Recherche: Culture populaire

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Québec taxidermiste

Asselin, Viviane
Montréal, Moult éditions, 2008
191 pages.

La capitale nationale serait (devenue) dépressionniste. C’est-à-dire laide, monotone, instrumentalisée, ennuyeuse, léthargique, aliénante, abrutissante: les adjectifs se multiplient pour montrer que Québec «se tu[e] de l’intérieur» (Québec, ville dépressionniste, p.10). Le discours n’est pas joyeux, mais la réalité l’est encore moins: la population mondiale serait manipulée par des instances supérieures –politiques, culturelles, sociales– qui contrôleraient son intelligence en la maintenant sous le joug de la déprime. Voilà en quels termes s’exprime le collectif de La Conspiration dépressionniste qui, mi-figue, mi-raisin, dénonce l’existence d’un complot international dont Québec ne serait qu’une victime parmi d’autres.

Raconter son histoire pour en donner une à celles qui n’en ont pas

Hope, Jonathan
Montréal, Héliotrope, 2009
144 pages.

Martine Delvaux écrit pour ne pas oublier la vie d’une petite fille qui naît dans un monde sans hommes quelque part sur la 417, à la campagne : «on disait la campagne pour ne pas dire les pervers et les fous dans les champs le long de l’autoroute». Une de ces campagnes minables où le secret était, à la fois, frappé d’une interdiction morale et dans les faits omniprésent. 

 

Le sort des mécaniques défaillantes

Tremblay-Gaudette, Gabriel
Seattle, Fantagraphics Books, 2008
108 pages.

Le ton est donné: oscillant entre le sarcasme et la lucidité, l’univers d’Abandoned Cars a une portée carnavalesque au sens bakhtinien, à ceci près que les paysans ne renversent jamais le roi, même temporairement: ils ne cessent de croupir dans la misère d’une routine sans espoir. Néanmoins, Lane ne propose pas un traitement caustique de ces citoyens abandonnés par le rêve américain. Il ne fait pas plus preuve d’une approche misérabiliste: en optant pour un regard sobre et direct sur une brochette de personnages naïfs, illuminés, paranoïaques et déprimés, le bédéiste offre une vision de ces humanités ordinaires qui ne se distinguent que par leur inclusion dans une classe hétérogène, mais certes exclue du success story.

La rassurante présence des déclassés

Paquet, Amélie
Paris, Grasset, 2002
222 pages.
Paris, Livre de poche, 2004
245 pages.
Dans les deux derniers romans de Virginie Despentes, Teen Spirit [2002] et Bye Bye Blondie [2004], les divisions de classe ne sont pourtant pas désuètes; elles sont bien au contraire au cœur des déchirements que vivent les personnages qu’ils mettent en scène. J’aimerais réfléchir à cette tension importante dans ces romans entre prolétaire et bourgeois afin de comprendre pourquoi Despentes juge pertinent d’utiliser ces nominatifs dans un contexte littéraire. Elle tire ces catégories de la culture politique punk de gauche radicale, qui s’est complètement réappropriée le vocabulaire marxiste.

Exercice de style en dix-huit crimes

Guilet, Anaïs
Paris, Gallimard (L'arbalète), 2010
356 pages.
Le lecteur ne peut définir exactement le style de Thomas Clerc et cependant se doit de relier les modes d’écriture choisis par l’auteur aux crimes qu’il décrit. La nouvelle inaugurale est des plus troublantes en la matière. Les jeux de mots grivois, le style très oralisé, les descriptions crues, utilisés par l’auteur semblent en totale opposition avec l’univers intellectuel que l’on associe à Roland Barthes. Toute la nouvelle est focalisée à la première personne du singulier sur le futur meurtrier du célèbre essayiste.

Quand l’auteur joue avec la (méta)fiction

Landry, Pierre-Luc

Si on considère qu’il y a un mastermind, un génial conspirateur derrière tout cela, un narrateur implicite (ou un auteur implicite) qui vient arranger les événements —et qui relègue par le fait même les deux récits au rang de récits intradiégétiques—, la question de son identité se pose désormais. Qui est-il? Pourquoi se contente-t-il de retranscrire le bulletin de nouvelles et d’ajouter un extrait de l’article de Basu concernant Ghanada, plutôt que de mettre en place un véritable récit cadre qui viendrait ceinturer cette fiction qui, sans de telles frontières, n’est rien de moins que problématique?

Le narrateur en commentateur ou la fascination du métadiscours

Simard-Houde, Mélodie
Montréal, Le Quartanier (Série QR), 2010
337 pages.

Mon nom est personne est un livre hétérogène, où la fiction flirte avec l'essai, sous l'égide d'une voix narrative faisant preuve d'un goût certain pour l'absurde et le cynisme. Alors que certains fragments prennent la forme de nouvelles absurdes ou de contes modernes et grinçants se référant à des événements qui saturent notre discours social, d'autres mettent en scène un Je-écrivain qui fréquente les bibliothèques et les résidences de l'Université Laval et qui fait preuve d'une forte prédilection pour l'oubli. Ailleurs, le narrateur se lance plutôt dans le commentaire, tel un enquêteur qui assemble pour nous les morceaux surprenants d'un casse-tête savant. Ce livre difficile à décrire a tout d'un bon piège à critique: on s'enlise dans le commentaire et on n'est guère plus avancé qu'au début.

Des charognes et des hommes

Grenier, Daniel
Montréal, Marchand de feuilles, 2010
273 pages.


Il est difficile, à la lecture du premier roman de William S. Messier, Épique, de ne pas se souvenir de cette lettre-ouverte aux jeunes romanciers que Victor-Lévy Beaulieu avait fait paraître dans La Presse, il y a de cela quelques années. À l’époque, la lettre avait créé tout un émoi dans la communauté littéraire et avait forcé les écrivains visés directement et indirectement à réagir ainsi qu’à prendre position. Beaulieu reprochait plusieurs choses aux écrivains de la génération montante, comme leur absence d’expérimentation langagière, leur renfermement sur eux-mêmes et leur obsession pour un Plateau Mont-Royal de trentenaires désabusés. Il les accusait de ne pas s’intéresser à leurs ancêtres et de se confiner à une étude fragmentaire et fragmentée de leur propre nombril.

La tueuse : le combat de la fiction contre le vide

Paquet, Amélie
Paris, Ère, 2007
128 pages.

En ouvrant La nuit je suis Buffy Summers, la lectrice accepte sans le savoir sa propre dissolution dans la télévision. Dans le didacticiel qui accompagne le livre-jeu, Delaume précise qu’il s’agit d’une «autofiction collective». Cette autofiction collective n’est possible qu’à l’intérieur de cet espace où tous se reconnaissent, cet espace commun à tous nos contemporains, le seul: l’écran de télévision.

Ces poussières faites pour troubler l'oeil

Brousseau, Simon
New York/Boston/London, Back Bay Books, Little, Brown and Company, 1996
1079 pages.
Un roman de l’envergure d’Infinite Jest repose sur le projet de s’opposer à la facilité de l’art divertissant, tant par sa structure narrative complexe et par les thèmes qui y sont abordés que par l’engagement que sa lecture implique. Le nombre d’heures nécessaires à la lecture de cette brique agit de façon décisive sur le lecteur, l’exposant longuement à la tristesse du sujet contemporain qui apparaît, au fil du texte, être l’un des fils reliant entre eux les nombreux personnages de l’histoire. C’est pourquoi il me semble pertinent d’aborder ici ce roman qui, bien qu’ayant été publié il y a quinze ans, demeure d’une actualité criante, tant par la réflexion qu’il propose sur la culture contemporaine que par le regard critique qu’il porte sur l’écriture de fiction.