États-Unis

Freak Show

Le corps pose problème. Il naît, grandit, fait défaut, est amputé, meurt, se décompose… Le corps est ce qui fuit. Il s’enfuit à l’impératif de dire, d’écrire, de parler et de rencontrer. C’est avant toute chose un ensemble organique en souffrance, dans le manque comme dans la douleur. Face à une corporalité maladive, handicapée voir symptomatique, peut-on y entendre l’agonie d’une société qui se meurt en écho? Des regards se posent et questionnent. Une parole en quête de sens émerge. La représentation du corps dans «Like a Velvet Glove Cast in Iron» de Daniel Clowes est problématique. Cette bande dessinée présente un corps étranger, transformé, en mutation, s’ouvrant sur un regard qui renvoie à un malaise.

Should I Stay or Should I Go? Être indécis en compagnie de Mister Wonderful

Nous ne serons jamais absolument certains de quelle perspective Clowes tentait d’illustrer dans «Mister Wonderful». Il me semble évident que même avec un billet de confirmation signé de l’auteur lui-même nous serions toujours dans le doute d’un leurre probable venant de la part d’un fripon qui joue à beaucoup trop de jeux avec le lecteur pour être pris au pied de la lettre. Il m’apparaît difficile à argumenter que la valeur énigmatique de l’œuvre prendra toujours le dessus sur nos convictions. D’autant plus, chaque lecture du livre ne fera qu’engendrer d’autres lectures potentielles similaires aux soirées potentielles crées dans l’œuvre. Un nouveau lecteur peut donc se réjouir de faire la connaissance d’une œuvre qui comporte un vaste potentiel interprétatif. Nous devons donc nous contenter de lire «Mister Wonderful» qui restera toujours un mystère insoluble à la manière de la soirée décrite. Le livre, réfléchissant sur soi-même, devient son propre rendez-vous manqué qui se déplie dans notre imaginaire comme un arbre des possibles.

«The Heroin Diaries» ou ressentir la douleur de Nikki Sixx

Depuis une dizaine d'années, les autobiographies de «rockstars» se multiplient sur les rayons des librairies. Des musiciens à la vie abracadabrante, tels qu'Ozzy Osbourne, Keith Richards, Slash, Lemmy Kilmister et Steven Tyler, comptent tous leur autobiographie (quoiqu'elles sont co-écrites avec un auteur-fantôme), souvent de remarquables succès de vente. Les autobiographies de «rockstars» traitent du «croustillant», de ce qui relève du «potinage»; les lecteurs (et les fans) ont accès à la vie «sexe, drogues et rock n' roll» par les mots même du principal intéressé, ils peuvent interpréter les comportements de leurs musiciens préférés, savoir et expliquer la «vérité». Parmi les révélations des autobiographies, la consommation de drogues est un genre de mesure étalon de l'attitude typique d'une «rockstar». En ce sens, ces autobiographies regorgent de récits et d'aveux concernant les drogues. Parfois même, elles tournent autour des drogues. C'est le cas de «The Heroin Diaries: a year in the life of a shattered rock star», le journal intime de Nikki Sixx, le bassiste de Mötley Crüe, publié en 2007.

Performance toxicomaniaque: comment recoller ensemble des milliers de petits bouts de soi

La performance, justement, c’est aussi une affaire de mots, d’écriture et de langage. En effet, performer signifie un mode d’expression, une mise en acte de la parole. Dans l’écriture de la drogue, la performance consiste à soumettre le langage à une opération qui permet de dire la drogue. Car l’expérience vécue (parce qu’elle est avant tout affaire de perception, parce qu’elle correspond à une réalité unique, non partageable et non reproductible) dépasse très souvent les capacités langagières de l’auteur. Elle tient de l’indicible. En cela, Frey n’est pas différent de ses prédécesseurs: sa performance textuelle repose sur une série de moyens employés pour faire correspondre l’écrit et l’expérience.

Emporter le paradis d'un seul coup

Dans tous les cas, la drogue est un moyen pour les écrivains de réfléchir à notre rapport au monde: déchirés entre le désir et le manque, nos contemporains connaissent eux aussi la compulsion, la tentation des objets qui chantent à l'unisson, comme dans un dessin animé de Disney qui aurait tourné au cauchemar: «Consomme-nous! Consomme-nous! Quand tout sera consumé, tu seras au Paradis.» Il est peut-être banal d'affirmer que tout peut potentiellement être une drogue: l'amour, le sexe, le café, le dessert, mais il l'est sans doute moins de pousser à termes le raisonnement. Le fait de s'investir affectivement dans la consommation laisse entrevoir une forme de vide. De quelle nature est ce vide? C'est la question que la drogue pose. Et comme il existe plusieurs sortes de drogues, il doit exister aussi plusieurs sortes de vide, ou plusieurs façons de s'y abandonner.

La Black lodge de David Lynch

Vendredi 30 Juillet 2021
Imaginaire et culture pop
Participant·e·s:
Dominguez Leiva, Antonio
Thiellement, Pacôme

Antonio Dominguez Leiva et Pacôme Thiellement s'intéressent à «Twin Peaks», à l'oeuvre de David Lynch en général et plus particulièrement à la place que la Black lodge et la Red Room y jouent. Ils approfondissent la question en explorant ses origines dans la théosophie, la psychanalyse et la culture populaire. Surtout pour les fans avertis de «Twin Peaks» (ou les curieux)!

Bip Bip et le Coyote

Vendredi 18 Juin 2021
Imaginaire et culture pop
Participant·e·s:
Dominguez Leiva, Antonio
David, Sylvain
Perrin, Wendy
Halpern, Anne-Élisabeth
Hubier, Sébastien
Pélissier, Clément

L'éternelle chasse du Roadrunner (Bip Bip) par Wild E. Coyote est-elle une métaphore sexuelle, prédatrice, zoologique, anticapitaliste ou pacifiste? La célèbre série de cartoons de Chuck Jones est-elle une simple parodie des courses poursuites qui dominaient le cinéma de l'époque, une comédie sur les lois de la physique détournées ou la complainte du consommateur jamais rassasié?

Détours et silences du poème pour dire l’histoire chez Édouard Glissant et Layli Long Soldier

Pour les poètes Édouard Glissant et Layli Long Soldier, il s'agit simultanément de résister à l'imposition d'un discours officiel qui ne prend pas en compte les perspectives de leurs ancêtres et de proposer un rapport à l'histoire qui compose avec un passé parcellaire car fait de silences et d'oublis. Ces silences sont ceux des archives perdues tout comme des témoignages impossibles du fait du trauma colonial. La poésie a alors vocation à créer une nouvelle mémoire en explorant les zones d'ombre du passé pour se les réapproprier et en faire une source de création.

Comment filouter l’Histoire: Louise Erdrich et la mémoire en pagaille

En 1985, Kenneth Lincoln publiait aux États-Unis Native American Renaissance qui s’est imposé depuis (malgré des critiques) pour désigner le renouveau de la littérature autochtone. Il voyait alors dans House Made of Dawn de Navarre Scott Momaday, qui remporte le prix Pulitzer en 1969, son point de départ. Cette renaissance concerne une nouvelle génération de romanciers et romancières, de poètes, mais aussi la redécouverte d’une culture orale marginalisée et la volonté de lui redonner une place dans la trame culturelle et l’histoire américaine.

Du Transperceneige au Snowpiercer

Vendredi 4 Juin 2021
Imaginaire et culture pop
Participant·e·s:
Dominguez Leiva, Antonio
Després, Elaine
Laperrière, Simon
Li-Goyette, Mathieu

Dans cet épisode, Antonio Dominguez Leiva, Elaine Després, Simon Laperrière et Mathieu Li-Goyette discutent de l'univers du Transperceneige, de la première bande dessinée française de Lob et Rochette (1984) aux albums qui ont suivi des décennies plus tard (1999-2020). Ils abordent également le film transnational et transculturel Snowpiercer de Bong Joon-Ho (2013), et plus brièvement la nouvelle série Netflix du même nom (2019-).

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