Le gardien des heurts
rue Ontario
une vieille serre dans ses bras
un détour me regarde
ce sera drôle tu verras
elle déplace le panneau
d’un quart de tour
et s’en va l’air de dire
tu perdras ton prochain
comme toi-même
jusqu’ici
je n’avais jamais envisagé le labyrinthe
comme machine de deuil et d'amour
*
derrière le screen d’une ruelle
tu devines le crachin
du café sur la langue la piqûre
du goudron sur l’émail
le matin et le silence
pour tout le monde
*
pas plus tard qu’hier il disait
pas besoin de faire des bateaux
dans une bouteille suffit de boire
pis déboire pour devenir sharpie
et compter les jours les bouchons
de bières jetons parfaits
pour une partie de poker jouée
sur une table de fortune
*
au parc du pestiféré
de toutes petites mains
rouges et potelées
s’agitent dans le sable humide
les coccinelles et les guêpes fouisseuses
onze heures trente
sur un balcon d’en face
à hauteur du califourchon
un presbyte brûle
le joint du jour
*
devant la clôture qui enserre
le creux flanqué de Chambly
et de Joliette enrubannée de rose
les pieds fragiles
noirs de plastique Dollarama
avec au bout un tas de sable
et le désir d’un château
entre ses mains
un moment de rien
dans le midi clair
*
viens
je connais le gardien des heurts
il se tient au bout de la ruelle
Sansregret posté dans le support d’un bac à fleurs
il a pour cape un morceau de feutre
retenu par un cure-pipe
viens tu ne peux pas le manquer avec son crochet de capitaine son cache-œil pour brassard son pistolet à deux canons sa plume sans chapeau ses deux rapalas pour fétiches et ses yeux en culs d’abeilles
c’est un hibou vide qui fait rire
sous la bruine du vendredi