Le récit a subi deux importantes transformations au siècle dernier. La première a été d’ordre esthétique. En littérature, du Nouveau Roman au postmodernisme américain, le récit a cessé d’être une structure opérationnelle et sous-jacente pour devenir l’enjeu d’un questionnement ontologique, l’objet d’une déconstruction. Ce passage, il faut le souligner, s’est effectué parallèlement à l’examen du récit sous le microscope structuraliste. La deuxième transformation a été d’ordre médiatique. Le récit a quitté partiellement son ancrage linguistique et discursif pour migrer vers des formes iconographiques et audiovisuelles comme la bande dessinée et le cinéma.
En ce début de millénaire, le récit connaît une autre mutation avec l’émergence des «formes interactives» – terme générique qui décrit aussi bien des oeuvres expérimentales, comme les hypertextes de fiction et les productions multimédias, que les jeux vidéo, qui sont en passe de devenir le plus grand divertissement mondial (l’industrie du jeu vidéo génère actuellement des revenus annuels de 10 milliards de dollars, ce qui la place devant le cinéma commercial). On peut poser que cette transformation est d’ordre à la fois esthétique et médiatique. L’interactivité affecte les structures fondamentales du récit et participe du passage à un nouveau support: le numérique. Pour certains, cette mutation est si profonde qu’elle représente la frontière au-delà de laquelle on ne peut plus guère parler de récit. Sans accorder tout de suite trop d’attention à cette fin annoncée du narratif, nous devons reconnaître que les liens entre narrativité et interactivité posent des problèmes à plusieurs niveaux, que nous voulons étudier ici, afin peut-être de dénouer certaines des impasses rencontrées.
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Cet article a d'abord été publié dans la revue Protée (vol. 34) en 2006.
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