Posons l'hypothèse que le lieu -ou l'idée du lieu, nous y reviendrons- existe d'abord et avant tout comme un réseau discursif, donc comme une série et une accumulation de discours, qui en détermine et façonne les limites, les constituantes, l'histoire, les paramètres, etc. Par discours, entendons tout à la fois la fiction (romans, films, chansons, poèmes, pièces de théâtre, légendes) et le documentaire (reportage, guides de voyage, récits de vie, histoires personnelles), qu'il soit fixé (par l'écrit, l'enregistré, la mémoire collective) ou passager (conversations, racontars).
Selon cette hypothèse, l'existence discursive du lieu accompagnerait son existence réelle (dès le départ, cet adjectif pose problème dans cette perspective), soit sa matérialité, l'expérience vécue de ceux qui l'habitent ou le visitent, etc. Pour tout lieu, on constaterait ainsi une double existence: discursive (ce qu'on en dit) et phénoménologique (ce qu'on en sait par l'expérience). En cela, nous reprenons ici une distinction fort utile de la langue inuite (que le français ne suggère pas), expliquée par le linguiste Louis-Jacques Dorais: qaujima-, ce que je sais parce que je l'ai vécu, et tusauma-, ce que je crois savoir parce qu'on m'a dit que cela existe. Un savoir de l'expérience et un savoir du discours: à la fois complémentaires, distincts et concurrents.
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