Présentation de l'événement
Du 23 mars au 1er avril 2016, le programme RADICAL (Repères pour une articulation des dimensions artistiques, culturelles et littéraires de l'imaginaire contemporain) s'est associé à la Cinémathèque québécoise afin d'offrir un cycle de projections suivies de discussions animées par ses chercheur.e.s.
Tour à tour, les 6 chercheur.e.s du RADICAL (Bertrand Gervais, Samuel Archibald, Sylvain David, Joanne Lalonde, Vincent Lavoie et Sylvano Santini) ont présenté un film de leur choix et ont animé les discussions suivantes ces projections, exposant ainsi le fruit de leurs recherches sur l'imaginaire contemporain et ses ancrages artistiques, culturels, littéraires et cinématographiques.
Contributions des chercheur.e.s
Les textes de certaines présentations sont disponibles. Cliquez sur le titre d'une présentation pour accéder au texte complet.
Samuel Archibald. «A Cabin in the Woods, hyperviolence et sacrifice»
Le 23 mars 2016, à la Cinémathèque québécoise, Samuel Archibald, professeur au Département d'études littéraires de l'UQAM et chercheur du RADICAL, a présenté la projection de A Cabin in the Woods, un film de Drew Goddard, co-scénarisé par Drew Goddard et Joss Whedon (Canada, 2012, 95 min.)
«La culture populaire fait le spectacle de la violence, remplit son rôle cathartique -la culture populaire ayant toujours été friande de meurtres, de massacres et de violences en tous genres-, mais elle ne se pose rarement la question de sa propre nature violente, de sa propre nature sacrificielle. J’en suis arrivé à interroger ces moments où la culture populaire se pose à elle-même la question de sa propre violence. Elle le fait, selon moi, à deux moments: soit lorsqu’elle thématise le sacrifice lui-même, soit lorsqu’elle se fait métafictionnelle et qu’elle interroge ses propres codes. Dans les deux cas, très souvent, ce sont les motifs de la violence, principalement sacrificielle, qui sont donnés à voir.»
Sylvain David. «Instrument, traduire le son en images»
Le 23 mars 2016, à la Cinémathèque québécoise, Sylvain David, professeur au Département d'études françaises de l'Université Concordia et chercheur du RADICAL, a présenté la projection de Instrument, un film de Jem Cohen (États-Unis, 1999, 115 min.)
«Ce film documentaire réalisé par Jem Cohen a été tourné de 1987 à 1998. Il présente diverses facettes de l’existence du groupe Fugazi: tournées et concerts, entrevues accordées aux médias (généralement communautaires ou alternatifs), pré-production et séances d’enregistrement de l’album Red Medicine (1995). Les images cumulent les formats Super 8, 16 mm et vidéo. Ces différents supports ont été utilisés sans stratégie globale, selon les circonstances du moment. Le réalisateur avait un accès complet aux activités du groupe, à condition de ne pas déranger les musiciens. Les prises de vue ont le plus souvent été réalisées en solitaire, mais bénéficient parfois d’une équipe réduite (sonorisateur, éclairagiste, second caméraman). Le montage a été réalisé un an après la fin du tournage, en collaboration avec le groupe.»
Vincent Lavoie. «F for Fake, le pouvoir de stupéfaction des images»
Le 31 mars 2016, à la Cinémathèque québécoise, Vincent Lavoie, professeur au Département d'histoire de l'art de l'UQAM et chercheur du RADICAL, a présenté la projection de F for Fake, un film d'Orson Welles (Fr.-Iran-RFA, 1973, 63 min.)
«Pourquoi présenter un film de 1973 dans le cadre de recherches sur l’imaginaire contemporain? F for Fake d’Orson Welles pourrait constituer un intéressant modèle pour penser le contemporain à plusieurs égards. Non seulement ce film anticipe-t-il un certain nombre de considérations sur le pouvoir de stupéfaction et de suspicion que peuvent susciter les images et la place de la télévision dans la culture contemporaine, mais il offre, en 1973, une analyse tout à fait brillante des problèmes et des questions qui se posent relativement à l’image et à la croyance des images. Ce film est né d’un documentaire réalisé par François Reichenbach portant sur Elmyr de Hory, un faussaire célèbre du 20e siècle. Approchant Reichenbach, Welles demande à ce dernier la permission pour refaire son documentaire. L’entreprise de remontage du film se conçoit alors autour des rushs et des résidus de l’œuvre de Reichenbach: Welles travaillera à partir de ce qui n’a pas été utilisé dans le documentaire pour élaborer cette grande illusion qu’est F for Fake.»
Joanne Lalonde. «Globodrome, imaginaire du regard étendu»
Le 31 mars 2016, à la Cinémathèque québécoise, Joanne Lalonde, professeure au Département d'histoire d'art de l'UQAM et chercheure du RADICAL, a présenté la projection de Globodrome, un film de Gwenola Wagon (France, 2012).
«Le film Globodrome, réalisé en 2012 par Gwenola Wagon, est une appropriation transmédiatique du livre de Jules Verne, Le tour du monde en 80 jours, plus spécifiquement une reprise du trajet effectué par Phileas Fogg et son valet Jean Passepartout, les personnages principaux du roman. On y reprend l’idée du tour du monde dans un temps prescrit, un temps circonscrit, en mettant à profit les dispositifs de géolocalisation notamment ceux de Google Earth. Le propos du film repose sur le principe de réduction d’échelle du globe, une réduction qui en faciliterait peut-être la saisie. Combinant géographie et astronomie à travers l’image de la sphère, Globodrome vise à démontrer que l’instrument de mesure oriente et modélise la collecte d’informations.»
Bertrand Gervais, «Continuity, principe d'interruption et imaginaire de la fin»
Le 31 mars 2016, à la Cinémathèque québécoise, Bertrand Gervais, professeur au Département d'études littéraires de l'UQAM et chercheur du RADICAL, a présenté la projection de Continuity d'Omer Fast (Allemagne, 2012, 41 min.).
«Le principe d’interruption est au coeur du film d’Omer Fast. Le récit ne se complète pas, il ne tend pas à une fin. Il entre plutôt dans une boucle et ne sort jamais de ladite boucle. Le récit s’interrompt plutôt que de joindre une fin. Dans le film de Fast, il n’y a pas de résolution. Comme de nombreux autres récits, Continuity fonctionne sur le principe de la répétition. La fin n’est plus un principe de cohérence, elle est constamment reportée, de sorte que le récit s’arrête simplement à partir du moment où il y a interruption. La fin n’est plus une limite qu’on veut rejoindre. Elle ne permet plus de comprendre tout ce qui a pu précéder. Au contraire, n’eût été l’interruption, la boucle dans laquelle le récit est constamment réitéré se poursuivrait. C’est un principe qu’on observe régulièrement dans l’imaginaire contemporain de la fin: ce rapport à une fin qu’on ne rejoint jamais et qui nous place dans des systèmes de réitérations, de répétitions, de redoublements.»
Sylvano Santini. «Performer les communautés contemporaines»
Le 1er avril 2016, à la Cinémathèque québécoise, Sylvano Santini, professeur au Département d'études littéraires de l'UQAM et chercheur du RADICAL, a présenté la projection de Before Indulgence, After Freedom de Lin Ran (Chine, 2013, 15 min.), suivi de The Act of Forgetting de Chih-Chien Wang (Canada, 2015).
«Les deux films présentés dans le cadre de cet exercice sont des vidéos issues d’installations vidéographies exposées en galerie. La déterritorialisation des oeuvres de Lin Ran et de Chih-Chien Wan, de la salle d’exposition à la salle de cinéma, offre un regard différent sur le discours des films. Si la présentation de Before Indulgence, After Freedom de Lin Ran au cinéma ne diffère pas beaucoup de sa présentation en galerie, The Act of Forgetting de Chih-Chien Wang est complètement déterritorialisé puisque c’était une installation qui comportait des photographies, deux écrans et les visiteurs étaient appelés à apporter avec eux un objet intime, le déposer devant l’installation et repartir avec un autre objet laissé là précédemment. Ces deux oeuvres permettent surtout d’interroger la question de l’imaginaire des communautés contemporaines en art, en culture et en littérature. Le film de Lin Ran présente des voix isolées qui expriment leur rapport à la société, à l’art et à la lecture, il nous donne à voir une communauté de solitaires. le film de Wang, lui, s’intéresse à la manière dont on performe l’intime en communauté, à ce qu’on partage de l’intime en commun.»
Qu'est-ce que le RADICAL?
Le projet du RADICAL (CRSH, Programme Savoir, 2012-2017) porte sur les productions esthétiques actuelles, en mutation ou en émergence, sur leurs principes et fondements, leurs effets de lecture et de spectature, leurs méthodologies critique et théorique. Cet imaginaire est ainsi compris comme une interface, un ensemble structuré de médiations et de filtres donnant accès aux productions symboliques au cœur des sociétés qu'il participe à construire. Comme la saisie globale d'un phénomène aussi complexe demeure difficile, le programme propose deux voix d'accès dans une perspective à la fois pragmatique et théorique:
a) du point de vue des outils méthodologiques, où nous visons à identifier un ensemble limité de traits à partir desquels mener l'enquête;
b) du point de vue des objets étudiés où nous cherchons, d'une part, à comprendre la spécificité des pratiques culturelles, artistiques et littéraires et, d'autre part, à rendre compte des tensions qu'elles font subir aux traits identifiés et du type singulier de rapport au monde qu'elles engagent.
Trois traits de l'imaginaire contemporain ont été isolés, lesquels donnent lieu à des chantiers de recherche au sein desquels s'inscrivent les recherches menées en collaboration par les chercheurs de l'équipe.
- Le premier chantier «Un morcellement du sensible», recouvre cet important fractionnement des identités et des communautés, qui déstabilise le sens commun et requiert de reconstituer des liens tant symboliques que sociaux.
- Le second chantier, «Une folie du voir», porte sur le passage d'une culture du livre à une culture de l'écran, qui exige de revoir nos stratégies de manipulation et de compréhension des textes et des images.
- Enfin, le chantier «Une soif de réalité», identifie un rapport au monde fragilisé, illustré par un brouillage des régimes fictionnels qui touchent les rapports au réel.
Chacun de ces chantiers donne lieu à des recherches qui exploitent des aspects de ce triple soupçon au cœur de l'imaginaire contemporain, où paraît fragilisé notre rapport au monde, à ses signes et à nous-mêmes: on ne sait pas si c'est vrai ou réel, quel est le statut de ce qui est produit, ni de quelle façon cela nous lie. Les objets à l'étude sont de nature diversifiée, écritures et dispositifs numériques, images fixes et en mouvement, fictions diverses, communautés et pratiques en réseau. Les méthodologies envisagées proposent des perspectives complémentaires : sémiotique, pragmatique, théories de l'interprétation, esthétique et sociocritique.
Le programme RADICAL cherche non seulement à offrir les premiers rudiments d'un portrait de l'imaginaire contemporain marqué par un triple soupçon, mais il entend encore se servir des avancées informatiques de la culture de l'écran pour organiser et diffuser ses travaux. Les résultats préliminaires, les travaux préparatoires, les textes des journées d'étude et des colloques, mais aussi les enregistrements audio et vidéos des événements seront diffusés sur l'Observatoire de l'imaginaire contemporain (OIC), l'environnement de recherches et de connaissances en voie de développement à Figura, le centre de recherche sur le texte et l'imaginaire, et au NT2, le laboratoire de recherche sur les œuvres hypermédiatiques.
L'OIC est une plate-forme encyclopédique en ligne consacrée à la compréhension des pratiques culturelles émergentes. En tant qu'intervenant majeur de l'OIC, le programme RADICAL est engagé de plain-pied dans une économie du savoir numérique, dont il intégrera en amont les possibilités.
«Globodrome», imaginaire du regard étenduLe 31 mars 2016, à la Cinémathèque québécoise, Joanne Lalonde, professeure au Département d'histoire d'art de l'UQAM et chercheure du RADICAL, a présenté la projection de Globodrome, un film de Gwenola Wagon (France, 2012). |
«Instrument», traduire le son en imagesLe 23 mars 2016, à la Cinémathèque québécoise, Sylvain David, professeur au Département d'études françaises de l'Université Concordia et chercheur du RADICAL, a présenté la projection de Instrument, un film de Jem Cohen (États-Unis, 1999). |
«A Cabin in the Woods», hyperviolence et sacrificeLe 23 mars 2016, à la Cinémathèque québécoise, Samuel Archibald, professeur au Département d'études littéraires de l'UQAM et chercheur du RADICAL, a présenté la projection de A Cabin in the Woods, un film de Drew Goddard, co-scénarisé par Drew Goddard et Joss Whedon (Canada, 2012). |