Que faire avec la «Navigation à choix multiples»?

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Un des objectifs du Laboratoire NT2 est de décrire des œuvres hypermédiatiques, en ayant entre autres recours à des mots-clés qui servent à illustrer les formes d’interactivité, le contenu, les genres, les formats et la nature des projets artistiques décrits. Toutes ces descriptions sont accessibles dans le site du NT2. Bientôt, des chercheurs ou amateurs de créations hypermédiatiques ou hypertextuelles pourront, par exemple, utiliser ces mots-clés pour lancer des recherches. Certains de ceux-ci, comme « site d’édition », « clavardage » et « images », étaient facilement compréhensibles et faciles d’utilisation, mais la grande majorité de ceux-ci était beaucoup plus complexe. Il a donc fallu, au cours des réunions estivales, s’entendre sur la définition et l’emploi de ces mots. À titre d’exemple, nous nous intéresserons ici à la navigation à choix multiples. Comment devons-nous concevoir la navigation à choix multiples ? Mais, tout d’abord, sa courte histoire sera exposée, afin de montrer en quoi l’utilisation de ce mot-clé est complexe.

Deux conceptions problématiques de ce mot-clé

Deux événements nous montrent que ce mot-clé, en apparence clair, est, en réalité, plutôt ambigu. D’abord, au cours de l’été, un membre du groupe de recherche a remarqué que le mot-clé en question était peu utile puisqu’il correspondait à la plupart des sites décrits. Ce « problème » pouvait être observable chez ceux qui trouvaient qu’il y avait navigation à choix multiples à chaque fois que l’internaute, lorsqu’il naviguait dans l’œuvre, avait au moins un choix à faire.

Or, lors d’une réunion, d’autres participants ont mentionné qu’ils n’avaient jamais été en contact avec ce problème puisqu’ils ne concevaient pas du tout ce mot-clé de cette façon : pour eux, il y avait navigation à choix multiples qu’à partir du moment où tellement de choix s’offraient à l’internaute que celui-ci se perdait dans l’œuvre 1. Évidemment, déjà, nous pouvons constater que cette conception entraîne aussi un désavantage : elle semble nous éloigner davantage d’une certaine rigueur. Par exemple, si nous utilisons cette vision, à partir de quand les descripteurs peuvent-ils dire qu’il y a navigation à choix multiples ? Combien de choix faut-il ? Quel degré de perdition faut-il atteindre ?

Les différentes propositions d’utilisation du mot-clé « navigation à choix multiples ».

Avant d’arriver à un consensus, les membres du groupe ont étudié quatre propositions d’utilisation du mot-clé « navigation à choix multiples » (les deux premières, comme vous le constaterez, reflètent les premières visions des chercheures de ce mot-clé, lesquelles ont déjà été soulignées dans ce texte). 

Voici les suggestions accompagnées de leurs désavantages. 

Proposition 1 : Inscrire « activation » lorsque l’internaute, s’il veut naviguer dans l’œuvre, doit cliquer sur un élément prévu à cet effet. Le parcours est donc linéaire, puisqu’un seul lien cliquable est offert par page. Inscrire « navigation à choix multiples » dans presque tous les autres cas, parce que le site artistique ou littéraire offre plusieurs nœuds cliquables. 

Désavantage : Le terme « navigation à choix multiples » serait utilisé pour décrire pratiquement tous les sites. 

Proposition 2 : Inscrire « navigation à choix multiples » lorsque l’internaute choisit le chemin qu’il empruntera au cours de sa navigation à maintes reprises.

Désavantages : 

- Si cette proposition est appliquée, les descripteurs éprouveront de la difficulté à départager les oeuvres où plusieurs alternatives sont possibles et les créations où il n’y a que quelques choix à faire. 

- Si cette proposition est retenue, il sera difficile de décrire l’interactivité de certains sites. Par exemple, dans Bodyscanmovement de Gregory Chatonsky 2, le cybernaute peut cliquer sur la photo de son choix, ce qui fera apparaître des agrandissements. Si nous considérons qu’il n’y a pas navigation à choix multiples dans ce site, aucun mot-clé ne rendra compte de l’interactivité de cette œuvre 

Proposition 3 : Conserver uniquement le mot-clé « activation » et ne jamais inscrire « navigation à choix multiples » puisque cette interactivité est très courante. 

Désavantage : Si cette troisième proposition est adoptée, il sera difficile de décrire l’interactivité de certains sites (c’est aussi un des inconvénients de la proposition 2). 

Proposition 4 : N’indiquer « navigation à choix multiples » que lorsque cette navigation est la seule forme d’interactivité ou presque (c’est le cas, entre autres, de Bodyscanmovement, cité précédemment). 

Désavantage : Bien qu’elle règle le problème de la proposition 3, cette proposition entraîne un autre inconvénient : le concept de « navigation à choix multiples » ne couvrira pas de manière exhaustive tous les sites répertoriés. Dans ce cas, un internaute ne pourrait pas faire une recherche en utilisant ce mot-clé. S’il le faisait, il n’aurait pas accès à toutes les œuvres dans lesquelles il y a navigation à choix multiples. 

Finalement, pour différentes raisons, c’est la proposition 4 qui a été adoptée. D’abord, elle permet une utilisation assez rigoureuse de ce mot-clé, ce qui est impossible avec la proposition 2, celle selon laquelle il fallait déterminer si l’œuvre contenait assez de choix pour qu’il y ait navigation à choix multiples. Ensuite, elle nous rend aptes à rendre compte de plusieurs créations. Contrairement à la proposition 2 et 3, la proposition 4 met le doigt sur l’interactivité des projets artistiques ou littéraires comme Body.scan.movement.

Ce compte rendu de cette discussion concernant ce mot-clé, tout en donnant une idée des activités du groupe de recherche en art et littérature hypermédiatiques, permet de mesurer la complexité des mots-clés ainsi que de réaliser certains des buts du groupe, lesquels sont de décrire de façon la plus rigoureuse possible les créations ainsi que de rendre compte le mieux possible des caractéristiques de chaque œuvre hypertextuelle ou hypermédiatique. 

[1] L’œuvre suivante est un exemple illustrant parfaitement cette conception, cette idée de perdition de l’internaute : http://www.textarc.org/Alice.html

[2] http://incident.net/works/bodyscanmovement/