maternité

Présentation: de l'assignation à l'éclatement

L’ensemble des textes révèle en effet la lente transition qui s’opère tout au long du XXe siècle. Aux figures de femmes clichées et asservies s’ajoutent des modèles de femmes plus audacieuses, moins conformes, dans un nombre croissant d’œuvres (picturales, cinématographiques et littéraires), de discours et de médias et ce, tant en Amérique du Nord qu’ailleurs dans le monde.

La filiation créatrice dans «Journal de la création» (1990) de Nancy Huston et «Le bébé» (2002) de Marie Darrieussecq

Trop longtemps, parce qu’elles étaient réduites à leurs fonctions maternelles et donc considérées comme inaptes à la création, les femmes ont eu à choisir entre la maternité et l’écriture. En raison de leur puissance procréatrice, elles «ont été confinées dans la sphère privée et exclues de la culture, tant de la vie de l’esprit et de la création que du monde socio-économique et politique» (Saint-Martin, 1999: 19). Si certaines ont réussi, avant l’époque contemporaine, à la fois à créer une œuvre littéraire devenue canonique et à avoir des enfants (on peut penser à Germaine de Staël, à George Sand et à Colette), l’histoire littéraire française n’a retenu que très peu de textes d’écrivaines qui étaient également mères. Prises dans une vision dichotomique opposant l’esprit et le corps, certaines, à l’instar de Simone de Beauvoir, ont refusé l’enfantement parce qu’elles n’étaient pas prêtes à renoncer au monde de l’esprit.
Cahiers de l'IREF

Université du Québec à Montréal

Mères et filles de soi(e): filiations tissées, nouées et rompues dans la littérature contemporaine transnationale

Directeur·trice(s):
Bélanger, Jennifer
Huberland, Manon
Lafontaine, Marie-Pier
N° de la publication:
9
2022
L’histoire d’une fille devant sa mère, c’est «pour qui je me prends», mais aussi «pour qui je la prends, elle».
Cahiers de l'IREF

Université du Québec à Montréal

De l'assignation à l'éclatement. Continuités et ruptures dans les représentations des femmes

Directeur·trice(s):
Bourque, Dominique
Descarries, Francine
Désy, Caroline
N° de la publication:
5
2013
Les auteures explorent, à partir de leurs disciplines et ancrages, diverses facettes de l’expérience des femmes, telle qu’elle nous est présentée dans: les discours de presse, les médias, les politiqu

«Borchtch», forer la langue, tisser des trous: une lecture de «Ma mère est humoriste» de Carla Demierre

Il est nécessaire de citer longuement Carla Demierre. Pour s’envelopper. Son texte «Ma mère est humoriste» (2011) présente au toucher une texture papier sablé qui abîme; à l’écoute, des ritournelles entraînantes; au goût, un cœur qui lève et qui se repose. En frottant le texte sur mes joues mouillées, je l’ai senti, mou et râpeux, il a laissé des petits rouleaux de papier collants. J’ai cherché l’air des phrases, j’ai appris à les chanter pour me réveiller. J’ai mâchouillé certains fragments, parfois lentement, parfois vitement, pour que le lait jute. J’ai senti le liquide s’infiltrer dans mes creux, un lait profond qui modèle la survie.

Filiation symbolique et acte d'écriture dans «Rien ne s'oppose à la nuit» de Delphine de Vigan

La concordance entre la mort de la figure maternelle et l’acte d’écriture entrepris par de Vigan est particulièrement intéressante. Nous tenterons d’illustrer de quelle manière s’instaure, par l’œuvre, une filiation symbolique qui permet une pacification du rapport à la mère – puisque, de son vivant, la relation entre les deux femmes était plutôt houleuse. À cet égard, l’écrit semble combler plusieurs manques chez la narratrice-autrice. Lʼacte d’écriture maintient symboliquement la figure maternelle en vie, tout en constituant une tentative de contourner le mutisme qui lʼa longuement caractérisée auprès de ses filles.

«Under my mother’s house»: emprise maternelle et formation identitaire dans «At the Bottom of the River» de Jamaica Kincaid

Si l’Histoire et les canons littéraires regorgent de mères tues, maudites ou canonisées, «At the Bottom of the River» accueille une voix maternelle ravivée qui brouille les limitations binaires. Transitant entre agente du patriarcat et amante préœdipienne, elle s’érige dans ses oscillations et ses paradoxes. Cette inconsistance s’avère néanmoins confrontante pour l’enfant en quête de modèle, de pilier, et qui, dans l’espace du récit, ne peut compter que sur ce seul accompagnement. En effet, comme ombre patriarco-coloniale, le Père ne se remarque que par son absence. Jamais ne vient-il activement perturber la dyade ni prendre parti dans l’évolution identitaire de la fille.

Chiennes de faïence de mère en fille: les mères gigognes dans «La dévoration des fées» de Catherine Lalonde

Avec «La dévoration des fées», Catherine Lalonde réécrit et reprise. Elle emprunte à Josée Yvon, dont les mots, en exergue ici, annoncent la cinquième et dernière partie de son récit; elle investit les genres du conte et de la légende pour les réinventer. En reprenant en filigrane les écritures de quelques autrices qui la précèdent et qu’elle salue à la toute dernière page de son livre, elle s’inscrit elle-même dans une filiation littéraire, parmi d’autres femmes créatrices. Elle élabore, ce faisant, un langage féminin, qui, dans le texte, prend origine de la mère (Saint-Martin,1999: 302). Porté par une voix de femme («(je parle comme une grand-mère)» (DF, 10), lit-on à la toute première page), le récit s’établit à partir d’une généalogie toute féminine.

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