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Un journal très utile

Singher, Charles
Montréal, Héliotrope, 2010
190 pages.

Nous sommes dans un moment de relâchement crispé, je parle de la couleur du temps. Constat facile. Lieu commun des lieux communs. Recyclage. C’est pourtant la réflexion qui est provoquée par la lecture d’Une vie inutile de Simon Paquet. Il y a dans ce roman un jeu entre l’humour cynique, la lourdeur intertextuelle –d’un certain postmodernisme– et l’inutile quête du bonheur, la peur généralisée par rapport à l’avenir –d’un certain hypermodernisme. Normand –le protagoniste– est un homme en milieu de vie qui utilise d’infinies références littéraires et culturelles pour commenter son quotidien et qui, somme toute, vit le tragique contemporain de celui pour qui rien ne fonctionne dans une société qui demande que tout soit productif et rempli de bonheur immédiat. Il y a plusieurs éléments en jeu dans ce roman. Le contrat de lecture humoristique qui s’installe dès les premières pages permet une lecture cinglante du moment contemporain nord-américain par le biais du bain hypermoderne qui va bien au-delà du simple misérabilisme crispé qui s’écrit tous les jours. Normand est prisonnier de son «minuscule» demi-sous-sol, au même titre qu’il ne répond pas de son époque. Il illustre et incarne la fin d’une époque. L’échec de Normand ne s’étaie «ni comme le sigle d’un mouvement (qui n’existe pas), ni comme la désignation d’un état d’esprit (trop flottant, trop contradictoire), mais simplement comme le symptôme d’une crise, d’une fin d’époque». Sur le fond, cette fin est caractérisée par la traditionnelle impasse de la quête du bonheur, par son corollaire: l’ennui, par l’urgence d’avoir des «projets» et par le tragique contemporain qui oppose l’individu et les dieux –ici, la doxa.

 

L'art de la légèreté

Parent, Marie
New York, Alfred A. Knopf, 2009
322 pages.

La «légèreté» dont je tenterai de cerner les contours et les conséquences ici est à la fois ce qui fait la réussite et l’échec de ce roman initiatique déconcertant, portrait d’un sujet à côté de lui-même, incapable de rendre l’ampleur des drames qui s’abattent sur lui, comme si le réel devenait insoutenable au point de ne pouvoir être raconté sérieusement. Comme s’il ne pouvait que prendre la forme d’une anecdote vaguement embarrassante, d’une blague un peu ratée. Ce roman pose, dans la précarité même de sa forme, la question du rapport au tragique en littérature contemporaine. Ici, la fiction semble «glisser» à côté de l’horreur sans jamais vouloir y faire face. Et pourtant elle nous laisse entrevoir toutes ses potentialités. Ce qui est peut-être encore plus effrayant.

Alias Clint Eastwood

Ferland, Pierre-Paul
Montréal, Québec Amérique (Tous continents), 2009
418 pages.

 

L’enjeu du roman Lazy Bird d'Andrée A. Michaud se situerait dans une interrogation plus fondamentale que celle à laquelle la lecture policière nous habitue: comment, aujourd’hui, percevoir le monde hors du cadre culturel imposé par la puissance médiatique des États-Unis? Sommes-nous condamnés, à l’instar de Bob Richard, à percevoir nos existences comme des blockbusters en devenir?

 

La défaite de l'autorité

Larrivée, Stéphane

L'insistance à dévoiler les mécanismes de la transmission narrative permet d’inscrire Avidité dans la production contemporaine et ce, malgré les expérimentations formelles si présentes chez Jelinek, qui nous rappellent souvent les écritures des différents regroupements littéraires des années 1950 et 1960 — l’influence du Groupe de Vienne se fait fortement sentir dans ses romans — et qui inscrivent l’œuvre de l’écrivaine autrichienne en opposition avec le retour à la lisibilité fréquemment observé dans la littérature contemporaine.

Le visage de l'histoire

Leguerrier, Louis-Thomas
Montréal, Héliotrope, 2011
304 pages.

Si le Raskolnikov de Dostoïevski, dans Crime et châtiment, représente le meurtrier qui par son crime et par la conscience de la culpabilité qui en découle réussit à communier, dans le repentir, avec la communauté humaine universelle, si la Thérèse Raquin de Zola représente au contraire celle dont le crime comme la déchéance qui en découle reconduisent la destruction de cette même communauté, Smokey Nelson, pour sa part, est le meurtrier séparé de son crime et sans rapport avec celui-ci, la possibilité d'un tel rapport lui ayant été confisquée. Coupé de la terrible expérience faite par l'assassin que la police oublie d'inquiéter, celle de la vie qui se poursuit même après être apparue si facile à réduire en miette, brusquement retiré de l'histoire pour être enfoui dans l'immobilité du temps carcéral, il ne parvient plus à faire le lien, de même qu'il ne peut plus en établir entre ses crimes et l'exécution qui, plus de quinze ans après, est supposée les punir, entre sa personne et ceux-ci.

La traversée du réel

Lefort-Favreau, Julien
Un entretien avec Olga Duhamel-Noyer

Rencontre avec une jeune auteure dont les deux romans, Highwater (Héliotrope, 2006) et Destin (Héliotrope, 2009), constituent déjà une œuvre singulière, la plaçant d’emblée parmi les plus belles plumes de la littérature québécoise contemporaine. Un matin de février dernier, Olga Duhamel-Noyer nous a parlé de littérature, la sienne et celle des autres.

Les mélancomiques

in
Joubert, Lucie
ou pourquoi les femmes en littérature ne font pas souvent rire

On a beaucoup glosé sur la quasi-absence des femmes humoristes sur les scènes québécoises et françaises.

Des ailes inutiles

Brousseau, Simon
Paris, Seuil, 2012
535 pages.

Si Jauffret a le mérite d'aborder de front la négativité de l'existence contemporaine, ses façons de faire peuvent laisser perplexe. Il a développé une voix narrative qui lui est propre, une vision du monde désacralisante qui donne souvent l'impression que les relations humaines se réduisent à une mécanique égoïste. L'expérience de lecture s'accompagne d'une série de questions auxquelles on ne saurait définitivement répondre: est-ce Jauffret qui est cynique, nihiliste, pessimiste, ou bien le monde qu'il décrit? Jauffret est-il un auteur réaliste? Et quand bien même le monde serait effectivement pourri de cynisme, est-ce que la tâche de l'écrivain peut se résumer à enfoncer davantage le clou? Ne fait-il pas déjà assez froid? Cette ambivalence qui parcourt l'œuvre de Jauffret lui confère toute sa valeur.

Derrière les rideaux de scène

Côté-Fournier, Laurence
Paris, P.O.L., 2011
288 pages.

Dans Le Ravissement de Britney Spears, Jean Rolin s’intéresse à l’interprète de «…Baby, One More Time» alors qu’elle est timidement revenue sur scène et qu’elle semble avoir retrouvé une certaine forme de santé mentale, bien qu’elle soit désormais un peu plus bouffie et usée que dans sa prime jeunesse. Nous sommes en 2010, et une autre star remporte cette fois la palme du comportement le plus scandaleux: Lindsay Lohan. Ni Britney ni Lindsay ne sont toutefois les véritables héroïnes de l’intrigue, bien qu’elles occupent toutes deux une place considérable dans le roman. Le personnage principal et narrateur est plutôt un agent des services secrets français, anonyme, exilé au Tadjikistan depuis le sabordage de la mission spéciale à laquelle il participait: prévenir une tentative d’enlèvement contre Britney Spears organisée par un groupuscule islamiste radical, et couvrir de gloire la France et ses services d’information grâce à cette réussite. L’agent avait à cet effet été délégué en Californie pour amasser des renseignements sur les habitudes de la chanteuse. Or, d’emblée, rien dans cette histoire n’a de sens, et l’agent lui-même ne comprend pas quelles sont les visées exactes de sa mission.

Une violente mélancolie

Lefort-Favreau, Julien
Paris, Seuil (Fiction & Cie), 2011
252 pages.

En effet, observateur détaché, quelque peu dandy avec ses goûts pour les alcools forts, il se livre à l’exercice quotidien de la lecture de journaux et c’est entre autres par cette lorgnette qu’il observe le monde. Comme dans ses autres livres, c’est souvent par des faits divers (par exemple: la suffocation de David Carradine par autostrangulation érotique) ou par les événements politiques du présent que Deville accède à l’histoire. Loin d’une méthode historienne rigoureuse, l’observation des mœurs de ses contemporains et ses lectures souvent inusitées le font pénétrer les rouages de l’histoire. Il y entre par la petite porte, posture édictée par son peu de foi dans la possibilité pour les écrivains d’avoir un impact sur le cours des événements.