Université du Québec à Montréal

Hubert Aquin et la perspective des singes

Articles des chercheurs
Année de parution:
2005

La tension entre esthétique et politique et constitutive de la modernité littéraire. Quand on accorde une souveraineté esthétique aux oeuvres du fait de l'autonomisation des pratiques artistiques depuis deux siècles, cette souveraineté entre d'emblée en concurrence avec la souveraineté politique d'un appareil d'État qui, à travers ses institutions, en récupère le capital symbolique au profit de la nation. Exemple banal s'il en est, Baudelaire n'est jamais aussi dépolitiqué, selon l'expression qu'il employait au lendemain du printemps 1848, que lorsqu'un manuel scolaire s'en saisit comme du héraut de l'art pour l'art, mais il n'est peutêtre jamais aussi politisé que lorsque ses Fleurs du Mal sont inscrites dans une tradition nationale qui les désigne à la fois comme héritières et comme légataires d'une poésie française née au Moyen Âge. Une semblable tension nourrit aussi les conceptions les plus opposées de la littérature engagée. Si l'engagement de l'écrivain chez Sartre avait pour conséquence une dévalorisation des critères strictement esthétiques au nom des vertus démystificatrices d'une parole responsable, capable de dire le monde et de le changer, Adorno préférait l'efficace politique des textes qui, se posant contre le monde, se voulaient radicalement autotéliques et en même temps porteurs d'une critique des modalités d'existence les plus concrètes. Historiquement, les politiques modernes de la littérature ont pu revendiquer autant la souveraineté de l'oeuvre en regard du monde que la suppression de son autonomie comme gage d 'une transformation des êtres et des choses. Cette tension est probablement d'une actualité plus brûlante encore dans les littératures dites mineures ou périphériques pour lesquelles l'autonomisation de la littérature est rarement plus assurée que la souveraineté de la communauté. Il s'effectue là une politisation quasi immédiate de la littérature, tant chez les écrivains que chez les critiques, qui, comme ce fut le cas au Québec pendant la Révolution tranquille, tend à confondre esthétique et politique dans une même entreprise de symbolisation d'une communauté consciente de sa précarité.

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Cet article est d'abord paru dans la revue Contre-jour (n°8) en 2005.

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Pour citer ce document:
Hamel, Jean-François. 2005. « Hubert Aquin et la perspective des singes ». En ligne sur le site de l’Observatoire de l’imaginaire contemporain. <https://oic.uqam.ca/fr/publications/hubert-aquin-et-la-perspective-des-singes>. Consulté le 1 mai 2023. Publication originale : (Contre-jour. 2005. vol. 8, p. 103-118).
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Figures et Imaginaires:
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