Jusqu’au 24 novembre, la Fondation pour l’art contemporain DHC/ART présente une exposition autour de l’œuvre de l’artiste brooklynois Cory Arcangel. Il s’agit de la première exposition canadienne d’importance lui étant consacrée. L’artiste, d’abord formé en guitare classique et en technologie musicale au Conservatoire de musique d’Oberlin en Ohio, explore désormais les rapports entre la technologie numérique et la culture pop.
L'exposition Power Points
Photo: DHC/ART
L’exposition Power Points survole le travail réalisé par Arcangel au cours des dix dernières années et présente des sculptures, des installations vidéos, des tirages et des jeux vidéos revisités. Elle témoigne avec fidélité de la pratique de l’artiste qui ne se cantonne jamais à un seul type de média ou de matériaux.
Les fils conducteurs qui traversent toute l’exposition sont l’obsolescence programmée de la technologie et le détournement de l’expérience ludique. Que ce soit avec l’œuvre Self Playing Nintendo 64 NBA Courtside 2, Colors ou encore I Shot Andy Warhol, Arcangel frustre constamment l’expérience du consommateur. En effet, c’est notre expérience de consommateur qui est mise à l’épreuve : impossible d’écouter normalement le célèbre « riff » de guitare de la chanson Sweet Child O’ Mine de Guns N’Roses puisqu’elle a été trafiquée puis tourne en boucle; impossible de jouer au Nintendo puisqu’on ne peut qu’assister à l’échec incessant du joueur de basketball au moment du tir au panier; impossible d’écouter normalement le film Colors puisque l’image est filtrée un pixel à la fois, agencée en barres horizontales, etc.
L'œuvre Colors
Photo: Vincent Toi, http://www.ngcmagazine.ca/features/cory-arcangel-s-triple-threat-power-points-at-the-dhc-art-foundation/Installation-view-of-Cory-Arcangel-Colors
Arcangel ne s’arrête pas là. Toute sa pratique met à mal la notion d’auteur. Pour de nombreuses œuvres, il a piraté, modifié et manipulé des logiciels. Il s’amuse aux dépens de la machine et – par la bande – du visiteur qui la contemple. Dans l’œuvre Drei Klaviertücke po. 11, par exemple, il mêle impunément le sacré au profane en créant une visualisation d’une pièce atonale de Schoenberg via l’agencement de vidéos YouTube de chatons marchant sur des touches de piano.
L'œuvre Drei Klaviertücke po. 11
Photo: http://vernissagesmontreal.com/powerpoints-cory/
Cette posture artistique trouve son paroxysme dans la première œuvre de l’exposition: la série Photoshop Gradient Demonstrations. Présentant de grandes images réalisées d’un simple clic de souris grâce à l’outil de retouche gradient de Photoshop, la série propose de magnifiques toiles colorées, rappelant la peinture abstraite d’un Marc Rothko. Il n’est donc pas surprenant qu’Arcangel se réfère au concept de Ready-made de Marcel Duchamp pour décrire cette série. Mais cette fois, chaque visiteur a le luxe d’avoir une œuvre d’art chez soi, puisque le titre même de l’œuvre révèle les détails techniques précis nécessaires pour y arriver : Photoshop CS: 84 by 66 inches, 300 DPI, RGB, square pixels, default gradient "Blue, Red, Yellow" (turn reverse on), mousedown y=25150 x=0, mouseup y=0 x=19750 (2011).
La série Photoshop Gradient Demonstrations
Photo: Vincent Toi, http://www.ngcmagazine.ca/features/cory-arcangel-s-triple-threat-power-points-at-the-dhc-art-foundation
Vous pourrez trouver des liens vers de nombreux projets de Cory Arcangel via son site Web Official Portfolio Website and Portal.
Coup de cœur
L’œuvre Sweet 16 : Placée dans la plus grande salle de DHC/ART, l’œuvre consiste en une projection de deux vidéoclips identiques mais déphasés de Guns N’ Roses, plus précisément l’introduction à la guitare de Sweet Child O’ Mine. Tel que l’indique la vignette explicative, la technique de déphasage consiste à répéter une même phrase musicale sur deux instruments ou sources audio, mais à des tempos différents. Ici, l’intro d’une pièce musicale déjà très répétitive est dédoublée sur les plans visuel et sonore sur deux écrans. La populaire introduction que l’on voudrait écouter confortablement nous est refusée. C'est une expérience extrêmement frustrante. Nos yeux cherchent à annuler le décalage à l’écran et nos oreilles tentent de retrouver le tempo. L’effet est oppressant, anxiogène. Impossible de rester très longtemps dans la pièce.
L'œuvre Sweet 16
Photo: DHC/ART