Si l’on en croit l’historiographie courante, les années quatre-vingt sonneraient le glas du nouage séculaire de la littérature française et de la contestation politique. Les contemporanéistes ont tour à tour diagnostiqué le déclin de la figure classique de l’intellectuel apparue lors de l’Affaire Dreyfus, la disparition des avant-gardes à la fois littéraires et politiques auxquelles la Grande Guerre et la Révolution d’Octobre avaient donné naissance et que les années soixante avaient vu resurgir, enfin l’épuisement de la théorie et de la pratique de la littérature engagée telle que Sartre l’avait imposée à la Libération. Les écrivains d’aujourd’hui auraient rompu avec le programme d’une critique radicale de la société et se seraient affranchis des prismes idéologiques qui avaient infléchi les conceptions de la littérature tout au long du XXe siècle. Cette topique de la fin, qui rend compte d’une mutation sociale et culturelle indéniable, mais dont l’ampleur est sans doute surestimée, n’a pas peu contribué à légitimer la littérature contemporaine en la singularisant à la fois esthétiquement et politiquement. Elle a aussi eu pour conséquence de laisser dans l’ombre des pratiques littéraires, souvent en rupture avec les genres traditionnels, qui partagent encore aujourd’hui le style de radicalité politique des «années 68».
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Cet article a d'abord été publié en tant que chapitre de l'ouvrage dirigé par Gianfranco Rubino et Dominique Viart, Le Roman français contemporain face à l'histoire. Thèmes et formes, aux éditions Quodlibet Studio (Rome) en 2014.
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