2, le Laboratoire de recherche sur les arts et les littératures hypermédiatiques. Il fait partie du programme de recherche interdisciplinaire RADICAL (Repères pour une articulation des dimensions culturelles, artistiques et littéraires de l'imaginaire contemporain). Il est professeur titulaire et enseigne au Département d'études littéraires de l'Université du Québec à Montréal. Il s’intéresse au roman américain contemporain, aux nouvelles formes fictionnelles, de même qu’aux théories sur l’imaginaire et ses figures.
Sylvano Santini est professeur au département d’études littéraires de l’UQÀM où il enseigne la sémiologie tardive à partir des Grecs. Chercheur régulier au centre de recherche sur le texte et l’imaginaire (FIGURA), il s'intéresse présentement à la relation performative de la littérature au cinéma dans le cadre des activités du projet-équipe RADICAL (Repères pour une articulation des dimensions culturelles, artistiques et littéraires de l’imaginaire contemporain). Il est membre du comité de rédaction du magazine Spirale et responsable de l’émission en ligne «Mondes Contemporains» de Radio-Spirale pour laquelle il réalise également des documentaires audio.
La théorie du spectacle après les situationnistesL’éloignement historique des avant-gardes artistiques apparaît notamment dans la manière dont nous sommes aujourd’hui portés à effectuer un tri parmi leur héritage: un tri entre l’objet encore vivant de notre attention et ce que l’on refuse ou ignore, entre ce qui nous parle encore et ce qui nous apparaît inintelligible ou dépourvu de sens. Nous nous intéressons par exemple encore aujourd’hui aux riches productions théoriques des avant-gardes, alors que leurs dispositions à constituer des groupes révolutionnaires puis à s’en exclure les uns les autres nous apparaissent obsolètes. |
«Faire son temps». Guy Debord historien de l'avant-gardeOn sait comment Guy Debord revient, dans son dernier film, In Girum Imus Nocte et Consumimur Igni (1978) –«l’histoire de ma vie»–, comme d’ailleurs dans Panégyrique (1989) –texte où il entreprend «aussi froidement que possible» d'écrire «ce que j’ai fait»–, sur l’aventure situationniste alors même que passe et disparaît le rêve révolutionnaire. |
Avant-garde imaginaire ou virtuelle?L’avant-garde connaissait jadis l’esprit du drame. Elle épaulait la conception de l’Histoire de Hegel, encourageait les visions de Marx. Elle était entièrement vouée au domaine de la lutte entre des classes, des partis, des groupes, des individus. L’avant-garde était rageuse, vengeresse, querelleuse, elle ne pliait jamais. Elle a atteint un sommet lorsqu’elle a retourné sa force contre elle-même en se sabordant. |
L'art Flipp. Un dadaïsme imaginaireDans le cadre du colloque Imaginer l'avant-garde aujourd'hui. Enquête sur l'avenir de son histoire (7-8 juin 2010), Bertrand Gervais a présenté une communication intitulée «L'art Flipp. Un dadaïsme imaginaire». |
Collage et composting: le destin des techniques de l'avant-garde à l'ère du numériqueUn capitalisme sentimental est un film, à la fois comique et tragique, sur l'extension de la logique économique à l'art et à l'amour. Ce film d’apprentissage raconte l'histoire de Fernande Bouvier (Lucille Fluet), une femme sans qualités, qui rêve d’art et d’amour, mais qui, en passant de Paris à New York, de la Bohème aux milieux de la finance et de l’entertainment, va perdre peu à peu quelques illusions et prendre toute la mesure du Capital. Le film se présente donc comme une autobiographie romancée, réalisée par Fernande Bouvier elle-même, avec des moyens de fortune. |
L'Internationale Situationniste entre avant-garde artistique et avant-garde politiqueLe concept d’avant-garde résulte de l’application d’un terme militaire à deux domaines distincts: l’art, où il signifie une forme de recherche et d’innovation opposée à l’académisme, et la politique, où il désigne un groupe qui défend des positions avancées par rapport au reste du corps politique. |
Bureau de recherches, sociétés secrètes, psychogéographiesDepuis les manifestations du mouvement Dada à Zurich où la scène est devenue le lieu d’interventions revendicatrices et de mise en accusation, l’avant-garde esthétique a cherché à retourner l’ordre du monde et à donner l’avantage à ce qui n’a pas encore forme ni sens. Elle affiche un mépris pour le fixe et organise le mouvant. Mais tout est affaire de repérages, d’orientations et de direction, de caps et de dérives. |
Les avant-gardes roumaines expliquées aux... RoumainsMon intention est de proposer une réflexion sur la réception roumaine des avant-gardes (roumaines, aussi bien qu’occidentales), en focalisant sur le mélange idéologique de nationalisme roumain et de communisme/socialisme à la manière soviétique qui a scellé la plupart des démarches de la critique littéraire visant à établir une histoire et à formuler une axiologie littéraire du mouvement. |
Art et scandale: les avant-gardes au péril de l'histoireLes mouvements d’avant-garde au XXème siècle ont la particularité commune d’être extrêmement attentifs à l’image qu’ils renvoient, y compris dans leurs actes de subversion les plus radicaux. Le scandale apparaît comme une pratique centrale à plusieurs groupes d’avant-garde tels que Dada, le surréalisme et l’Internationale Situationniste qui peuvent ainsi afficher publiquement leur rupture complète avec la société contemporaine, affirmer ostensiblement leur haine pour les critiques d’art et leur indifférence aux réactions hostiles du public. |
Le mythe du futurismeL’avant-garde, dans l’imaginaire contemporain, se voit réduite pour l’essentiel à deux choses. D’une part, on la confond avec une esthétique historiquement marquée –le style «avant-garde». D’autre part, on l’associe à une philosophie de l’histoire, exaltante mais aujourd’hui dépassée, marquée par une confiance absolue en l’avenir, en le progrès –en d’autres mots, une philosophie futuriste. |
Je suis l'avant-garde en 2010Charles Baudelaire, il y a un siècle et demi, l’avait déjà remarqué: quand vient le temps de parler de littérature, les Français aiment bien recourir à la métaphore militaire. Critique par rapport à cet usage, indiquant que ces «glorieuses phraséologies s’appliquent généralement à des cuistres et à des fainéants d’estaminet», l’instigateur de la modernité littéraire en France pressent sans doute que cette utilisation du lexique de l’armée à des fins littéraires a de beaux jours devant elle. |
L'écriture collaborative: une poétique spécifique du partageProcessus cognitif complexe, l’écriture collaborative pose la question d’une création «within the mind of more than one creative agent» (Bennett, 2005: 95) où des auteurs évoluent dans un espace à la fois individuel et collectif nécessairement délimité par une règle du jeu. Forme d’une «poétique spécifique du partage» (Kaufmann, 1997: 5), l’écriture collaborative met en place un «système des possibles» (Henriot, 1989: 245) qui se retrouve à la fois multiplié et contraint par la nécessité de suivre des règles (ou contraintes d’écriture) communes. |
L'avenir de l'avant-garde sans avenir: de Pinget à ToussaintRobbe-Grillet disait de Robert Pinget qu’il représentait déjà l’avenir du Nouveau Roman (le qualifiant de Nouveau Nouveau romancier). Or, Pinget lui-même n’a jamais participé qu’avec beaucoup de distance au mouvement et n’a jamais produit de discours théorique. Par contre, l’on trouve au fil de ses œuvres la construction d’un imaginaire de l’avant-garde (qui nomme d’ailleurs le Nouveau Roman et les éditions de Minuit qui l’abritent). |
Mutations du surréalisme belge: de l'objet bouleversant aux logogrammesLes interrogations actuelles qui ravivent la question, ou l’histoire, des avant-gardes en projettent dans leur grande majorité l’image d’un passé héroïque de la subversion et du renouvellement. Ce qui s’impose d’emblée dans la subversion avant-gardiste, c’est en fait une volonté d’agir sur les habitudes esthétique et productrice de l’art en général. |
Théâtres d'à côté, théâtre d'avant-garde? L'impossible révolution théâtrale des symbolistesLe symbolisme ne semble pas faire partie des avant-gardes retenues par l’histoire du théâtre en France, qui n’estampille sous cette appellation stricte que le futurisme et le surréalisme, alors que la critique nord américaine n’hésite pas à classer ce courant théâtral dans la catégorie des avant-gardes. |
Stratégies polygraphiques et livre d’artistes: en deçà et au-delà des limites historiques de l’avant-garde surréalisteDepuis les travaux de Caws-Kuenzli-Raaberg, Renée Riese Hubert, Susan Rubin Suleiman, Whitney Chadwick, Georgiana Colvile et Katherine Conley, on sait que bon nombre des femmes dites «surréalistes» ont largement dépassé le triple rôle de muse-modèle-maîtresse dans lequel la pensée hégémonique des chefs de file surréalistes auraient voulu les confiner. |
Avant-garde: la béhartitudeHenri Béhar, professeur émérite de l'Université Paris III, a prononcé, le 7 juin 2010, la conférence inaugurale du colloque «Imaginer l'avant-garde aujourd'hui. Enquête sur l'avenir de son histoire». Il y présente ses «béhartitudes» et ses réflexions sur l'avant-garde (les avants-gardes). |