Dettes remblaiements
le matin est une ruelle
vidée goutte à goutte
de ses carrures voûtées
la rouille des pentures
paillette les seuils
les pieds nus
et durcis
je marche le territoire
me divise et me donne
le droit de m’en aller
*
j’enfonce la gâchette
du pistolet à essence
dans mon dos une femme
approche monsieur
est-ce que
je tourne la tête
du coin de l’œil son pantalon
bouton pendant braguette ouverte
ne vient aucune question
elle fait trois pas en arrière
s’appuie sur la pompe
le regard fuit
en attendant son prochain
client ordinaire super appuyez
pour un reçu
*
sur un bout de trottoir rue Ontario tu restes
fasciné par l’ingéniosité du quotidien
sous l'aspect d'un paquet de cigarettes
coincé entre un chandail bedaine et un jean taille basse
*
sous l’arche
la nuque se brise
sous le bestiaire
des aérosols en croute
tu passes
l’aube d’une ruelle
souffle alors le chagrin
comme le pas
perdu
*
au bout de la ruelle
passé l’ordre de cessation des travaux
c’est tout le quartier qui tremble
avec ses mains d’os et de cuir tanné
serrées entre ses cuisses maigres
à sa cheville nue
I love mom et un café froid
sur tapis d’ombre
*
j’essaie de me convaincre
en regardant par la fenêtre
étroite d’un demi saoul-seul que
ceux qui crient n’ont pas de secret
*
nuit ouvrable
La Fontaine d’Orléans
accueille
sur la portière
d’une Tercel un bassin
versant comme si
c’était hier
*
trois feux rouges
passent le temps
on enfile les mitaines
négocie avec le pouce
avant de repartir
*
six heures trente
galerie de matin
derrière un pavillon
de coton ou dentelle noire
un homme s’étire
salue le soleil par trois fois
puis se masse avec lenteur
les oreilles
dans la cour en bas
le ferrailleur se gourme
après le premier joint