Pour qui s’intéresse à la manière dont la mouvance du logiciel libre interagit avec le reste de la société, la période électorale que traverse la France cette année représente sans doute un moment important. L’initiative Candidats.fr, mise en place par une des associations de défense du logiciel libre, l’April, en est une manifestation importante. Utilisant la même méthode que Nicolas Hulot avec son pacte écologique, Candidats.fr tente de contraindre les candidats, d’abord à l’élection présidentielle, puis aux législatives, de prendre publiquement des engagements en matière de législation sur le logiciel ou d’utilisation des logiciels libres au sein des administrations.
Ce n’est pas un hasard si cette initiative s’est mise en place quelques mois après l’adoption de la lois sur le Droit d’Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l’Information ( DADVSI ). Cette loi, et plus encore, la manière dont elle a été discutée et adoptée à l’Assemblée Nationale, ont en effet représenté un événement majeur dans le cercle, assez restreint, de ceux qui s’intéressent à ces questions. D’un côté, elle a mis en lumière l’incroyable poids du lobby des industries culturelles au sein du Ministère de la Culture, agissant sans complexe auprès de responsables politiques dépassés par les événements. De l’autre, elle a montré qu’on ne pouvait plus considérer que la classe politique dans son ensemble était réfractaire à tout intérêt pour les questions technologiques. Au cours des débats, plusieurs députés et sénateurs, y compris parmi ceux qui n’étaient pas a priori spécialisés sur la question, ont fait preuve d’un véritable intérêt et de réelles connaissances sur les questions techniques sous-jacentes.
Candidats.fr semble tirer les leçons politiques de cette double expérience en tentant de faire pression sur les responsables politiques. Et ce n’est pas un hasard si ceux que l’on retrouve à la tête de l’initiative, se sont particulièrement illustrés lors des débats sur la DADVSI - avec l’initaitve EUCD.info notamment.
Il faut bien dire que pour l’instant, l’expérience n’est pas très concluante. Les réponses des candidats aux élections présidentielles ont été peu nombreuses et tardives. A quelques semaines du scrutin législatif, seuls 38 candidats à la députation ont répondu au Pacte du logiciel libre, qui leur était proposé. Il est clair que les militants du logiciel libre n’en sont qu’au tout début d’un processus qui ira certainement en s’amplifiant dans les années à venir. C’est d’ailleurs convergent avec l’évolution générale d’une société qui voit les revendications communautaires émerger progressivement et s’organiser pour peser sur la décision politique. Sur leur chemin, ils rencontreront cependant une difficulté qu’il leur faudra surmonter : le poids d’un groupe de pression est directement proportionnel à la popularité du thème sur lequel il travaille. Ainsi, la « méthode Hulot » ne peut fonctionner que dans la mesure où l’écologie et le réchauffement climatique sont devenus des sujets de préoccupation universellement partagés. On ne peut pas en dire autant du logiciel libre...pour l’instant.