Présentation du colloque
Le groupe de recherche Rêves en boucles, en collaboration avec Pop-en-stock et Figura, le Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire, a réfléchi aux enjeux entourant la création, la reprise et la circulation de la culture populaire contemporaine à l’occasion de la deuxième édition du colloque international Pop, qui s'est déroulé les 6, 7 et 8 juin 2018 à l'Université du Québec à Montréal et au Théâtre Sainte-Catherine.
Consciente d’elle-même d’amont en aval, la culture populaire est aujourd’hui entrée dans une phase néobaroque (Calabrese: 1987) vouée au jeu de la réflexivité, de la réitération et de la reprise. Entre réinitialisation et mise à jour, entre reboot et remake, entre hybridité générique et métafiction, elle met en place de nombreuses stratégies afin de recycler les univers, personnages et motifs qui ont fait sa fortune depuis la fin du XIXe siècle. Au fil d’un travail de cristallisation de l’imaginaire, certains personnages (Sherlock Holmes, James Bond) se sont érigés en véritables mythes culturels ainsi que, plus amplement, certains mondes de fiction (le «Marvel Universe», la «galaxie lointaine, très lointaine» de Star Wars). Cette évolution mythopoétique est intrinsèquement liée à des stratégies commerciales qui ont fait de ces figures des grandes «franchises» de la fiction (et de l’imaginaire) que les corporations s’échangent désormais à coup de milliards de dollars. Jamais une telle quantité de ressources n’aura été consacrée à maintenir vivants ces êtres et ces lieux, ni de façon aussi méticuleusement planifiée.
La culture de la convergence (Jenkins, 2006), mise au point par ces multinationales transmédiatiques, vise en outre à maximiser la rentabilité de ces franchises en les déclinant à l’infini sur une multitude de supports sans cesse extensibles. Or, paradoxalement, la logique de la série de genre, qui avait fondé le succès de ces franchises, devient, elle, de moins en moins productive, à hauteur de fiction, sur le plan textuel, en raison de plusieurs facteurs: le déploiement rhizomique de certains univers de fiction qui rend difficile l’adhésion de nouveaux spectateurs (comment naviguer dans 75 ans d’aventures de Superman, par exemple ?); l’épuisement thématique provoquant sur le long terme une combinatoire narrative qui peine à produire des variations signifiantes (plus on connaît une série ou un genre, moins ils nous surprennent à la longue); les connaissances du public sur les séries elles-mêmes rendent périlleuse, esthétiquement et commercialement, la production naïve d’un nouveau récit de genre. La logique de contamination intrinsèque aux cultures populaires –autant mainstream que dans le cadre de pratiques plus marginales– conditionne des modalités de production (reprise, recyclage, narrations transmédiatiques, ludification des stratégies de vente) et de réception (lecture sous le mode de l’enquête, easter eggs, augmented reality games en ligne, etc.) novatrices. Ces modalités nous poussent à réévaluer certains concepts fondamentaux quant aux notions de transtextualité et de transfiction, ainsi qu’à analyser les modifications essentielles à apporter aux théories du récit et des univers de fiction dans le nouveau contexte de la création transmédiatique, globalisée, convergente et participative. Quelles histoires peut-on raconter aujourd’hui aux gens qui ont déjà entendu cent fois la même histoire? Inversement, pourquoi voulons-nous collectivement réécouter, en boucle, ces mêmes histoires?
Ce colloque était l’évènement de clôture de la programmation 2017-2018 du projet Rêves en boucles, recyclage en série. Réflexivité, réitération et reprise dans la fiction populaire contemporaine, programmation composée de trois journées d’étude. Ce colloque s’inscrit aussi à la suite du premier colloque international de Pop-en-stock qui a eu lieu en juin 2016.
Programme du colloque
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Grandes conférences
- Denis Mellier. «Boucles critiques et métalepses stériles: quelle(s) réfléxivité(s) en régime pop?»
- Matt Hills. «'Toxic' fandom, transmedia seriality, and the dangers of "fan service"»
- William Proctor. «Reboot culture: discourses, definitions, distinctions»
Séance - Genres
- Maxime Thiry. «Dynamiques de la reconnais-sens dans l’anthologie télévisuelle: le cas d’American Horror Story»
- Emmanuelle Leduc. «True Crime, phallus et conspiration: de la pratique du mockumentary dans la série American Vandal»
- Émile Bordeleau-Pitre. «Si dans le premier acte un fusil est accroché au mur c’est que personne ne tirera: l’anti-série policière Search Party à l’assaut des signes»
Séance - Recyclage
- Laurence Perron. «De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts culinaires: portrait du tueur en cannibale et copiste»
- Louis-Paul Willis. «Songs don’t lie: Stranger Things et la musique comme vecteur de la rétromanie télévisuelle»
- Philippe St-Germain. «Pour une philosophie de série B: reprises cryptées et autres histoires fantastiques»
Séance - Franchises
- Frédéric Gai. «The X-Files: l’histoire sans fin» (Communication non disponible)
- Sylvain Lavallée. «La protestation cyborg: la femme inconnue dans la science-fiction»
- Jean-Michel Berthiaume. «Rien n'est plus puissant qu'une idée dont le moment est venu. Action Comics #1000: 80 ans de Superman»
Séance - Fans
- Hugo Montembeault. «Séries de jouabilité et design de jeu: répercussions, recyclage et remodelage de la pratique du Rocket Jumping dans l’histoire du FPS… et plus loin encore»
- Stéphanie Roussel. «To write about famous people since nobody cares when I write about myself» (Communication non disponible)
- Megan Bédard. «Spoilers! L’expérience lectorale à l’intersection des enjeux identitaires aca-fans»
Organisation scientifique du colloque
Depuis qu’elle a déposé un mémoire de maitrise intitulé «Mécanismes de Reproduction extraterrestre. Étude des dynamiques d’expansion transmédiatique et transfictionnelle de la franchise Alien» sous la direction d’Antonio Dominguez Leiva à l’UQAM, Megan Bédard s’attarde à la lecture des œuvres de la même franchise dans le cadre du projet de recherche Rêves en Boucles. En plus de publier sur la plateforme en ligne Pop-en-stock, elle collabore régulièrement aux podcasts Pop-en-stock et Les Amazones qui proposent un espace de réflexion sur divers sujets de la culture populaire. Elle débute un doctorat en sémiologie et tente tant bien que mal de quitter les xénomorphes pour s’intéresser à d’autres créatures hybrides : les aca-fans et leurs contributions aux cultural studies acutelles.
Jean-Michel Berthiaume est doctorant en sémiologie à l'Université du Québec à Montréal. Il est co-animateur du podcast Pop-en-stock sur les ondes de CHOQ, mais aussi de l'émission Le 7e antiquaire et Radio NT2.
Catherine Côté est étudiante au doctorat en études littéraires et auxiliaire de recherche au Laboratoire ALN/NT2 de l’UQÀM. Ses intérêts de recherche incluent la littérature d’horreur, la culture populaire et les écrits féministes. Elle a publié en février 2017, son premier recueil de poésie, intitulé Outardes, aux Éditions du Passage.
Détentrice d’un diplôme de maîtrise en recherche et création littéraire de l’Université de Montréal, Fanie Demeule rédige une thèse de doctorat en études littéraires à l’UQAM sous la direction de Samuel Archibald. S’inscrivant dans les études féministes et culturelles, ses recherches actuelles portent sur les figures de guerrières dans l’imaginaire contemporain. Elle codirige le groupe de recherche Femmes Ingouvernables et collabore à plusieurs publications, dont la plateforme Pop-en-Stock et le magazine Spirale. En 2016, elle publie un premier roman, Déterrer les os, aux éditions Hamac.
Sarah Grenier-Millette a complété une maîtrise en études littéraires à l'Université du Québec à Montréal. Son mémoire portait sur la renaissance du mythe holmésien dans la série télévisée Sherlock (BBC, 2010-). Elle est aussi diplômée de l'Université de Montréal en gestion d'information numérique. Elle est coordonnatrice de l'Observatoire de l'imaginaire contemporain depuis 2015 et elle est co-éditrice de la revue en ligne Pop-en-stock.
Direction scientifique
Samuel Archibald est chercheur régulier à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire. Il a aussi fait partie du programme de recherche interdisciplinaire RADICAL (CRSH Savoir 2012-2018). Il est également le directeur, avec Antonio Dominguez Leiva, de Pop-en-Stock, le bazar d’études sur la culture populaire, et chroniqueur à l’émission Médium Large de Radio-Canada. Depuis 2009, il est professeur à l’Université du Québec à Montréal, où il enseigne et étudie le roman policier et de science-fiction, le cinéma d’horreur, la culture populaire contemporaine et la création littéraire. Il est l'auteur de l'essai Le texte et la technique. La lecture à l'heure des médias numériques (Le Quartanier, 2010). En 2011, sa première œuvre de fiction, Arvida, remporte le Prix des Libraires, le Prix Coup de Cœur Renaud-Bray 2011 et Prix des lecteurs et du prix littéraire du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Il est aussi l’auteur de l’essai Le Sel de la terre. Confessions d’un enfant de la classe moyenne (Atelier 10, 2013), de la novella Quinze pour cent (Le Quartanier, 2013) et de la pièce de théâtre Saint-André de l'Épouvante (Le Quartanier, 2016).
Antonio Dominguez Leiva est chercheur régulier à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire. a été maître de conférences habilité à l’Université de Bourgogne avant d’être professeur à l’Université du Québec à Montréal. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire culturelle de la cruauté et de l’érotisme, dont Décapitations, du culte des crânes au cinéma gore (PUF, 2004), Esthétique de l'éjaculation (Murmure, 2012) etMessaline, impératrice et putain. Généalogie d'un mythe sexuel (Murmure, 2014) ainsi que les co-éditions de Le supplice oriental dans la littérature et les arts (Murmure, 2005) et Délicieux supplices, érotisme et cruauté en Occident (Murmure, 2008). Il s’est aussi intéressé à l’histoire des frontières du réel (La vie comme songe. Une tentation de l'Occident, EUD, 2009), le Manuscrit trouvé à Saragosse (Laberinto imaginario de Jan Potocki, UNED, 2000) et la biographie collective des surréalistes (Sexe, opium et charleston, Murmure, 2007-2011) et a écrit plus d’une cinquantaine d’articles sur des sujets aussi variés que les mangas, les zombies, le mexico-terror, l’onanisme féminin ou les putti. Il est aussi scénariste et romancier, avec notammentLos Circulos (Saymon, 2010) et la série de El Hombre de los 21 Dedos (Planeta Booket, 2012).
© Crédit de l'image de couverture: Sandra Chevrier
«Spoilers!» L’expérience lectorale à l’intersection des enjeux identitaires aca-fansDans la série Doctor Who, le Docteur entretient une relation avec une autre voyageuse spatiotemporelle: River Song. Or, le passé de cette dernière constituant le futur du premier, le Docteur ne peut avoir accès aux informations à venir puisque celles-ci influenceront ses choix (et peuvent, accessoirement, causer des paradoxes temporels). Spoilers! lui dit-elle, alors. |
Séries de jouabilité et design de jeu: répercussions, recyclage et remodelage de la pratique du Rocket Jumping dans l’histoire du FPS… et plus loin encoreComme le souligne Sue Morris lorsqu’elle définit le jeu de tir à la première personne (FPS) en tant que média co-créatif: "ni les développeurs ni les joueurs ne sont les uniques responsables de la production de l’assemblage final considéré comme étant “le jeu” [puisque ce dernier] nécessite les implémentations des deux" (2003, paragr. 1; ma traduction). |
«Rien n'est plus puissant qu'une idée dont le moment est venu.» Action Comics #1000: 80 ans de Superman«On attribue la phrase de mon titre à Victor Hugo, malgré qu'aucune preuve ne subsiste qu'il ait bel et bien affirmé ceci. Néanmoins, je trouve que cette phrase peut servir pour décrire plusieurs des meilleures idées imaginées par l'humanité: le trio guitare/bass/drum, le baseball professionel et Superman.» |
La protestation cyborg: la femme inconnue dans la science-fictionDans le cadre de sa communication, Sylvain Lavallée explore le croisement entre la figure du cyborg et le concept de la femme inconnue tel que le philosophe Stanley Cavell le définit dans son ouvrage La protestation des larmes. |
Pour une philosophie de série B: reprises cryptées et autres histoires fantastiquesOn a parfois l’impression que le rapport entre la philosophie et la culture populaire va dans une seule direction, une grille de lecture philosophique étant systématiquement appliquée à un contenu de la culture populaire; on le constate notamment dans les collections du type "… and Philosophy", fort prisées dans le monde anglo-saxon. Or, on trouve dans les textes philosophiques eux-mêmes des fictions qui rappellent des motifs de la culture populaire. |
«Songs don’t lie»: «Stranger Things» et la musique comme vecteur de la rétromanie télévisuelleJouissant d’une popularité instantanée dès sa sortie en 2016, la série Stranger Things se pose comme un objet culturel à la fois sériel et unique. D’ailleurs, à sa sortie, un nombre important d’interlocuteurs a tenté de faire l’inventaire des innombrables références intertextuelles enchâssées dans les 8 épisodes de la première saison. Mais au-delà du plaisir référentiel offert par la série, force est de constater que cette dernière s’inscrit dans une logique narrative fondée sur la nostalgie. |
De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts culinaires: portrait du tueur en cannibale et copisteCertains articles et ouvrages (Hélène Machinal, Jack Halberstam) ont déjà saisi l’occasion de souligner à quel point la figure du tueur en série se prête aux productions écraniques sérielles, notamment parce que l’activité meurtrière du personnage devient une possibilité de fournir un écho métadiscursif au processus de réitération constante qui a cours dans la série télévisée. |
«Si dans le premier acte un fusil est accroché au mur c’est que personne ne tirera»: l’anti-série policière «Search Party» à l’assaut des signesEn temps normal, les romans –ou films, séries– policiers classiques fonctionnent selon des règles bien établies et connues: ils mettent en scène «des faits peu ordinaires ou extraordinaires qui semblent déraisonnables voire irrationnels, des faits qui par suite mettent en désordre les pensées de quelques personnages, des faits cependant que d’autres personnages –les détectives–, capables d’en rendre raison, ramènent à l’ordre» (Chastaing, 1977, 28). |
«True Crime», phallus et conspiration: de la pratique du mockumentary dans la série «American Vandal»Il est aisé de remarquer, depuis les dernières années, un intérêt renouvelé, particulièrement aux États-Unis, pour le true crime, genre qui présente des récits de longueurs et de structures variées sur différents médiums, mais dont le point commun est de présenter la narration d’affaires criminelles réelles, le plus souvent de meurtres. |
Dynamiques de la reconnais-sens dans l’anthologie télévisuelle: le cas d’«American Horror Story»Partant de l’exemple d’American Horror Story (FX, 2011-), la communication vise à comprendre la façon dont le pacte fictionnel s’élabore avec le public dans le format anthologique. |