Sus à la «Tour de eBabel»!

«La multiplicité des formats (une vingtaine dénombré à ce jour) est souvent présentée comme un frein à une adoption massive des livres numériques. C'est effectivement un obstacle majeur, bien qu'il ne soit pas le seul. Les remarques qui suivent sont autant valables pour ce qui est du foisonnement de formats de protection technique (DRM). Les livres numériques que vous achetez sont des objets définitivement prisonniers d'une Tour de Babel numérique (l'expression n'est pas de moi ...mais de David Rothman du blog Teleread) et à tout instant menacés d'obsolescence.

D'une part, les consommateurs n'ont aucune garantie que le livre électronique, chèrement acquis, leur permettra de s'approvisionner auprès de n'importe quelle librairie numérique. A l'exception du Bookeen (spin-off du Cybook de Cytale), tous les modèles actuellement commercialisés font usage de formats strictement propriétaires. Les fabricants suivent en cela la stratégie industrielle chère notamment à Apple, l'objectif étant de "locker" le client et s'assurer une relation commerciale suffisamment longue. Car pas question de changer de fournisseur sans que cela est un coût. En l'occurrence, le coût est ici proportionnel au nombre des ouvrages numériques, acquis dans un format donné, qui s'avèrent illisibles lorsque vous changez de marque de livre électronique. D'autre part, en plus de cet inconvénient majeur, aucune garantie n'est offerte aux consommateurs quant à la pérennité de l'accès à leur collection de livres numériques. Les clients de Cytale ou encore de Gemstar n'avaient probablement pas prévu que l'arrêt de l'activité de ces sociétés entraînerait une version moderne de l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie. En bref, avec des formats propriétaires, les consommateurs hardis font un pari très risqué sur le long terme, celui de la constitution d'une bibliothèque éphémère car frappée d'obsolescence.

Tout le monde ne peut que convenir que la réponse à ce double problème reste l'adoption d'un standard universel ou du moins d'un format pérenne. Pour cela, le développement d'une solution ouverte (open source) reste une voie à privilégier. C'est celle qu'a choisi Osoft en proposant le logiciel de lecture dotReader. Celui-ci est centré autour du format XML qui est non-propriétaire et désormais largement utilisé pour le web et les documents numériques. Le dotReader est en particulier compatible avec le format ouvert OpenReader (basé sur le XML) développé par un consortium à visée non lucrative. Ce logiciel autorise l'intégration d'un système de protection des contenus annoncé comme souple et ouvert pour les éditeurs et les lecteurs. Par exemple, les droits d'accès sont octroyés à un utilisateur et non à une machine. Cela signifie que si vous changer de livre électronique, pas de risque d'être obligé de racheter le droit d'accès à un ouvrage. Du point de vue des éditeurs, la gestion des DRM leur revient de plein droit et Osoft ne demandera qu'un faible pourcentage de la vente au titre de rémunération.

L'initiative est louable et la lecture de livres numériques avec ce logiciel semble être une expérience agréable. Osoft ne le propose pour le moment qu'en version bêta. Espérons donc que l'expérience se prolongera et que la société parviendra à convaincre suffisamment d'éditeurs pour qu'enfin un standard ouvert finisse par s'imposer dans l'édition numérique. Car une telle expérience avait déjà été tentée par l'Open eBook Forum avant d'être phagocytée par certains acteurs industriels majeurs aux intérêts incompatibles avec cette nécessité de l'ouverture...»

Texte tiré de Champs numériques.