culture populaire

Entretien avec Ta mère

Afin d'aborder la rentrée littéraire automnale, Salon Double a mené une série d'entretiens avec plusieurs éditeurs afin de découvrir leur historique, leurs politiques éditoriales et leurs vues plus larges sur la littérature contemporaine. Nous inaugurons cette série par un entretien avec la maison d'édition Ta Mère. Maude Nepveu-Villeneuve a accepté de répondre à nos questions.

Introduction [Les meilleurs vendeurs]

Les «meilleurs vendeurs»: qu’ils appartiennent à une forme littéraire, un mode, ou un genre bien précis ou qu’ils s’inscrivent plus «simplement» dans le champ du roman de grande consommation, les livres qui réussissent à se hisser dans les palmarès dressés religieusement à chaque semaine par les grands journaux, les chaînes de librairies et les autres intervenants du monde du livre sont bien souvent l’objet de cynisme et de critiques a priori, comme si l’engouement commercial et médiatique pour une œuvre remettait inévitablement en question ses potentialités esthétiques et littéraires. Toutefois, les bestsellers ne forment une catégorie que dans la mesure où leur succès commercial leur mérite ce titre, ce qui relève d’une entrée dans la catégorie a posteriori. Comment alors penser le meilleur vendeur en littérature autrement que par une posture critique négative, atrabilaire, d’emblée convaincue de la médiocrité de ces œuvres?

Best-sellers: sur les traces d’Hermès

Qu’y a-t-il de commun entre «Harry Potter» de J. K. Rowling, le «Da Vinci Code» de Dan Brown, la saga «Twilight» de Stephenie Meyer et les polars de James Ellroy? Ils sont tous à la tête des listes des ventes. Alors, la question qui s’impose est la suivante: Pourquoi? Pourquoi ces livres plaisent autant au public? De quoi un best-seller est-il fait? La réponse est sans doute multiple. Un texte qui se place à la tête des ventes fait souvent l’objet de critiques. On le taxe d’artificialité et de superficialité; c’est-à-dire, d’appliquer des recettes avec le but de plaire à un public aussi large que possible. Cette vision, cynique et assez répandue, manque de rigueur et ne suffit pas pour expliquer les motifs d’un succès d’édition. Mon hypothèse est qu’un texte devient un best-seller parce qu’il réussit à traduire le fonctionnement intime, l’essence profonde de son époque.

Pour en finir (une fois pour toutes?) avec Stephen King

C’est à Stephen King que je dois mes premiers émois de lecteur de romans. J’ai lu «The Shining» (1977) en cachette à onze ans; premier roman que je lus de ma propre initiative, dans une ambiance grisante de secret et de clandestinité. Je ne conçois toujours pas de meilleure porte, aujourd’hui, pour entrer dans le monde de la littérature que celle-là: montrez-moi un lecteur assidu de Beckett et de Proust, et je vous montrerai un adolescent qui a fait ses premières classes littéraires en lisant des auteurs comme King. Mais la suite de l’histoire se complique. Au cours des six années suivantes, j’ai lu du King à m’en écœurer. Et c’est à «It» (1986) que revient le mérite de m’avoir écœuré de ses histoires pour de bon. Depuis It, King semble publier ce qu’il veut, allongeant au kilomètre des romans plus ou moins bien ficelés, dans une apparente absence de contrôle éditorial, lui permettant de devenir une industrie à lui tout seul. Son nom fait confortablement recette, même si son imaginaire n’a pas su imposer à l’horreur moderne des figures aussi marquantes, iconiques, que celles de ses débuts.

Meilleurs vendeurs et Fidèles Lecteurs

Mais existe-t-il un lecteur type pour les meilleurs vendeurs? Répondre par l’affirmative serait réducteur, puisqu’on assimile ainsi une frange de la population à un type de lecture bien précis. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’auteurs qui développent une base de lecteurs qui suivent avec attention la sortie d’un nouveau roman. Chez King, le fan a un statut particulier. L’appellation «Constant Reader» illustre très bien, selon nous le rapport que King entretient avec ses fans. En effet, il est parfaitement conscient que, sans le (Fidèle) lecteur, son art ne peut exister.

Des faits et des mythes, la création de faux-authentiques chez Dan Brown

Dan Brown a, en quelque sorte, transformé le cadre et du coup les horizons d’attente des lecteurs. Le lecteur sait qu’il a acheté un roman et pourtant, par l’entremise des deux pages présentant «les faits», il y a une remise en question des attentes. Où est le vrai? S’agit-il seulement d’un roman historique, puisque l’auteur nous rappelle qu’il s’agit de faits «avérés», qu’«on peut encore les admirer» (même les bâtiments du CERN) et que même la «Confrérie des "Illuminati" […] a aussi existé»? Le «aussi» apparaît être plus qu’un adverbe, c’est surtout l’élément qui permet de valider l’ensemble des propos comme vrai. Par cette manipulation adroite, Brown dirige son lecteur, mais surtout fabrique des faux-authentiques.

«The Heroin Diaries» ou ressentir la douleur de Nikki Sixx

Depuis une dizaine d'années, les autobiographies de «rockstars» se multiplient sur les rayons des librairies. Des musiciens à la vie abracadabrante, tels qu'Ozzy Osbourne, Keith Richards, Slash, Lemmy Kilmister et Steven Tyler, comptent tous leur autobiographie (quoiqu'elles sont co-écrites avec un auteur-fantôme), souvent de remarquables succès de vente. Les autobiographies de «rockstars» traitent du «croustillant», de ce qui relève du «potinage»; les lecteurs (et les fans) ont accès à la vie «sexe, drogues et rock n' roll» par les mots même du principal intéressé, ils peuvent interpréter les comportements de leurs musiciens préférés, savoir et expliquer la «vérité». Parmi les révélations des autobiographies, la consommation de drogues est un genre de mesure étalon de l'attitude typique d'une «rockstar». En ce sens, ces autobiographies regorgent de récits et d'aveux concernant les drogues. Parfois même, elles tournent autour des drogues. C'est le cas de «The Heroin Diaries: a year in the life of a shattered rock star», le journal intime de Nikki Sixx, le bassiste de Mötley Crüe, publié en 2007.
S'abonner à RSS - culture populaire