Présentation de la communication
«La question du droit d’auteur a toujours suscité une certaine ambivalence chez les artistes; par exemple, si Cervantès défendait jalousement son territoire diégétique en rabrouant les auteurs des "suites non-autorisées" de son Don Quichotte dans les premiers chapitres de son deuxième volume, Daniel Defoe adoptait l’attitude inverse en remerciant dans sa préface à la réédition de son poème The True-Born Englishman les "pirates" ayant contribué à la renommée de son œuvre grâce aux nombreuses reproductions illégales mises en circulation par ces derniers. À l’époque contemporaine, le Web exacerbe les tensions liées à la question de la propriété intellectuelle en raison de la prolifération de productions artistiques secondaires s’inscrivant dans la "culture participative" commentée par Henry Jenkins (1992, 2006), la démocratisation des moyens de diffusion ayant permis l’émergence d’un "culte de l’amateur" (Keen, 2007) et la dissémination parfois chaotique des œuvres dans des réseaux éditoriaux épars et non structurés, phénomène baptisé "hypertexte féral" par Jill Scott-Rettberg (2005).
Le bouleversement des hiérarchies du côté des producteurs de fiction, couplée à l’accès et l’intérêt accrus pour les œuvres "succédanées" des univers diégétiques dominants, réunit les conditions à l’émergence de rapports à la fiction spécifiques à la culture de l’écran. Dans cette communication, je propose d’identifier un tel rapport: ce que je nomme la "fiction virale" s’élabore à partir de constructions fictionnelles relevant du folklore de l’Internet (Blank, 2009), s’organise dans un principe de partage associé à la open culture inhérente au Web et se déploie dans un mouvement centrifuge. Je prendrai comme exemple de fiction virale le Slender-Man, croque-mitaine numérique ayant d’abord pris la forme d’un mème visuel pour ensuite être abondamment fictionnalisé.»