Hochelaga, montre-moi tes bébelles. Cabinet de curiosités et brèves poétiques
no 1
Original dubble bubble :
plus question d’emballer les gommes
dans une joke, parce que
dans Hochelaga, c’est pas toujours
le temps de rire.
Les gommes ont toutes été mâchées,
on les voit sur le trottoir en face
de l’Armée du Salut où le monde
délaisse leurs souvenirs d’enfance.

no 2
Élie 01’
On t’a abandonnée sur Ontario
au lieu de te casser sur un parquet de cuisine
en fouillant dans l’armoire toujours trop pleine
d’assiettes peintes à la main.
(on finit toujours par se tanner
de l’artisanat de notre jeunesse)

no 3
Hochelaga l’étrangère:
realrussiandoll.uk
pas comme les poupées que tu emboîtes,
une en porcelaine, dans une robe de style traditionnel
qui rappelle son pays natal,
le lieu où elle habitait
juste avant de débarquer dans Homa.

no 4
Notre père qui êtes aux cieux
d’autres ont pris ta place
dans les foyers du quartier.
on laisse derrière une icône religieuse,
la religion dans un sac ziploc
spiritual Homa
tu es polythéiste
(On ne va plus à l’église pour se confesser
on y va pour la lutte du samedi soir
coin Joliette et Adam)

no 5
Hochelaga,
je t’écoute en boucle
comme on écoute Walking after midnight
en revenant de la Taverne Davidson.
J’écoute tes ruelles comme on écoute
un coquillage, j’entends tes enfants
rire et pleurer en même temps
J’entends tes radios
2-0 Montréal,
un chat miaule dans le parking
du Jean Coutu.
(J’hais ca
quand les voisins nous engueulent
parce qu’on fait trop de bruit)
no 6
Sur Cuvillier
ça sent le printemps
comme on dit.
Certains trouvent
que ça sent la moufette
d’autres reconnaissent
les effluves de leur jeunesse.
(dans le coin d’Aylwin
ca sent les égouts qui refoulent la misère1.
Un enfant a perdu sa figurine.)

no 7
Un rhum and coke entre deux tunes
de karaoké Chez Françoise,
pas ma tante, le bar.
Celui qui met des sex-toys
dans la machine à toutous.
Hochelaga redlight
et ses parasols dans les cocktails
qui donnent l’impression que parfois
y fait soleil dans le quartier.

no 8
Hochelaga plein les poumons,
de la boucane de tes cigarettes,
de la fumée de tes usines.
Hochelaga,
on voudrait te respirer comme le vent frais
aux bords du Saint-Laurent,
comme tes effluves qui nous enivrent la nuit
coin Joliette Sainte-Catherine.
(un motif de mandala rappelle
la tisanerie sur Ontario, où on vend
des herbes comme celles qui ont été
fumées dans la pipe oubliée sur le banc
de la station Joliette.)

no 9
Homa-érotique,
entre tes murs se cachent
des fantaisies qui font jaser.
Quand les voisins baisent
le cadre à photo cogne
on se croirait dans Ben-hur,
mais on est dans Hochelaga.
- 1. Patrick Lafontaine, Homa sweet home, Montréal, Le Noroît, 2008, p. 42.