Lectures

Salon double publie des textes appelés "lectures" pour leur caractère hybride se situant entre critique journalistique et la critique spécialisée de type universitaires. Ces lectures peuvent porter sur n'importe quel genre littéraire (roman, théâtre, poésie, oeuvre hypermédiatique, bande dessinée, blogue littéraire).

La tueuse : le combat de la fiction contre le vide

En ouvrant La nuit je suis Buffy Summers, la lectrice accepte sans le savoir sa propre dissolution dans la télévision. Dans le didacticiel qui accompagne le livre-jeu, Delaume précise qu’il s’agit d’une «autofiction collective». Cette autofiction collective n’est possible qu’à l’intérieur de cet espace où tous se reconnaissent, cet espace commun à tous nos contemporains, le seul: l’écran de télévision.

par Paquet, Amélie
13 oct
Un poète n'existe jamais seul

L'Homobiographie est une forme poétique qui allie le double (le «même» du grec homos) au biographique : il est question des vies de celle que l'on nomme «La Poète», de ses alter ego, d'autres bien-aimés poètes rapportées par bribes mais aussi, de la vie plus intime d'une femme qui s'écrit dans des carnets de différentes couleurs. Dans cette tentative de dédoublement, entre autobiographie et autofiction, il faut surtout y voir l'effort de rendre protéiforme l'entreprise biographique. Comme Giraudon l'explique dans un entretien en 2007, l'homobiographie opère des «déplacements» entre les différentes «enveloppes» que constituent le soi, l'autre et la fiction. Cette forme hybride permet aussi de supporter les vies et les morts qui nous parcourent: Liliane Giraudon expose ce qui pluralise l'identité «Poète». Par filiation ou emprunt, assembler des fragments de mémoire de façon non-linéaire, coller sa vie à celle des autres; par cette abolition des frontières, la poète joue au double.

par Caillé, Anne-Renée
22 sep
Paris, P.O.L., 2009
121 pages.
Symphonie sans vuvuzela

Évoquer l’Afrique du Sud sans lui accoler la Coupe du Monde; faire dialoguer les générations sans discuter du mode de financement des retraites: de la science-fiction? Pas tout à fait. Prix Nobel de littérature en 2003, J.M. Coetzee, originaire du Cap, a souvent laissé le passé planer sur ses personnages. Au-delà de la vision idéalisée d’une «nouvelle Afrique du Sud» multiraciale, le romancier s’intéresse à la déstabilisation sociale engendrée par cette évolution radicale. En détruisant une «construction sociale de la réalité», l’abolition de l’apartheid a substitué une fracture sociale, intergénérationnelle (avant et après apartheid), à une fracture raciale. La recréation d’un monde commun, fruit d’une négociation entre générations clivées, est-elle envisageable? Comment s’alléger du poids de la culpabilité, reçue en héritage?

par Groulez, Raphaël
14 sep
Des charognes et des hommes


Il est difficile, à la lecture du premier roman de William S. Messier, Épique, de ne pas se souvenir de cette lettre-ouverte aux jeunes romanciers que Victor-Lévy Beaulieu avait fait paraître dans La Presse, il y a de cela quelques années. À l’époque, la lettre avait créé tout un émoi dans la communauté littéraire et avait forcé les écrivains visés directement et indirectement à réagir ainsi qu’à prendre position. Beaulieu reprochait plusieurs choses aux écrivains de la génération montante, comme leur absence d’expérimentation langagière, leur renfermement sur eux-mêmes et leur obsession pour un Plateau Mont-Royal de trentenaires désabusés. Il les accusait de ne pas s’intéresser à leurs ancêtres et de se confiner à une étude fragmentaire et fragmentée de leur propre nombril.

par Grenier, Daniel
09 sep
Montréal, Marchand de feuilles, 2010
273 pages.
Le narrateur en commentateur ou la fascination du métadiscours

Mon nom est personne est un livre hétérogène, où la fiction flirte avec l'essai, sous l'égide d'une voix narrative faisant preuve d'un goût certain pour l'absurde et le cynisme. Alors que certains fragments prennent la forme de nouvelles absurdes ou de contes modernes et grinçants se référant à des événements qui saturent notre discours social, d'autres mettent en scène un Je-écrivain qui fréquente les bibliothèques et les résidences de l'Université Laval et qui fait preuve d'une forte prédilection pour l'oubli. Ailleurs, le narrateur se lance plutôt dans le commentaire, tel un enquêteur qui assemble pour nous les morceaux surprenants d'un casse-tête savant. Ce livre difficile à décrire a tout d'un bon piège à critique: on s'enlise dans le commentaire et on n'est guère plus avancé qu'au début.

par Simard-Houde, Mélodie
25 aoû
Montréal, Le Quartanier (Série QR), 2010
337 pages.
Quand l’auteur joue avec la (méta)fiction

Si on considère qu’il y a un mastermind, un génial conspirateur derrière tout cela, un narrateur implicite (ou un auteur implicite) qui vient arranger les événements —et qui relègue par le fait même les deux récits au rang de récits intradiégétiques—, la question de son identité se pose désormais. Qui est-il? Pourquoi se contente-t-il de retranscrire le bulletin de nouvelles et d’ajouter un extrait de l’article de Basu concernant Ghanada, plutôt que de mettre en place un véritable récit cadre qui viendrait ceinturer cette fiction qui, sans de telles frontières, n’est rien de moins que problématique?

par Landry, Pierre-Luc
19 aoû