Titre | Le Jardin des Délices: la trans-apparence ou le toucher de l’ange |
Type de publication | NT2 - Article d'un cahier virtuel |
Année de publication | 2016 |
Auteur | Veyrat, M, Soudan, F |
Titre du cahier | Poétiques et esthétiques numériques tactiles: Littérature et Arts |
Numéro | 8 |
Date de mise en ligne | 7 janvier 2016 |
Résumé | Assis devant Le Noli me tangere du Musée de Grenoble, peint en 1656 par Laurent de La Hyre — c’est un tableau de commande pour la Grande Chartreuse — nous observons notre Marie Madeleine regarder le Christ, ou plutôt son image “virtuelle“ puisque celui-ci est désormais ®-suscité. Dans ce que nous pourrions nommer comme un dispositif de réalité augmentée, elle-même est touchée au front, interrogée en quelque sorte sur ce qu’elle semble voir et veut TOUCHER… L’ange est derrière. Il est resté dans la grotte qui fait office de tombeau. Curieusement l’ouverture de celle-ci reprend la forme de l’élan impulsé par Marie-Madeleine, NOTRE Marie-Madeleine. Comme nous elle aimerait bien toucher l’image mais le dispositif (repris dans le titre du tableau) lui intime l’ordre de Ne PAS TOUCHER. Ne pas toucher l’image car elle est triplement sacrée. C’est l’image de Dieu qui a pris forme humaine mais qui désormais n’en a plus que l’apparence. C’est l’image de l’image dans une image peinte qui ne doit pas être touchée pour ne pas être souillée, voire détruite, puisqu’elle est comprise pour ce qu’elle montre, sans distance de ®-présentation, à équivalence de témoignage. Comme Marie-Madeleine, nous croyons ce que nous voyons… Un ça a été de l’image qui se transforme systémétiquement en un ça a été donc potentiellement appréhendable puisque il y a image. Dans La machine de vision, Paul Virilio définit la trans-apparence comme un dispositif programmé et électronique (à l’instar de l’objet ordinateur ou téléphone portable) impliquant un rapport de vitesse limitant invariablement notre aperception d’un phénomène visuel. Autour de cette transmission d’informations, cette trajectoire de l’in/visible — l’imprégnation par le toucher ou non de cette imagerie postée au seuil du visible — suggère donc une limite de notre perception, qui fonctionne inévitablement sur le principe d’une lecture séquentielle assujettie à un ensemble d'instructions. Proposer ainsi une réflexion sur le constat simple de séparer en deux champs catégoriels les œuvres hypermédia pour écrans tactiles et celles pour écrans non tactiles serait peut-être déjà croire dans l’uniformité des écrans sans prendre en compte ce qu’ils impliquent en-dessous et au dehors, dans une esthétique de la main. Car manipuler un téléphone portable et / ou une tablette (même si les premiers tendent quelquefois à se rapprocher des seconds par leurs dimensions) déterminent ainsi un autre rapport à la préhension, au toucher. Celui-ci est lié à un au-delà et à un en-deçà, comme les deux figures —christique et angélique— du Noli me tangere impulsé par Laurent de La Hyre. De plus ces deux principes d’intermédiation de la main sont profondément différents. Ils ne jouent pas sur les mêmes rapports à l’instant. Le premier sort de la poche comme un revolver ; le second se tient presque comme un volant… Nous étudierons donc dans cette communication, comment ces deux manières de voir et d’appréhender l’écran provoquent mais aussi dé-jouent peut-être une esthétique, à travers l’œuvre pérenne Le Jardin des Délices, que nous avons réalisée hors les murs en 2013 pour le Musée Museum Départemental des Hautes-Alpes à Gap. |