Je suis effaré par tous les débats qu'il y a autour du droit d'auteur et notamment par les positions conservatrices et défensives da la plupart des éditeurs, de littérature ou de musique. Aujourd'hui encore dans les "Rebonds" de Libération, un article (Le triomphe des pirates du Net) du député PS de la Nièvre, Christian Paul qui, lui au moins semble avoir compris quelque chose au monde numérique.
En effet quel est le problème ? Nous sommes passés progressivement en un siècle d'une économie du stock à une économie du flux, d'une économie du "matériel" à une économie de plus en plus "immatérielle" où ce qui importe est de gérer des flux de données. Ce modèle n'est pas tout à fait nouveau, c'est celui du téléphone, de la radio, de la télévision où les contenus ne s'usent pas en fonction du nombre de gens qui les utilisent. Internet — ou plus largement l'économie en réseau — ne fait qu'accélérer et globaliser ce phénomène. Dans ce cadre, la prétendue "gratuité" dont on nous rabat les oreilles n'est qu'un leurre. Sans parler de tous les investissements "matériels" que font les usagers, on sait bien aujourd'hui que de nombreux secteurs vivent de cette gratuité.
Je ne prétends pas traiter le problème dans sa globalité mais, en tant qu'auteur, je crois pouvoir dire un mot sur le problème qui m'intéresse, celui du droit d'auteur. Je gère en effet plus de quinze blogs (cf. notamment La disparition du Général Proust, Un autre roman, Le sens de la vie, IMC 25, etc.). Bien entendu je me sers pour cela de blogs mis gratuitement à ma disposition par Canalblog dans ce cas, mais par Libération dans le cas de cette note. Je ne suis pas stupide au point de croire que tous ces fgournisseurs de blogs sont des mécènes désintéressés. S'ils m'offrent leurs plateformes de blog c'est qu'en échange je leur fournis autre chose et, dans ces cas, un immatériel très intéressant financièrement: du passage, le vôtre lecteurs. Il est donc tout à fait possible, comme dans les calculs d'audience de la télévision, d'estimer ce que mes blogs leur rapportent en terme d'accès et ce d'autant plus qu'ils savent tout sur vous: heure d'accès, temps d'accès, nombre de pages vues, nombre de pages vues, nombre de fois où vous êtes venus sur les blogs en question, pays d'origine, votre adresse IP, etc… Certains sites d'ailleurs comme TradeDoubler sont d'ores et déjà capable de me rémunérer en fonction du nombre de lecteur que j'envoie (par un jeu de clics) sur des sites commerciaux. Libre à moi si je veux, ou non, faire de cette possibilité un usage "littéraire". Quand ils n'utilisent pas les possibilités publicitaires, ils vendent leurs "compétences" en s'appuyant sur le nombre d'usagers de leurs plateformes de blogs: vente de plateformes professionnels, vente de logiciels Internet, abonnement à des versions plus performantes, etc. Sur ces bases les modèles marketing sont nombreux et plusieurs d'entre eux, comme Google notamment qui achète tout ce qui bouge sur Internet, s'appuient à la fois sur tous… Tout ceci représente pas mal de ressources et de flux financiers.
Rien n'interdit donc de rémunérer les auteurs de blogs de la même façon que le droit d'auteur antérieur les rémunérait. Tout est là pour le faire. Ne manque qu'une volonté politique et, peut-être, des accords internationaux. Mais je ne suis ni juriste ni politicien et je n'interviendrai pas sur ce terrain.
En tous cas si l'on veut parler droit d'auteur, c'est maintenant dans ce cadre qu'il faut le faire. En ce qui me concerne, qui ai déjà eu affaire à l'édition "conventionnelle" ainsi qu'aux autres modes de rémunération directes ou indirectes que génère le flux Internet, je ne redoute en rien une définition plus moderne de ce concept juridique.
Billet publié par Jean-Pierre Balpe dans HyperFiction.