Le sujet digital: Temporalités
Vitesse contre rétention, l’instantanéité de l’accès à l’information contre l’inflation hyper- ou hypo-mnésique du stockage de données. Temps gagné contre temps perdu, gagné dans une efficacité apparente, perdu dans l'oubli ou englouti par un dispositif, une machine, littéralement chronophage. Temps du dedans et temps du dehors, temps d'une vie supposée intérieure que les dispositifs techniques modifient, temps propres d'un environnement technique en mutation, mais temps aussi d'un environnement géologique, où cette même technique se dépose finalement sous forme de déchets destinés à durer.
Quels nouveaux régimes de temporalité ouvrent les technologies numériques ? Quels rapports entretiennent-ils entre eux, et aux temporalités que la littérature, la philosophie, les sciences humaines et sociales ont prêtées au sujet humain, et aux temporalités enfin de l'environnement vivant, géologique, cosmique peut-être, dans lequel ces technologies s'inscrivent ? Ces questions suggèrent d'emblée mais sans exclusive plusieurs types de problèmes.
Le sujet multi-temporel. Au travers de jeux, de nouvelles formes de littérature ou bien dans l’interaction avec les “machines apprenantes”, le sujet entre dans une boucle avec la machine qui régule ses flux en fonction des réactions du sujet, comme si les modulations de ce qui s’affiche à l’écran pouvaient rendre compte de sa pensée. Des phénomènes comme le cloud ou le crowdcomputing supposent une construction temporelle complexe, de multiples simultanéités voire une forme de “multinaéité” où les temporalités propres à l’inscription et au déchiffrement du sens par le sujet se téléscopent et se superposent avec celles d’autres utilisateurs et des supports connectés. Autrement dit, il est possible désormais de faire l’expérience intime d’une temporalité partagée à plusieurs, distribuée à la fois immédiatement et de manière asynchrone, ce qui amènerait à formuler l’hypothèse d’une nature intrinsèquement polyphonique des nouvelles identités numériques.
Le contrôle politique. Si le nouveau régime de temporalité ouvert par la diffusion de flux en « temps réel » emprisonne l’utilisateur dans un présent sans mémoire qui n’autorise pas une vision synoptique des données, seulement l’échantillonnage, cette limite posée au sujet joue contre l’illimitation de la machine (Internet ou bases de données) hypermnésique, dont les possibilités techniques inouïes soulèvent la question du contrôle politique de la conservation de l’information et notamment des traces de soi.
Des environnements. La démultiplication des temporalités subjectives, si elle a bien lieu, peut-elle contribuer à décrire les environnement écotechniques dans lesquels s'inscrit le sujet et à mettre en question l'éternel présent dans lequel se répéterait la nature. Comment penser le temps propre de l'écotechnie (Nancy) ? Comment penser le hiatus entre l'image de la vitesse qui s'associe aux technologies numériques et celle de l'inertie qui appartiendrait à la nature ? Nous associons spontanément l’idée de vitesse aux technologies numériques, et par contraste percevons la nature comme plus lente. Cette intuition est-elle valide ?
À partir de ces exemples, et en ouvrant la réflexion à toutes sortes d'expériences temporelles numériques littéraires, artistiques, philosophiques, nous nous interrogerons sur l’évolution des dispositifs numériques, dans leurs aspects techniques, sociaux, politiques. Quelles médiations du temps ou des temporalités proposent-ils? Quelles figures du sujet polyphonique et/ou multi-temporel suggèrent-ils?
Mots clefs : vitesse, rétention, récursivité, accumulation, multiples simultanéités, temporalités partagées, éco-technies, environnement, illimitation, médiations, contrôle.
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Ce colloque s’inscrit dans un projet pluriannuel Labex Arts-H2H, « Le sujet digital », dont il est le troisième moment après Hypermnésie en 2012 et Scriptions en 2013. Le projet explore comment le développement réel ou imaginaire des machines numériques, de Babbage à Internet, modifie la conception du sujet et ses représentations, dans son statut comme dans ses attributs. Pluridisciplinaire, ce projet accueille des contributions des champs suivants : philosophie, littérature, archivistique, arts, histoire des sciences et techniques, neurosciences.
Les langues utilisées seront le français et l'anglais. Les contributions peuvent être proposées dans l'une ou l'autre langue, en moins de 3000 signes, accompagnées d'une brève présentation biographique de l'auteur.
Merci d’envoyer vos propositions via EasyChair ainsi qu'une brève présentation bio-bibliographique.
N’oubliez pas de téléverser vos documents au format PDF sur le site (moins de 3000 signes)
Pour tout autre renseignement, merci de nous contacter à l’adresse suivante: temporalites@univ-paris8.fr
Date limite de soumission des contributions : 15 juillet 2014
Réponse : 15 septembre 2014
Conférences plénières de:
Timothy Barker, School of Culture and Creative Art, University of Glasgow
Gregory Chatonsky, artiste et chercheur indépendant
Milad Doueihi, Université de Laval, Québec (à confirmer)
Elie During, Université Paris Ouest-Nanterre
Eric Mechoulan, Université de Montréal, Québec