L'idiot devant la Science: sur le schéma de la quête et ses adjuvants
Comment les textes de fiction parviennent-ils à se construire sur le modèle marqué de la quête d’une connaissance à partir d’un héros idiot?
Aire de recherche consacrée aux figures centrales de l'imaginaire contemporain.
Comment les textes de fiction parviennent-ils à se construire sur le modèle marqué de la quête d’une connaissance à partir d’un héros idiot?
Partant d’une réflexion sur la candeur naïve qui caractérise la Esmeralda dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, nous nous penchons sur la manière dont ce personnage incarne la figure de l’idiot, telle que perçue dans une perspective anthropologique. Soit comme expression d’un dérèglement à comprendre au sens de «sot», de «niais» ou de «bêta», et qui serait le résultat d’une incomplétude ou d’un manquement plaçant l’idiot en dehors d’une norme —en l’occurrence ici la norme sociale.
Du canal Saint-Martin qui ouvre le roman «farce» de Flaubert à Chavignoles, ce Clochemerle avant la lettre, le retrait studieux des deux compères s’inscrit expressément dans un cadre géographique dont la découverte du modèle, qualifié de «stupide» par le maître, sert littéralement de déclencheur à l’œuvre.
Le personnage chez Samuel Beckett est toujours considéré comme un cas particulier du personnage littéraire, un contre-exemple.
On n’a pas souvent parlé du comique de Marguerite Duras. Il faut dire pourtant que La pluie d’été est d’un drôle assez singulier, assez irrésistible. Le comique de ce petit livre repose d’ailleurs sur le statut bien particulier des personnages dont le principal est Ernesto, fils aîné de la famille qui est un enfant «entre douze et vingt ans», un «enfant de quarante ans de philosophie». Ernesto ne sait pas lire, ne sait pas son âge, il sait seulement son nom. Mais la découverte d’un livre brûlé au chalumeau et troué en son centre, le plonge dans une phase de silence.
Qu’est-ce que le prince Mychkine peut nous apprendre encore sur la figure de l’idiot? Et qu’est-ce que le personnage liminaire peut nous apprendre sur le personnage conceptuel de l’idiot?
Si l’idiot désigne par sa trajectoire déviante au sein de la société qui l’abrite et le rejette tout à la fois un mode d’initiation à la littérature qui le narre, nul doute que le Berger extravagant inventé par Charles Sorel en 1627 dans le roman ainsi intitulé en constitue une des figures intéressantes, non pas tant parce qu’il manifeste une innocence qui confine à la stupidité, que parce qu’il tourne obstinément le dos à l’assomption dans la collectivité pour s’installer à la marge, sur les seuils du récit et de la vie: il est, selon l’étymologie même de l’adjectif
À partir de Valentin et Orson, roman publié en 1489, je me propose de présenter une série de figures d’idiot qui traversent la littérature médiévale et la culture qui la sous-tend. Le choix de ce texte se justifie à deux titres. Paru à la fin du Moyen Âge, il conjugue les traditions narratives médiévales (roman, épopée, hagiographie) dans une combinatoire de motifs en cours de folklorisation. Ses liens avec le conte expliquent en partie son succès jusqu’au XVIIIe siècle dans les livrets de colportage de la Bibliothèque Bleue.
Dans le contexte canadien actuel, sous le sceau du colonialisme qui le marque encore, la littérature amérindienne a ceci de particulier de se présenter d’emblée idiote. Son discours, en effet, met le plus souvent en scène des personnages et des contextes de sens que le citoyen blanc, Euro-américain, recevra le plus souvent et nécessairement comme autre. Pourtant, la littérature amérindienne contemporaine se joue bien de cet état de fait pour présenter ses œuvres dans ses propres langages. Elle récupèrera alors la fonction «idiotique» pour en faire sa principale force.
Le personnage de bande dessinée, Bécassine (1905) est devenue le protype proverbial (ce n'est pas si fréquent) de l'amusante et sympathique idiote. Mais la Bécassine de papier est plus complexe que la représentation réductrice qu'on en a habituellement.