18 illuminations : manifestation d'anti-positivisme?

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Introduction
La notion de lumière a toujours été liée aux arts plastiques. Son importance règne, de façon délibérée ou non, dans les œuvres d’artistes anciens comme contemporains : la lumière fait partie intégrale de leurs pensées, de leurs perceptions, et de leurs œuvres. Celle-ci jouit de propriétés physiques incomparables, d’effets et de conséquences innombrables, d’un pouvoir métaphorique et de connotations illimitées. En soulevant les sept sources de l’art technologique, Frank Popper écrit qu’une « des plus importantes sources de [cette forme d’art] est la nouvelle utilisation de la lumière et du mouvement dans les arts dits cinétique et luminocinétique » [1]. Cette identité distincte de la lumière n’est toutefois pas explorée aussi souvent qu’elle le pourrait en tant que thématique d’exposition, et 18 Illuminations constitue à cet égard une exception.

L’exposition d’arts lumineux est composée d’un ensemble d’œuvres technologiques produites par des artistes du Canada et des États-Unis. Collectivement, ces œuvres forment un corpus important qui examine en profondeur l’utilisation de la lumière, intrinsèque au domaine qui leur est propre. Les liens qui forment la structure sous-jacente de cette exposition ne se trouvent pas au niveau des matériaux ni des technologies utilisées, mais plutôt au niveau conceptuel : chaque artiste participant à l’exposition interroge la notion d’illumination, souvent au sens métaphorique. Les commissaires de l’exposition 18 Illuminations, Carla Garnet et Corinna Ghaznavi proposent un discours plutôt limité d'espérance et de conviction : les œuvres de l’exposition figurent comme phares lumineux dans la noirceur, une métaphore d’espoir.

Les commissaires puisent les fondements de leurs réflexion, de façon très littérale, de la philosophie du siècle des Lumières. Par exemple, Carla Garnet explique que la peur, le racisme et la guerre qui résultèrent de l’attaque des tours jumelles à Manhattan peuvent être compris comme étant le catalyseur qui a mené au rejet de la modernité par les philosophes contemporains, tel que défini au début du siècle des Lumières [2] . Ainsi, elle tente de tracer le lien entre l’exposition et ces notions de rapprochement, d’espoir et de lumière en ces temps obscurs. Après l’étude critique de l’exposition, par contre, il devient évident que les œuvres suscitent une pensée différente de celle d’aspiration et de conviction mise en valeur par ses commissaires. La notion d’anti-positivisme, associé de manière spécifique aux arts technologiques par Catherine Millet, est très présente dans 18 Illuminations. C’est dans son texte Art et technologie : le grand œuvre du vingtième siècle qu’elle fait le bilan des rapports entre les arts et les technologies à travers l’histoire du vingtième siècle pour en tirer des constantes et soulever les schémas récurrents. Entre autres, Millet définit le thème de l’anti-positivisme comme étant la « critique [de] certains effets réducteurs de la science et les conséquences aliénantes de la technologie » [3]. Cette idée vient nuancer l’analyse des liens entre l’art moderne et la notion de progrès sur lesquels Millet avait insisté.

Dans la même veine, cette étude tentera de nuancer le discours progressiste de Garnet et Ghaznavi, tout en soulevant les thèmes d’anti-positivisme qui sont récurrents dans l’exposition. Le concept est d’abord exploité au niveau des œuvres de l’exposition qui manifestent l’idée d’opposition ou de dualité, par exemple, l’illumination et l’extinction, inévitablement liées, et ici présentées par le biais de la technologie. D’un même trait, l’éphémère technologique se manifeste dans les œuvres de cette exposition, soit au niveau de leur contenu, ou spécifiquement de leurs composantes physiques. Ceci évoque l’antipositivisme tel que présenté par Millet, qui s’agit d’une position plutôt critique face au modèle du progrès scientifique, ainsi qu’à la révolution industrielle. Finalement, l’exposition suscite l’appréhension envers certaines nouvelles réalisations technologiques et leurs effets aliénants, par le fait même qui devient explicite dans le traitement des thèmes de biotechnologie et de problèmes environnementaux.

Dualités
Les maintes métaphores traitant de l’opposition entre la clarté et la noirceur sont palpables dans l’œuvre de Sharon Switzer, Falling From Grace, où une quête vers la lumière mène nécessairement à la noirceur. L’œuvre vidéo est composée de six segments courts rattachés l’un à l’autre au niveau formel, puisqu’ils sont divisés en trois séquences, ou paires qui sont distinctes en termes de caractère et de mode. Ils sont réunis, toutefois, de façon thématique : un sens tragique de perte demeure omniprésent.

Sur le plan de la sensibilité, Scene 1 : Hope (2006) et Scene 2 : Fall (2002-6) demeurent les plus sombres de l’œuvre. Par l’entremise de Hope, le spectateur traverse un désert pendant la nuit. Les détails spécifiques sont difficiles à discerner : des silhouettes d’arbustes et de collines distantes apparaissent, et parfois il est impossible de les distinguer du ciel foncé de la nuit. Le rythme auquel le paysage se défile et l'incapacité de poser un regard net sur ces images floues rappellent la sensation produite lorsqu’on tente de contempler le paysage par la fenêtre d’une voiture. À intervalles réguliers, apparaissent des mots animés qui créent tranquillement des phrases cohérentes : « Connecting the dots never works for me.  I start to worry that I’ve been wrong from the start.  The big picture never looks the way I hope it will » [4]. À travers ses observations, l’artiste tente d’explorer une noirceur existentielle, sans vraiment aboutir à un éclaircissement final.

D’un autre côté, Fall est une scène plutôt tranquille, dans laquelle une lumière est projetée sur une étendue d’eau sombre. Le cercle lumineux et la caméra statique exposent la surface du lac, les vagues ondulantes et la pluie qui tombe à diverses intensités durant l’œuvre. Ce sont les seuls événements présents dans l’œuvre. Pourtant, celle-ci possède un certain pouvoir de fascination sur le spectateur : une méditation poétique et mélancolique où le spectateur se perd dans les détails  et intensités visuels. Il demeure incertain de ce qui se trouve dans les profondeurs de l’obscurité, lui donnant ainsi l’impression qu’il a réellement perdu quelque chose, sans même savoir ce dont il s’agit. L’œuvre intégrale de Switzer, Falling from Grace, est composée de six segments de vidéo, arrangés en séquences présentant des notions antagonistes, soit Hope (2006) et Fall (2002-6), Heaven (2005-6) et Gravity (2006), ainsi que Little Town Blues (2006) et New Song (2006). Sur le plan thématique, l’artiste souligne cette dualité, en montrant deux éléments contrastants, mais dépendant l’un de l’autre.

Ainsi, l’anti-positivisme dans cette œuvre est exprimé à travers la logique d’opposition dans le traitement des thèmes : de la même façon qu’il n’y a jamais de lumière sans noirceur, il n’y aurait jamais progrès sans déclin. La deuxième œuvre qui joue également avec cette notion est celle de Stan Denniston, Still #13 (grand canyon rim). Il s’agit d’une œuvre vidéo dont les seules composantes sont de brefs battements d’ailes, un peu de blanc et d’autres mouvements inidentifiables. Le crépuscule se fait voir et un son d’insecte de nuit remplit l’air. Dans cette noirceur, soudainement attiré vers une petite lueur, un papillon de nuit vole vers celle-ci et, à ce moment, la flamme s’éteint de sorte qu’il n’est plus possible devoir ce dernier. Tel Switzer et sa quête existentielle vers l’illumination, le papillon de Denniston atteint la lumière et elle s’éteint le même instant : il retombe dans la noirceur. L’illumination mène ainsi à l'épuisement. Ceci peut, au sens plus large, contraster avec la notion d’illumination proposée par Garnet et Ghaznavi. Au lieu de représenter l’illumination comme forme d’espoir, les deux œuvres mentionnées ci-haut rappellent plutôt l’importance et la persistance de la parité complémentaire : l’illumination nécessite l’extinction éventuelle.  

L’éphémère technologique
En parallèle, plusieurs œuvres de l’exposition révèlent des liens avec l’anti-positivisme qui se manifestent par la nature éphémère de la technologie. L’éphémère désigne généralement une courte durée, ce qui périt, « et souvent l’éphémère joue le rôle de concept repoussoir : il est ce qui n’est pas souhaitable. Il peut être le symbole de l’opposition du plaisir instantané au bonheur qui persiste, de la culture du beau corps qui vieillira inéluctablement […] à la culture de la belle âme, ou dans nos sociétés de consommation de l’utilisation de la nature comme un fonds au respect de la nature.  L’éphémère se présente à priori comme un concept négatif » [5]. Stéphanie Pujeaut explique toutefois dans son texte « Éphémère, un négatif? » que le concept en soi n’est pas nécessairement négatif. Par rapport à la notion du temps vécu, par exemple, « l’éphémère [se révèle] être un facteur positif : temps de la naissance, du surgissement de la conscience; temps de l’oubli nécessaire à la pensée » [6].

La nature éphémère de la technologie demeure néanmoins dans ses composantes physiques [7] et c’est en ceci qu’elle agit comme aspect réducteur de la technologie. Par exemple, les œuvres d’art technologiques et d’installations demeurent bien souvent dans la sphère de manifestation, ou d’événement, plutôt que d’objet d’art. De ce fait même, et considérant la nature transitoire de plusieurs des œuvres d’art contemporaines, leur préservation pose d’importants problèmes [8]. Comme les systèmes technologiques deviennent forcément désuets au fil du temps, les supports technologiques sur lesquels une multitude d’œuvres sont basées pourront difficilement êtres recréés. C’est le cas par exemple de l’art vidéo, cinétique, sonore et  y incluant l’art vidéo, cinétique, sonore et d’installation. Dans plusieurs cas, les qualités éphémères de ces médiums sont intrinsèques au message de l’artiste, posant de nouvelles problématiques muséologiques.

L’éphémère est représenté dans quelques œuvres, mais demeure présent dans tout le corpus de l’exposition, à travers la nature technologique des œuvres elles-mêmes. En particulier, la notion d’éphémère face à la matérialité est mise de l’avant dans l’œuvre de Janet Bellotto, The Distant Dark (For PA-Z). Sous la forme d’un diptyque, le panneau de droite représente une figure qui se tient debout sur des rochers et pose un regard vers les eaux vertes et profondes qui se trouvent au bas. Du côté gauche du diptyque, on retrouve une image détaillée de ces eaux qui semblent vouloir révéler quelque chose, mais échappent obstinément à n’importe quel effort de saisi. En travaillant avec des surfaces lenticulaires, le second panneau présente deux images changeantes qui apparaissent et disparaissent selon la position du spectateur : une d’entre elles illustre une bourse, signe de trésor ou de richesse monétaire ou matérielle, l’autre démontre une lanterne qui illumine un petit passage rouge, une image du vieux « quartier chaud » de Venise, où la lanterne rouge éclaire le chemin vers la place des courtisanes. L’artiste ne tente pas ici de présenter une lanterne rouge pour ce qu’elle est véritablement, mais elle lui confère un sens métaphorique en suggérant qu’elle représente une marque brûlante de convoitise et de désir.

Dans son ouvrage Faking Death, Penny Cousineau-Levine entreprend une étude de la photographie contemporaine canadienne et elle réfléchit à la portée métaphorique de certaines photographies canadiennes. Elle explique que cette tentative d’écarter, ou de complètement séparer l’image du référent, avec un médium qui se distingue par son identification absolue de ce qu’il représente, devient apparente de plusieurs façons. D’après Cousineau-Levine, les images produites par artistes canadiens, donc spécifiquement canadiennes, ne se rapportent pas de façon primaire au sujet ou à la chose photographiée. Ces photographes choisissent l’usage de la métaphore pour exposer la structure intégrale du monde qui les entoure [9]. Bellotto représente un monde qui met en valeur de tels plaisirs momentanés et matériels. L’artiste déclare qu’elle travaille dans un espace qui réunit le passé et le futur pour en créer un présent qui est physiquement instable et évasif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’eau est ce point présent dans l’ouvrage de Bellotto, et figure dans plusieurs de ses œuvres sous forme d’océans, de marées, de reflets et de profondeurs qui représentent le monde naturel. Ces représentations révèlent une métaphore de l’existence contemporaine.

Bellotto habite et œuvre maintenant à Dubaï, dans le désert, et elle insiste sur le fait que cet endroit aride lui permet d’examiner le pouvoir d’un habitat naturel : l’eau et le désert, ainsi que les changements et les transformations qui résultent de l’intervention et de l’activité humaine. Les recherches de Bellotto portent une attention particulière aux rapports entre ces activités et artefacts culturels et leur environnement naturel : les civilisations érigent des monuments pour commémorer et réclamer les territoires géographiques; barrières et obstacles sont érigés pour repousser les forces naturelles. Ainsi, l’artiste examine les notions de fluidité, de frontières et de limites, ainsi que d’érosion [10]. Bellotto œuvre avec la photographie lenticulaire pour créer ses images fuyantes, oscillantes, et dans ses installations, le mouvement, la transformation et le progrès sont apparents. Dans cette même veine, cette œuvre présente des images de richesses fuyantes, de désirs momentanés, et c’est à partir de ces thèmes qu’elle entreprend un commentaire de l’existence contemporaine. Il est possible de soulever certains aspects anti-positivistes dans le commentaire de Bellotto, dans la mesure où l’utilisation de la technologie est un des éléments déclencheurs de l’industrialisation, l’écart croissant entre l’Humain et la nature, un effet aliénant de la technologie.  


Facteurs aliénants et angoissants de la technologie
Finalement, certaines œuvres de l’exposition induisent un sentiment de méfiance particulier. Au niveau du contenu de ces œuvres, l’angoisse est directement liée aux technologies récentes et leurs apôtres qui encouragent le progrès scientifique d’une manière accentuée et surtout sans considération quant aux conséquences possibles de tels développements. La biotechnologie étant une de ces disciplines, un grand nombre d’artistes s’y intéressent, soit en la pratiquant dans le cadre de leur domaine respectif, soit en prônant un questionnement critique de ses effets. Un des dix-huit artistes participant à l’exposition, Ken Bass, se penche justement sur ce thème avec son œuvre Proteus (2001). Il y attribue notamment un sentiment d’angoisse face aux espaces personnels et au corps humain. Le titre de l’œuvre fait référence au film Fantastic Voyage, de 1966, dans lequel les États-Unis et l’Union Soviétique entreprennent le développement d’une technologie qui permet de réduire la matière à un état miniature. Pour sauver la vie du scientifique soviétique qui détient le secret de ce nouveau procédé, un groupe de scientifiques prennent place à bord du Proteus, un sous-marin miniaturisé et ensuite injecté dans le patient afin de résorber un caillot de sang dans son cerveau.

L’idée de cette opposition entre les États-Unis et Union soviétique est tiré des enjeux de la guerre froide, qui précèdent le film d’une dizaine d’années. Depuis 1945 et quasiment jusqu’à sa chute en 1991, l’Union soviétique fut opposée aux États-Unis dans la Guerre froide, chacun essayant d’augmenter sa sphère d’influence au détriment de l’autre, et des pays concernés. Il s’agissait d’une période de tensions et de confrontations idéologiques et politiques entre les deux superpuissances et cette guerre des influences a mené à un équilibre nucléaire, dit l’« équilibre de la terreur », dès 1949, année au cours de laquelle l’URSS développa à son tour une bombe nucléaire. Cette tension se réifie dans l’atmosphère sonore que crée l’œuvre de Bass, grâce aux haut-parleurs de téléphones qui entourent le long corps de cette sculpture suspendue, émettant des trames sonores superposées provenant du film. Ainsi, Proteus devient une sorte d’entité hybride composée de divers objets technologiques.

Fantastic Voyage : Microcosm est une troisième interprétation littéraire, écrite par Kevin J. Anderson en 2001, soit la même année que la production de Proteus. Dans cette version, l’équipe du Proteus doit explorer le corps d’un extra-terrestre inanimé, et réactualise l’histoire avec des concepts contemporains comme les nanosciences et nanotechnologies. En y faisant référence, l’œuvre de Bass met en scène l’équilibre vulnérable entre les sciences et la technologie, l’activité humaine, l’avancement, mais aussi un anéantissement possible. Comme plusieurs œuvres dans l’exposition, cet ouvrage met en scène le progrès scientifique, la recherche constante vers de nouvelles idées et connaissances, tout en exprimant un appel à la prudence face aux constructions hybrides, qui, dans cet âge de manipulations génétiques et de nanotechnologies, deviennent de plus en plus probables [11].

Suivant le même thème que celui exploré par Bass, l’artiste Sarindar Dhaliwal aborde les aspects hasardeux du progrès incessant. Son oeuvre, The False Book of Yellow, est composée de quatre grands livres qui rappellent les éditions reliées de journaux locaux conservés dans la bibliothèque du patrimoine du Port d’Espagne, à la Trinidad. Ces livres sont installés sur des tables de cuisine émaillées, et semblent émettre leur propre luminosité. Chaque livre est composé de papier fait à la main et teint en jaune, relié par du cuir, du papier ou du tissu. Parmi les vingt-huit mots imprimés sur les reliures de ces livres sont Annatto, Canary, et Crocus of Antimony, tous des tons différents de jaune. L’œuvre fait partie intégrale de la série Akashic Records : a Visual Sampler, basée sur le concept de la bibliothèque ultime. En affaires d’occultisme, le terme Akashic Records est défini comme étant une collectivité d'enregistrements visuels, d’images ou de « mémoires » d’évènements, d’actions et de sentiments vécus depuis le début des temps [12]. La série de Dhaliwal représente simultanément une ambition d’englober toutes connaissances, d’en créer une totalité, et par conséquent, est aussi représentative de « l’impossibilité d’une telle tâche » [13].  C’est d’ailleurs Ghaznavi qui trace le lien entre l’œuvre de Dhaliwal et la bibliothèque ultime [14]. Prenant la forme de livres gigantesques, l’œuvre renvoie explicitement à la nouvelle de Jorge Louis Borges, La bibliothèque de Babel, dans lequel l’auteur arrive à « écrire l’infini ».

Comme Proteus de Bass cette œuvre annonce le malheur possible qui accompagne le désir du tout, de l’infinité. Ainsi, cette notion de connaissance absolue, d’infinité de savoirs, de bibliothèque ultime peut être compris comme étant un commentaire sur le stockage, l’archivage et le classement d’information, de données, qui, en ces temps modernes, renvoie à la technologie de l’informatique. D’autant plus, la notion de savoir absolue, information infinie, est devenue de plus en plus tangible, voire accessible, avec l’essor de la technologie informatique. Millet affirme qu’au concept d’anti-positivisme « s’est parfois superposée une méfiance à l’égard d’un certain fétichisme du matériau et de l’outil technologique » [15]. Ce fétichisme se manifeste par une réflexion sur le matériel informatique, mais aussi au niveau du désir d’un savoir infini, qui a toujours été impossible. Les nouvelles technologies favorisent un accès à une infinité de savoir qui en découle nécessite que l’information soit connue et intégrée à la pensée et à la mémoire de chaque individu.  Autrement dit, l’accès à Internet et à la banque d’information considérable dont elle dispose n’augmente pas le savoir tant que l’individu n’utilise pas la ressource à sa disposition.   


Conclusion
En conclusion, il devient apparent que l’exposition qui, à première vue, prône un nouvel âge d’illumination, d’essor technologique et d’espoir dans une modernité assombrie de guerres et de violence, puisse aussi donner lieu à une contre-interprétation. Après l’examen critique de l’exposition, des aspects d’anti-positivisme se dévoilent à l’analyse comme de nouveaux discours pour cet art lumineux. Ainsi, il devient apparent à travers les thèmes et représentations qu’abordent les artistes de l’exposition, soit de rapports entre l’Humain et la nature, la lumière et la noirceur, le progrès et le déclin, qu’ils soulèvent des aspects d’anti-positivisme venant nuancer les interprétations initiales des œuvres et de l’exposition.  Dans ce contexte, la technologie en tant que telle joue plutôt le rôle d’outil dans l’exposition, même s’il y a quelques exceptions. Donc, il ne s’agit pas nécessairement d’un acte de glorification de la technologie, cette dernière n’étant pas traitée comme seule finalité de l’expérience esthétique.

Les commissaires de l’exposition affirment que les œuvres mises en scène forment un dialogue d’espoir, d’avancement technologique, et de progrès qui est largement tributaire des fondements philosophiques du siècle des Lumières. Cependant, certains thèmes qui se rattachent à la notion d’anti-positivisme sont apparents dans certaines des œuvres et des démarches artistiques des artistes participant à l’exposition.  Ainsi, ce commentaire ne vise pas la critique de la technologie en soi, ou de l’exposition, mais constitue plutôt une tentative de moduler sur le discours initialement proposé. Il faut aussi noter que plusieurs courants technologiques actuels visent la protection de l’environnement et de ses ressources naturelles, une coexistence stable et bénéfique. De ce fait, le progrès passe par une symbiose grandissante du naturel et du technologique.

BIBLIOGRAPHIE

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[1] Popper, Frank (1993) « Les origines de l’art électronique » dans L’art à l’âge électronique. Singapour: Hazan, p. 12

[2] Garnet, Carla et Ghaznavi, Corrina (2007) 18 Illuminations : Contemporary Art and Light, catalogue d’exposition, Montréal: Art Books Canada, p.21

[3] Millet, Catherine (1997) L’art Contemporain.  Coll. Dominos. Paris : Flammarion, p.15

[4] Extrait de l’œuvre de Sharon Switzer, Hope (2006), de la série Falling From Grace : http://www.sharonswitzer.com/artwork.htm  (consulté le 28 juillet 2010)

[5] Pujeaut Stéphanie. « Ephémère, un négatif ? » dans Sciences Humaines Combinées, no. 1, le 23 octobre 2007, en ligne : http://revuesshs.u-bourgogne.fr/lisit491/document.php?id=75 (consulté le 28 juillet 2010)

[6] Ibidem.

[7]  Real, William A. (2001). « Toward Guidelines for Practices in the Preservation and Documentation of Technology-based Installation Art », dans Journal of the American Institute for Conservation, vol. 40, no. 3, p. 1

[8] Van de Wetering, Ernst (1999). « Conservation-Restoration Ethics and the Problem of Modern Art », dans Hummelen, I. and Stillé, D. (éds.) Modern Art: Who Cares? An Inter-Disciplinary Research Project and an International Symposium on the Conservation of Modern and Contemporary Art. Amsterdam: Foundation for the Conservation of Modern Art and Netherlands Institute for Cultural Heritage, p. 249

[9] Cousineau-Levine, Penny (2004). Faking Death : Canadian Art Photography and the Canadian Imagination, Montréal: McGill’s University Press, p. 24

[10] Bellotto, Janet (2008) Artist’s Statement, en ligne :  http://www.janetbellotto.com/ (consulté le 28 juillet 2010)

[11] Garnet, Carla et Ghaznavi, Corrina, Op.cit., p.34

[12] « Akashic record. » (2010) Encyclopædia Britannica. 2010. Encyclopædia Britannica Online, en ligne : http://www.britannica.com/EBchecked/topic/11415/Akashic-record (consulté le 28 juillet 2010)

[13] Garnet, Carla et Ghaznavi, Corrina, Op.cit.,  p.32

[14] Ibid.

[15] Millet, Catherine (1997). L’art Contemporain. Paris : Flammarion, collection « Dominos », p.15