Les films réalisés sur téléphone font leur festival à Paris

Désormais intégrées aux téléphones portables, les petites caméras sont-elles des gadgets ou recèlent-elles un potentiel inédit de création artistique ? Pour répondre à ces questions, le Forum des images présente la première édition du festival Pocket Films, qui se tient à Paris du 7 au 9 octobre. Les organisateurs ont contacté cent artistes, leur ont distribué à chacun un téléphone portable. Sur près de quatre cents films réalisés, quatre-vingt-cinq ont été sélectionnés pour être diffusés sur grand écran pendant le festival. Quatorze d'entre eux concourront dans une compétition arbitrée par un jury présidé par le réalisateur Olivier Ducastel. Du thriller à l'autoportrait potache, en passant par des démarches qui relèvent plus de l'art vidéo, les films, dont la durée varie de 30 secondes à 1 h 30, sont particulièrement variés. Le grain particulier de ces caméras, leur taille minuscule, qui les rend quasiment invisibles, ont semble-t-il poussé les réalisateurs à rechercher des formes d'expression et de narration nouvelles. Parmi les propositions sélectionnées, on trouvera celles des cinéastes Jean-Charles Fitoussi, Erik Bullot, Alain Fleicher, de la vidéaste Sabine Massenet, mais aussi de musiciens, de graphistes et d'étudiants en cinéma.
Soutenue par Nokia et SFR, la démarche s'inscrit dans un mouvement mondial de rapprochement entre les industries de la téléphonie mobile et le cinéma. Le Forum des images est toutefois l'un des premiers, avec le festival Berlinois Interfilms, à s'intéresser à l'objet comme outil de création. Et ce pour la bonne raison que l'intégration de petites caméras aux appareils est relativement très récente. ÉPISODES D'UNE MINUTE "Curieusement , explique Laurence Herszberg, directrice du Forum des images, la nature des images produites par ces appareils, moins froide que celle des caméras DV, est mieux adaptée à la diffusion sur grand écran que sur ordinateur." Le phénomène fait des émules : "Trois festivals nous ont demandé une sélection de nos films. Les écoles s'intéressent aussi à l'outil. L'ESAV de Toulouse a rendu obligatoire la réalisation d'un film sur téléphone portable. L'Ensad et le Fresnoy réfléchissent à la même chose de leur côté."
Jusqu'à présent, le téléphone avait surtout été appréhendé comme un support pour des films réalisés avec des technologies traditionnelles. Organisé à La Nouvelle-Orléans en mars 2003, The World's Smallest Film Festival est l'un des premiers festivals à avoir présenté des films spécialement réalisés pour ce type de diffusion. Depuis, les initiatives ont essaimé, le plus souvent à l'initiative d'un opérateur de téléphonie mobile : au festival londonien de Raindance, à celui d'Edimbourg, au festival de films en ligne Zoie Films, basé à Atlanta, à Taïwan, en Corée, en Australie...
La production est déjà en voie d'industrialisation. Une variante de la série 24 heures chrono , découpée en nouveaux épisodes d'une minute ("mobisodes"), va bientôt être accessible aux abonnés SFR. Orange a quant à lui annoncé son projet d'investir dans cent courts métrages par an, en espérant pousser les producteurs à faire émerger une forme propre à ce support de diffusion. Aux Etats-Unis, Disney est aussi dans les rangs, qui a lancé une série de films d'animation pensés pour le format. Sur ce front, le Forum des images n'est pas en reste et propose, pendant son festival, une série de rencontres autour de la question de l'écriture pour ce support spécifique, animées notamment par des auteurs ayant déjà réalisé des séries de mobisodes. Source : article d'Isabelle Regnier dans LeMonde.fr