Cette
présentation est un essai, une fiction, qui cherche à explorer ce que
pourrait être le livre digéré par le web. L'idée est de tracer un
chemin en regardant des lignes de forces, qui sont très très fragiles
aujourd'hui. L'idée est de dessiner une perspective qui ne sera
probablement pas vraie, exacte, unique, en ne regardant non pas les
transformations d'aujourd'hui, mais en nous projetant plus loin (et en
laissant de côté, je le reconnais, bien des seuils qui seront
difficiles à franchir : business modèles, interfaces...). L'idée est de
nous donner une perspective, des idées, des challenges pour essayer de
regarder loin devant nous. De comprendre le web sémantique et le web
implicite appliqué au livre.
Juste essayer de dessiner ce à quoi il va ressembler, ce à quoi il va servir, comment nous allons l'utiliser. Vous allez voir, cela pose plus de questions que nous ne sommes aujourd'hui capables d'y répondre, cela dessine plus de limites et de difficultés que de facilités. C'est tout l'intérêt.
1. Introduction : le livre accessible
Slide 2. Aujourd'hui, les livres sont bien souvent inaccessibles sur l'internet. Ni les livres, ni leurs auteurs ne sont là. Bien souvent, les éditeurs eux-même semblent absents. La majorité des libraires et des bibliothécaires également.
Mais cela ne va cesser de changer.
Les livres du domaine public, les livres issus de la numérisation massive sont en train d'arriver sur l'internet (Gutenberg, Gallica, Google Books...).
Mais ce mouvement ne va pas s'arrêter à eux et j'irais même plus loin,
cette numérisation massive des fonds patrimoniaux n'est que le sommet
d'un iceberg. La vraie "révolution" est sous le niveau des eaux.
Demain, nous allons accéder à des livres d'éditeurs, c'est-à-dire à des
livres exploités commercialement, sous formes numériques. C'est déjà le
cas avec les livres électroniques de Numilog, ceux de Lulu.com ou ceux proposés par le Kindle d'Amazon par exemple, mais sans que cela ait touché vraiment le grand public, parce qu'on confond encore souvent, dans ce domaine :
- les supports (les liseuses) et le fichier numérique du livre : on veut nous vendre le support !
- parce que les modalités et prix d'accès sont assez rédhibitoires : puis-je payer un fichier numérique au même prix qu'un livre papier ?
- parce que l'offre est illisible (privilégiant les bestsellers et les livres autoéditée sur Lulu) et fermée (catalogues réduits, formats propriétaires).
Mais cela change et ne va cesser de changer, comme le montre la place du marché du Kindle, qui propose des innovations très intéressantes : sur le prix, les modalités d'accès (téléphonie mobile), et l'ouverture aux livres de tous (place de marché).
Les offensives d'Amazon (programme Chercher au coeur), d'éditeurs indépendants (O'Reilly, HarperCollins, Inventaire/Invention...), d'auteurs (Paolo Coelho, Publie.net de François Bon) et de Google bien sûr risquent de changer la donne. Le livre qui était lui-même inaccessible (on n'accédait qu'à sa fiche), devient accessible en ligne (en intégralité ou en partie, payant ou gratuit). On accède de plus en plus facilement à des extraits de plus en plus importants. Et demain, nous pourrons acheter pour quelques euros un fichier de livre au format numérique. Incontestablement, la chaîne du livre, pour autant qu'elle existe encore en ligne, va en être bouleversée.
Je vous propose néanmoins d'aller encore un pas plus loin et d'imaginer ce qu'il se passe quand le livre numérique n'est plus seulement un fichier, mais devient une base de donnée.
2.1 Le livre comme base de donnée > Qu'est-ce que ça veut dire ?
slide 3. Aujourd'hui, un livre numérique, c'est un fichier (.txt, .pdf voire .xhtml...) avec quelques métadonnées, qui servent à décrire sa notice plutôt que son contenu. "Au mieux", ce fichier est lisible sur plusieurs machines et son contenu est copiable. On peut faire dessus une recherche plein texte (trouver les occurrences d'un terme dans un contenu)... et c'est à peu près tout.
Penser le livre comme fichier est au final extrêmement limitant et permet beaucoup moins de possibilités que de le penser comme une base de donnée, tels que le sont nos blogs, Wikipedia ou Freebase (voir les explications sur les différences entre les deux, ici).
Qu'est-ce qu'une base de donnée ? Des champs de contenus qui discutent entre eux ! Comme dans nos blogs, les paragraphes, les idées sont autant de champs qui discutent les uns les autres. Il y a des liens, des rétroliens, des classements (plus lu, plus vu, plus apprécié...). Il est possible d'y faire des requêtes. La structure est simple (billet), mais elle existe. Je peux faire référence au passage qui me plait ou m'intéresse facilement. Le lier à d'autres passages sur d'autres sites, demain dans d'autres ouvrages, parce que j'y trouve un lien, que je le tisse, et que je peux voir les liens que d'autres ont fait avec d'autres contenus.
C'est le principe du web et je pense que demain, il s'appliquera aux livres en ligne. Par ce qu'il est un mode d'accès riche (une « interface riche ») aux fonctionnalités au livre. Cette production du contenu en base de données permet de le sémantiser, c'est-à-dire d'ajouter du sens aux mots écrits, en les augmentant de précisions, de données, de métadonnées. Une note de bas de page n'est plus un numéro dans un fichier, mais est reconnu, par la machine, comme une note de bas de page. Un concept n'est pas un ensemble de mot, mais un tag, une étiquette qui dit, attention, ici, il y a un concept. Une référence n'est plus une citation d'un auteur, mais est aussi un code, lisible par une machine, qui dit qu'ici il y a une citation.
L'intelligence des données qui en est extrait ne va pas seulement nous donner accès à une “nouvelle classe d’outils”, comme l’évoquait Tim Berners Lee, mais radicalement changer nos pratiques, notre regard sur celles-ci et sur tout ce que nous faisons et nous entoure.
Le livre comme base de donnée > Qu'est-ce ça transforme ?
Slide 4. Ca transforme le sens de ce qu'on écrit et la manière dont on écrit. « Bien écrire pour le web », comme le disait le titre d'un livre, possède déjà ses contraintes (référencement, mode de lecture, brièveté...). Mais dans un monde où les données sont partout, c'est l'écriture même qui est transformée, comme l'explicite l'exemple de Google Look-Up via InternetActu :
"Le lien hypertexte, sous sa forme actuelle, nous conduit d’un endroit fixe à un autre endroit fixe, sans prendre en compte notre parcours, nos désirs, nos envies, le temps qui passe, l’actualité… Demain, le lien hypertexte est appelé à se transformer rédéfinissant la stabilité de la relation entre deux documents que le lien créé. Demain, nos liens lieront des données, des documents et des données, des documents en train de se faire et des données à venir. Les liens se produiront tout seuls ou presque, au sein d’applications, à partir de nos traces et à partir de termes ouverts à l’interprétation. Le web devient un espace d’inférences, comme s’il mimait un début de capacité de raisonnement, lui permettant de s’adapter, de muter, selon l’environnement, pour mieux nous servir, voire mieux nous ressembler.
Nos liens vont devenir instables. Nos mots eux-mêmes ne seront peut-être plus que des inconnues dans des équations de phrases, des termes mouvants au gré de l’actualité ou des visiteurs pour mieux s’adapter aux contextes de chacun. C’est ce que montre par exemple une des nouvelles fonctions de Google Doc (une fonction qui date visiblement de novembre 2006, mais que Google Blogoscoped a mis en avant seulement récemment) : GoogleLookup. L’idée de GoogleLookup est assez simple : permettre d’interfacer les résultats d’un tableau avec des données issues du web. Le but : permettre à votre tableau aujourd’hui, à votre graphique et à vos textes demain, de rester à jour. En entrant une formule particulière, qui cherche les données sur le web, il est ainsi possible de créer un tableau où le nom du maire ou celui d’un ministre se met à jour tout seul, via l’internet. Votre tableau de données peut aussi se connecter à des résultats sportifs ou à GoogleFinance et incorporer les dernières valeurs d’un marché (explications complémentaires). Les documents que nous rédigerons pourront demain citer des fonctions ou des données plutôt que des noms de personnes ou des chiffres, leur permettant de s’actualiser ou de se contextualiser seuls. Votre article sur Second Life ne citera plus le nombre d’inscrits au service au jour et à l’heure ou vous aurez écrit votre billet, mais le chiffre évoluera avec le temps en prenant en compte les données chiffrées émises par LindenLab.
Bien sûr, il a toujours été possible d’interfacer une base de donnée et un tableau, mais faire que cette base de donnée soit en prise directe avec un résultat de requête en ligne, en temps réel, est un pas de plus - sans compter le degré de simplicité et de complémentarité atteint qui semble mettre encore un peu plus le web en interaction avec lui-même."
De nouvelles formes pour le livre
Slide 5. Des formes nouvelles formes d'écriture induisent de nouvelles formes du livre, comme le montre les 2 exemples illustrés ici, parmi une foule d'autre. Et de nouvelles formes techniques induisent de nouvelles formes d'écriture. C'est le cas de cette tentative d'épuisement d'un lieu parisien de Georges Perec, construit en hypelien comme de cet ouvrage Game Theory. 2 formes de livres, qui dans leur forme électronique, sont presque impossible à reproduire sous forme papier.
Ce que nous disent les nouvelles formes, c'est que la linéarité d'un texte n'en sera plus l'entrée unique. Sa complétude (c'est-à-dire le fait qu'un livre soit une oeuvre complète) va exploser. « On dote le livre d'une artefacture technique qui permet de transformer sa linéarité en dynamique documentaire inédite », pour reprendre le propos d'Olivier Ertzscheid d'Affordance.
Cela ne sera pas seulement valable pour les essais, les documentaires, les livres pratiques, comme on aime à le croire, mais aussi pour la littérature de fiction. En lisant Daewoo de François Bon, je rageais de ne pas pouvoir voir les photos qu'il a prise pendant ses voyages en Lorraine et dont il parle dans son livre, je rageais de ne pas pouvoir lire le livre autrement (toutes les références qu'il fait d'une personne par exemple). L'oeuvre, jusqu'à présent pensé dans son fil, dans sa longueur, dans sa linéarité et sa continuité explose avec la sémantisation, l'hypertexte. Espérons que demain, les auteurs vont s'en emparer pour créer des formes nouvelles (dont les versions imprimées seront des versions appauvries). C'est peut-être déjà le cas. Quel rapport y-a-t-il entre Tumulte.net (le site) et Tumulte.net (le livre) ? L'un n'est-il pas la forme appauvrie de l'autre et inversement ?
Les commentaires
Slide 6. Le livre structuré, organisé, peut également changer le rapport auteur/lecteur. On connait aujourd'hui bien les limites des commentaires (lisez les commentaires du blog de Pierre Assouline ;-). Mais on peut imaginer demain, qu'il en soit autrement. Et qu'on puisse classer, gérer, noter les commentaires, que ceux-ci soit affectables à des partis d'ouvrages précisément et permettent d'interroger l'oeuvre en train de se faire (voir les expériences de livres wiki ou CommentPress) ou l'oeuvre accomplie (cf. BookGlutton). Les commentaires peuvent également devenir des sources de métadonnées.
Repenser le découpage
Slide 7. Comment va-t-on structurer, découper, hacher le livre ? Quelles champs de données (et pas seulement métadonnées) va-t-on y introduire ? Quels types d'analyse va-t-on y ajouter ? Analyse lexicale, historique, grammaticale, sémiologique, philosophique, marketing... ?
Pour vous donner des idées, je vous invite à prendre le temps de découvrir le logiciel Lignes de temps développé par l’Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou que j'évoquais dans InternetActu.
"Le système consiste en un logiciel d’analyse de films qui en décortique la structure sous forme d’une ligne de temps, semblable à celle qui permet de lire un film sur une table de montage numérique. Outre le film complètement décomposé, sont ainsi accessibles le script du scénario, l’indication des lieux, la présence des personnages, la description d’images et de plans (échelles de plans, mouvement de caméras, axe de prise de vues, entrés et sortis de champs…) ainsi que les les annotations partagées des utilisateurs. Cet ajout de données offre un accès inédit au film qui peut être décomposé, interrogé, remixé selon les requêtes des utilisateurs. Il permet d’en faire de nouvelles cartographies, d’extraire des séquences et des séries de séquences, de faire des recherches très précises grâce à la description des images et des plans. En permettant de triturer le film dans toutes ses dimensions, l’outil permet de visualiser des pertinences, de mettre à jour des effets de sens, de porter l’analyse filmique à une nouvelle étape, comme le reconnaissent d’ailleurs des professionnels qui l’ont essayé."
Assurément, voilà une expérimentation qui montre combien la version numérique d’un film ne s’arrête pas à un support. Encore une fois, à la suite d’Olivier Ertzscheid, Lignes de Temps dote le cinéma “d’une artefacture technique qui permet de transformer sa linéarité en dynamique documentaire inédite”. A l’essayer, on imagine ce que pourraient être les DVD du futurs, s’ils permettaient à tout un chacun de créer sa propre analyse du film qu’il vient de voir."
A l'essayer on imagine ce qu'une telle artefacture donnerait appliquée au livre.
Voila
un exemple qui doit nous interroger en tout cas, car il dessine des
idées sur les transformations possibles qui peuvent s'appliquer à « un
contenu ».
Demain, l'intelligence des données
Le livre comme base de donnée > Qu'est-ce que ça permet ?
Slide 9. Un autre moyen d'interroger le concept de livre comme base de données, est de regarder ce que cette transformation, du fichier à la bdd, permet, concrètement pour l'utilisateur.
Le livre scalable. Chercher dans et hors du livre, comme par exemple avec ce titre sur GoogleBooks MyLibrary. Déjà possible avec le livre fichier, mais avec le livre en bdd, la recherche s'affine, grâce aux métadonnées. Les meilleures passages, les références sont plus précises. On poursuit une idée, de livre en livres, comme aujourd'hui on poursuit une recherche de sites web en sites web. On compile selon le sujet (et plus seulement selon l'auteur). On accède d'un livre à l'autre. On « choisit » (ou on accède selon ses moyens) à différentes couches de l'information (images gratuites chez FlickR, base de données d'images payantes peu chères chez Corbis ou très chères chez d'autres agences d'images) : le même livre n'est plus le même. Meilleurs passages, références permettant d'aller d'un livre à l'autre, d'un passage à l'autre. De suivre un sujet (l'économie de l'attention par exemple), d'un livre à l'autre et pas seulement d'un site à l'autre. On peut voir les références d'un chapitre, d'un passage de livre, d'un paragraphe et pas seulement du livre pris dans sa globalité.
Le livre repensé
Slide 10. Des outils permettent d'analyser le contenu différemment. Aujourd'hui, les outils d'analyses sont frustres : nombre d'occurrences dans un texte (mais quid des synonymes, quid des concepts, des formules ?). Mais on pourrait demain imaginer accéder par personnages, par lieux, par passages les plus commentés, les plus remarquables, les plus critiqués... (souvenez-vous de Ligne de Temps). Accès à des outils d'analyse des contenus « inédits », ou nouveau, comme ceux qu'exploitent avec Brio Jean Véronis ou Philippe Gambette, en analysant les discours politiques par exemple. Bref, des outils qui permettent de comprendre le texte différemment.
Le livre comme service
Slide 11. Depuis le texte, on accède à des services issus d'autres livres en base de données (comparaison des noms de personnages dans « tous » les livres numérisés dans Google Book par exemple), on cherche dans d'autres livres sur des thématiques proches ou éloignées, dans des bases de données d'éditeurs (O'Reilly pour les livres informatiques), dans des banques d'images différentes (Reuters, FlickR, agences...), dans des bases d'articles scientifiques, dans des dictionnaires (synonymes, traduction, rime, historique...)... Pour mieux comprendre, il faut regarder de près, le fonctionnement de base de données sémantisées, celles qui promettent de rendre "l'information liquide" comme Hyperwords, Clearforest ou AdaptiveBlue.
Le livre comme logiciel
Slide 12. Le livre devient un logiciel auquel j'accède pleinement. Quelque soit l'application ou le terminal que j'utilise. J'accède au dictionnaire historique de la langue française depuis mon traitement de texte, le web, mon mobile, mon logiciel de création de slide, ma messagerie instantannée, comme aujourd'hui j'utilise Antidote avec tous mes outils.
Le livre recomposé
Slide 13. On achète/accède selon notre sujet, ce que l'on cherche. Le livre n'est plus une « oeuvre » unique, fermée, complète... mais un ensemble recomposé par le lecteur. On créé son « livre », sa lecture, son accès, ses parcours. Je compose moi-même mon livre de voyage. Je compose moi-même le digest de Zola ou de Balzac que j'étudie en classe (avec les analyses et commentaires des parties qui m'intéressent ou que j'étudie, et pas les autres, etc.).
Qu'est-ce que cela ne veut pas dire ?
Slide 14.
- Est-ce que ça marche pour tout ? Je ne sais pas.
- Est-ce qu'on est d'accord (pas nécessairement) ? On détruit l'oeuvre ! Oui. Mais c'est déjà le cas. Aujourd'hui, j'accède à François Bon de cette manière. Selon mon parcours : je n'accède pas à son site, à sa parole en continu, à son écrit de la manière dont il l'écrit. J'entre par un bout. Je ressors par un autre.
- A quoi ça sert ? On voit mal à quoi cela sert dans la création littéraire que dans le livre pratique, le beau livre, les essais...
- On n'a pas fini d'interroger l'utilité (et l'inutilité) de cette transformation. C'est le débat actuel entre Freebase et Wikipédia : est-ce que la mise en base de données de certaines informations crée du sens ? Est-ce que cela en créé suffisamment pour les utilisateurs ?
- Est-ce que l'écriture va changer ? Les nouvelles formes d'écritures (hypertextuelles) ne sont pas venues (ou alors on ne les voit pas ?). Quand elles existent, elles restent confidentielles. Elles nécessitent un modèle économique viable et des technologies qui vont avec qui n'existent pas.
- Les limites des commentaires et des billets.
- Le besoin de nouveaux outils pour surfer dans cette complexité... Mais est-ce qu'on va arriver à y voir clair dans cette complexité ?
- Quelles métadonnées ? Les métadonnées et les tags du livre sont à inventer : meilleurs morceaux, prix supplémentaire pour les images, idées fortes, concepts clefs... Comment d'un même livre en base de donnée, je créé le livre original de l'auteur, le livre avec commentaire (genre l'analyse d'une oeuvre), le livre illustré cheap et le livre illustré de luxe...
- Qui va structurer tout cela ?
- Quand on voit aujourd'hui la difficulté qu'il y a tagguer un livre dans LibraryThing ou Babelio, à décrire par une poignée de mots son contenu, à relier par cette même poignée de mots des livres différents (avec des concepts qui restent souvent pauvre (littérature française, américaine), le chemin est encore loin. Comment relier des contenus par les mots clefs ? La complexité (au moins volumétrique) des contenus ne va pas cesser demain. Mais l'on sait déjà que la productivité de la recherche par mots-clefs va décroitre. Le langage naturel, comme les mots clefs, risque d'être insuffisants demain pour voir ou utiliser la structure de l'information disait Nova Spivack.
- Ce que je lis est accessible chez ceux chez qui je le lis !
- La limite de l'agrégation du web 2.0 : Des agrégateurs aux disséminateurs
2.1 Nos lectures mémorisées > Définition
Slide 15. Notre historique, ce qu'on lit, dis, imagine a un sens et va avoir un rôle. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui, le concept du web implicite.
“Le concept du web implicite est simple”, explique Alex Iskold de Read/Write Web. “Quand nous touchons l’information, nous votons pour elle. Quand nous venons sur un billet depuis un article qu’on a apprécié, nous passons du temps à le lire. Quand on aime un film, nous le recommandons à nos amis et à notre famille. Et si un morceau de musique résonne en nous, nous l’écoutons en boucle encore et encore. Nous le faisons automatiquement, implicitement. Mais les conséquences de ce comportement sont importantes : les choses auxquelles nous prêtons attention ont une grande valeur pour nous, parce que nous les apprécions.”
Le web nous donne justement l’occasion de capturer ce sur quoi nous portons de l’attention. Le web implicite est déjà une réalité, comme le montrent les moteurs de recherche et les moteurs de recommandations : nos gestes et actions en ligne révèlent nos intentions et nos réactions. Et d’en donner comme bon exemple, Last.fm, le moteur de recommandation de musique qui, se basant sur votre bibliothèque d’artistes préférés, vous recommande des chansons que vous ne connaissez pas. Nos achats, nos navigations, nos requêtes alimentent des moteurs de recommandation qui affinent le World Wide Web pour nous (cf. Amazon, qui se souvient de ce que vous y cherchez, de ce que vous achetez). “Nous sommes donc passés d’une toute puissance du lien hypertexte, point nécessairement nodal de développement du réseau et des services et outils associés, à une toute puissance du “parcours”, de la navigation “qui fait sens”, de la navigation “orientée” au double sens du terme”, explique avec brio Olivier Ertzscheid.
Bien sûr, cette attention portée à nos actions contient en germe des menaces sur notre intimité : pas tant sur le fait de monétiser nos parcours dans des logiques marketing propres au service qu’on utilise, mais plus encore des dérives d’exploitation tierces de nos profils. Que Google exploite notre historique de requêtes pour affiner les nôtres et nous proposer de la publicité adaptée quand on utilise ses services, soit, mais que ce même parcours bénéficie à l’un de ses partenaires ou à un autre service que je fréquente (ou pire, que je ne fréquente pas) posera certainement des questions plus profondes."
> Historique
Slide 16.
Reste à ces applications et ces moteurs à s’affiner, à élargir leur périmètre et leurs modalités de requête : demain ils sauront ce que nous sommes capables de chercher selon l’heure de la journée, notre lieu de connexion, le lieu d’où nous venons, notre environnement applicatif ouvert, les actualités qui nous concernent…Notre historique de navigation va avoir une influence sur ce qu'on lit. On peut imaginer que ce que l'on a lu va modifier ce que l'on lira. Parce qu'on a déjà lu tel article dans Wikipédia, quand on reviendra, nous n'en verrons peut-être plus que les modifications. Parce qu'on a déjà lu telle analyse sur l'oeuvre de Victor Hugo, quand nous y reviendrons, on ne verra que les nouvelles propositions d'anayses qui ont été faites depuis.
Mon historique sait déjà ce que je connais (ce que j'ai mis de côté, blogué, classé, archivé, ce dont j'ai parlé) et tronque le contenu de ce à quoi j'accède, le déforme, l'adapte à ma connaissance, à mon plaisir, à mes goûts. Cela ne veut pas dire qu'on ne pourra pas aller au-delà, mais que notre parcours passé sera aussi un guide dans ce qu'on lira. Imaginons que mon historique garde en mémoire tous les articles que j'ai déjà lu, quand j'accède à un livre d'un auteur, s'il y a dedans des passages que j'ai déjà lus dans des articles, ceux-ci se contractent, s'adaptent à mon parcours, un peu comme Gmail reconnaît ce que j'ai déjà lu.
Bref un autre accès naît à côté de celui que nous connaissions. Assurément, comme le souligne encore Olivier Ertzscheid citant les théories de l’hypertexte de Vannevar Bush, “le parcours, le “chemin” (trail) importent au moins autant que le lien”. “Au moins autant”, c’est dire si cet accès est encore amené à progresser.
Attention : Limites des traces : tous les chemins ne montrent pas ce qu'on aime ou ce qu'on souhaite (Laure manoudou nue).
Nos lectures mémorisées > Le physique devient numérique.
Slide 17. Ce que je fais en-dehors du net est également archivé et mémorisé. Les livres que j'ai acheté, les livres que j'ai lu, les livres que je vais acheter, les livres que je touche du doigt. Imaginez-vous dans une librairie, vous prenez un ouvrage, lisez la 4e... Et hop, ce simple geste déclenche une réaction en chaîne : vous recevez sur votre mobile le résumé du livre, l'écran de la librairie affiche la fiche du livre et les recommandations des lecteurs... Si un livre recommandé vous intéresse, une lumière pointe le livre dans le rayon pour vous faciliter sa recherche...
C'est quelques-unes des idées développées par quelques chercheurs japonais qui s'intéressent à comprendre comment demain l'informatique nous aidera à interagir avec le monde physique.
Quand on achète un livre physique, on accède aussi à son contenu numérique (Cf. le Nazbatag qui lit les livres, la vente couplée Rfid (accès au livre numérique) et livre physique).
Nos lectures mémorisées > Pour quoi faire ?
Slide 18. Développer de meilleures recommandations et personnaliser l'accès selon nos besoins.
Développer des liens entre, non pas les auteurs ou les oeuvres, mais les concepts, les idées, les raisonnements. Aller un cran plus loin. Comme je le dis souvent, les recommandations sont imparfaites. Exemple de Cent ans de solitude, de Garcia Marquez qui ne fait pas le lien avec un autre auteur que je trouve très proche et beaucoup moins connu, comme Jorge Amado. Faire le lien entre tel auteur et tel autre. Entre telle étude et telle autre. Dresser le fil des connaissances, leur histoire, le parcours de la pensée qui nous amène d'une idée l'autre au niveau de connaissance où nous sommes (et pouvoir regarder derrière, pour mieux comprendre).
Le propre de l'écriture, concrétise une pensée dans sa finitude. Ici, le texte est liquide, s'inscrit dans une continuité sans fin. Ce qui pose la question de l'homogénéité, de la cohérence dans ce zapping constant. Qu'est-ce qu'on met en place pour restructurer la pensée, pour construire le fil conducteur ? Comment on recompose de la cohérence ?
> Conclusion
Slide 19. Comme je l'ai dit en intro. Ceci est une fiction, un schéma général. Il faudrait mieux s'interroger sur ce qui va buguer, ce qui ne va pas marcher. Aujourd'hui, ce dont je vous ai parlé ne marche pas – ou pas vraiment, ou imparfaitement, ou de manière cloisonné. Tout est à faire.
Dans ce contexte futur, il faut nous interroger ensemble sur votre rôle, à vous bibliothécaires [mais on pourrait faire le même constat tant pour les libraires que pour les éditeurs ou les auteurs...]. Pour mieux circuler dans les livres, demain, nous allons avoir besoin de vous, de vos connaissances du livre, de vos connaissances du cataloguage.
Aujourd'hui, il faut s'interroger profondément sur les mots clefs qui catégorisent un contenu. Vous en connaissez. Vous en utilisez. Mais sont-ils suffisants ? Qu'est-ce qu'un livre quand on compare sa fiche dans plusieurs systèmes d'interactions ? Combien de mode d'interactions propose une fiche ?
Slide 20. Comment faire discuter les systèmes. Non pas d'un point de vue technique, mais au moins d'un point de vue sémantique. Il y a là, de vraies questions qui sont des questions d'économie de la connaissance et de bibliothéconomie.
Slide 21. Il faut aussi interroger la numérisation patrimoniale massive qui est entrepris par plusieurs d'entre vous. Interroger les modalités d'accès, de référencements, de classement. Peut-on croire qu'un fonctionnement en silo soit possible ?
Slide 22. On numérise massivement, mais qui expérimente des modalités d'accès différentes au savoir ? Des fonds sont disponibles (Flaubert, Stendhal...). Qui les aménage ? Qui aménage les différentes couches d'information d'un manuscrit ? Qui nous permettra demain de parcourir un livre par concepts ? Il y a là, des expérimentations concrètes à mener (souvenez vous de Ligne de temps). Qui fera l'oeuvre critique d'un livre en ligne accessible pour le lycéen comme à l'expert ?
Il faut s'interroger – et surtout expérimenter – sur les usages de vos usagers. Comment rapprocher vos collections de leurs usages ? Comment le document numérisé et travaillé que je propose n'est pas le 20e résultat de Google, mais le deuxième, voir même s'il n'est pas mieux référencé dans Google Book himself. Exemple de la bibliothèque du Congrès et de Flickr.
On le sait, les bibliothèques ont de nombreux problèmes. Si elles réfléchissent depuis longtemps à tout cela, force est de constater que leurs actions sont rares, et quand elles existent, elles sont souvent décalées des usages. Si on regarde l'action des bibliothèques françaises sur ces 10 derniers années, que pouvons nous retenir ? Gallica est plus ancien et sa refonte n'est qu'une refonte. Le Guichet du savoir, initié ici, est certainement l'une des rares innovations d'importance des bibliothèques.
Il est tant de faire des expérimentations communes. De travailler des catalogues, de chercher comment mieux se rapprocher des usages des usagers.
Slide 23. Enfin, comme on l'a vue dans la première partie sur le web 2.0, le rôle de conseiller est primordial. Où sont vos conseils ? Peut-on encore penser les bibliothèques comme des silos fermés, indépendants les uns des autres ?
Le web a besoin de vous. Il est tant d'y agir.