Figures contemporaines

Aire de recherche consacrée aux figures centrales de l'imaginaire contemporain.

Un monde fantôme

Du monde fantôme au médium d’apparition et à la case spectrale, du brouillard de la mémoire à l’élément graphique-souvenir, des images du monde flottant à l’écoulement d’images, du «hanteur sous la pluie» au «eavesdropper», ces différents concepts s’enchaînent, tressent un réseau de sens pour tenter de définir un médium dont l’impalpable définition semble justement toujours résider dans l’entre-deux, au propre comme au figuré.

Should I Stay or Should I Go? Être indécis en compagnie de Mister Wonderful

Nous ne serons jamais absolument certains de quelle perspective Clowes tentait d’illustrer dans «Mister Wonderful». Il me semble évident que même avec un billet de confirmation signé de l’auteur lui-même nous serions toujours dans le doute d’un leurre probable venant de la part d’un fripon qui joue à beaucoup trop de jeux avec le lecteur pour être pris au pied de la lettre. Il m’apparaît difficile à argumenter que la valeur énigmatique de l’œuvre prendra toujours le dessus sur nos convictions. D’autant plus, chaque lecture du livre ne fera qu’engendrer d’autres lectures potentielles similaires aux soirées potentielles crées dans l’œuvre. Un nouveau lecteur peut donc se réjouir de faire la connaissance d’une œuvre qui comporte un vaste potentiel interprétatif. Nous devons donc nous contenter de lire «Mister Wonderful» qui restera toujours un mystère insoluble à la manière de la soirée décrite. Le livre, réfléchissant sur soi-même, devient son propre rendez-vous manqué qui se déplie dans notre imaginaire comme un arbre des possibles.

L'auteur n'est pas mort

Il semble impossible, en lisant «Testament» de Vickie Gendreau, de faire abstraction du contexte très singulier dans lequel le roman a été écrit. Quelle que soit la plateforme médiatique sur laquelle le livre est présenté (depuis «La Presse» et «Tout le monde en parle» jusqu’aux blogues «undergrounds»), le texte et son auteur paraissent partout indissociables: l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de l’écrivaine –atteinte d’un cancer au cerveau– oriente la lecture du livre et justifie l’œuvre. Vickie Gendreau a rédigé son roman parce qu’elle est condamnée. Pondu en un été et publié en septembre 2012 au Quartanier, «Testament» témoigne de l’urgence de vivre, d’écrire, d’être entendue. À l’opposé de la publication posthume d’un roman inachevé, écrit par un auteur prématurément happé par la faucheuse, se trouve peut-être le type d’ouvrage publié par Vickie Gendreau, qui lègue mots et fennecs à ses amis dans une œuvre testamentaire publiée «avant sa mort et dans la perspective de celle-ci.

La mort au kaléidoscope

Hervé Guibert, qui contracte le virus du sida dans les années 1980, produit une importante partie de son œuvre étant témoin de la dégradation fulgurante et prématurée de son corps. Il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages, dont quelques-uns sont publiés après son décès survenu à l'aube de ses trente-six ans. L'écriture posthume, chez Guibert, se joue dans et par l'énonciation, elle est un souvenir laissé à l'Autre ainsi qu'une tentative de survivance. Comme nous le verrons, les textes posthumes de Guibert rendent compte d'un déploiement remarquable de sa relation à sa mort prospective; celle-ci est désirée, haïe, déplacée, fragmentée, camouflée, niée, etc.

Entre la honte et l’image

Nelly Arcan (Isabelle Fortier) s’est tuée le 24 septembre 2009. Le tranchant de son verbe, la précision constante de sa phrase prouvaient qu’elle traitait l’écriture en orfèvre, quel qu’en soit le support, de la publication au Seuil aux chroniques qu’elle publia dans le maintenant défunt hebdomadaire culturel de Québecor, Ici, qui furent d’ailleurs les seuls textes que je lus d’elle de son vivant. En apprenant qu’elle s’était tuée, je me rattrappai aussitôt, lisant tous ses livres en succession, non sans éprouver la honte de m’être mis à la lire parce qu’elle était morte. Je me sentais idiot.

Le Passé défini, un journal posthume adressé aux lecteurs de l’an 2000

Jean Cocteau a tenu de nombreux journaux personnels de 1911 jusqu’à sa mort en 1963. Il a publié de son vivant la majorité de ces textes: «Opium. Journal de désintoxication» en 1930, «Retrouvons notre enfance» en 1935, «Tour du monde en 80 jours (mon premier voyage)» en 1937, «La Belle et la Bête. Journal d’un film» en 1946, «La Difficulté d’être» en 1947, «Maalesh. Journal d’une tournée de théâtre» en 1949 et «Journal d’un inconnu» en 1952. Trois des journaux du poète sont imprimés après sa mort: «L’Apollon des bandagistes, Journal 1942-1945» et «Le Passé défini». Nous ne connaissons pas l’intention du diariste quant à la publication des onze feuillets composant le manuscrit d’«Apollon des bandagistes». Toutefois, si les notes du «Journal 1942-1945» ne nous renseignent pas sur la volonté de l’auteur de publier son texte, cette information est élucidée par Jean Touzot, éditeur de l’ouvrage. En effet, «Journal 1942-1945» est posthume par défaut, Cocteau n’ayant pas trouvé d’éditeur après la guerre, certainement à cause de l’ambiguïté de son attitude durant le conflit. Le poète ne programme une publication posthume que pour «Le Passé défini».

«The Heroin Diaries» ou ressentir la douleur de Nikki Sixx

Depuis une dizaine d'années, les autobiographies de «rockstars» se multiplient sur les rayons des librairies. Des musiciens à la vie abracadabrante, tels qu'Ozzy Osbourne, Keith Richards, Slash, Lemmy Kilmister et Steven Tyler, comptent tous leur autobiographie (quoiqu'elles sont co-écrites avec un auteur-fantôme), souvent de remarquables succès de vente. Les autobiographies de «rockstars» traitent du «croustillant», de ce qui relève du «potinage»; les lecteurs (et les fans) ont accès à la vie «sexe, drogues et rock n' roll» par les mots même du principal intéressé, ils peuvent interpréter les comportements de leurs musiciens préférés, savoir et expliquer la «vérité». Parmi les révélations des autobiographies, la consommation de drogues est un genre de mesure étalon de l'attitude typique d'une «rockstar». En ce sens, ces autobiographies regorgent de récits et d'aveux concernant les drogues. Parfois même, elles tournent autour des drogues. C'est le cas de «The Heroin Diaries: a year in the life of a shattered rock star», le journal intime de Nikki Sixx, le bassiste de Mötley Crüe, publié en 2007.

Performance toxicomaniaque: comment recoller ensemble des milliers de petits bouts de soi

La performance, justement, c’est aussi une affaire de mots, d’écriture et de langage. En effet, performer signifie un mode d’expression, une mise en acte de la parole. Dans l’écriture de la drogue, la performance consiste à soumettre le langage à une opération qui permet de dire la drogue. Car l’expérience vécue (parce qu’elle est avant tout affaire de perception, parce qu’elle correspond à une réalité unique, non partageable et non reproductible) dépasse très souvent les capacités langagières de l’auteur. Elle tient de l’indicible. En cela, Frey n’est pas différent de ses prédécesseurs: sa performance textuelle repose sur une série de moyens employés pour faire correspondre l’écrit et l’expérience.

Massimo Introvigne

Vendredi 14 Mai 2021
Imaginaire et culture pop
Participant·e·s:
Introvigne, Massimo
Dominguez Leiva, Antonio

Dans cet épisode, Antonio Dominguez Leiva discute avec le sociologue italien et grand spécialiste des religions hétérodoxes en culture populaire, Massimo Introvigne. Ils reviennent sur sa carrière, ses intérêts de jeunesse pour Emilio Salgari, Rudyard Kipling et Luigi Ugolini, ses travaux sur la théosophie, la religiosité, le gnosticisme et l’occultisme en littérature populaire.

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