Mallarmé fut davantage un contemporain du XXe siècle que de son propre siècle. À travers les représentations que bricole la mémoire et parmi lesquelles braconnent les lecteurs, le poète a connu des vies posthumes que ne suffisent à conjurer ni le recours aux registres de l'état civil, qui consignent ses dates de naissance et de mort, ni le retour au corpus des textes qui portent sa signature. L'une de ses survivances, tel l'écheveau de pièces rapportées que Freud a reconnu dans la combinatoire du rêve, le présente affublé non seulement du gilet vermillon arboré par Théophile Gauthier lors de la bataille d'Hernani, à titre d'incarnation de la doctrine de l'art pour l'art, mais également de ce drapeau rouge provisoirement hissé, cinquante ans après l'Octobre russe, sur la vielle Sorbonne, au coeur d'un Quartier latin ressuscité par les barricades estudiantines. D'aucuns préfèreront à cette image apocryphe un portrait de Mallarmé, attribué au photographe Alberto Korda, sur lequel le poète haranguant la foule sous son béret étoilé tient entre ses mains les plans du Monument à la Troisième International de Tatline, ou un dessin à la manière de Giacometti le représentant à la création des Paravents de Jean Genet, tenant tête aux anciens combattants des guerres coloniales qui envahissent le théâtre de l'Odéon.
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Cet article a d'abord été publié comme avant-propos de l'ouvrage de Jean-François Hamel, Camarade Mallarmé. Une politique de la lecture, paru en 2014 aux Éditions de Minuit.
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