Si l’idiot désigne par sa trajectoire déviante au sein de la société qui l’abrite et le rejette tout à la fois un mode d’initiation à la littérature qui le narre, nul doute que le Berger extravagant inventé par Charles Sorel en 1627 dans le roman ainsi intitulé en constitue une des figures intéressantes, non pas tant parce qu’il manifeste une innocence qui confine à la stupidité, que parce qu’il tourne obstinément le dos à l’assomption dans la collectivité pour s’installer à la marge, sur les seuils du récit et de la vie: il est, selon l’étymologie même de l’adjectif de nature qui le définit, hors des sentiers, en marche ailleurs. Dans un texte qui se donne pour propos de mettre en miroir les procédés de l’écriture romanesque pour mieux en peser les apories, et ce, dialectiquement, afin de mieux en soupeser les orientations à venir, c’est cette position structurellement marginale, cette nécessaire liminarité pour écrire du roman que l’on examinera. Pourquoi la réflexion sur ce type de récit emprunte-t-elle la fiction du personnage liminaire afin de mettre en lumière ses propres présupposés? Que le personnage liminaire nous apprend-il de la fiction, et de notre lecture des textes de fiction?
OBSERVATOIRE DE L'IMAGINAIRE CONTEMPORAIN