LES MUSÉES ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES : EXPOSITION « Archéologie du numérique »

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J'offre ici un bref compte-rendu de l'exposition temporaire Archéologie du numérique présentée au Centre canadien d’architecture et, par la même occasion, une continuation de ma réflexion sur le thème de la relation des musées avec les nouvelles technologies. 

Cette exposition temporaire porte sur le thème de l’innovation et sur l’usage du numérique dans la pratique des architectes à la fin des années 1980 et au début de la décennie suivante. Elle montre comment quatre concepteurs eurent, à la fois, la possibilité de participer à l’amélioration de la production architecturale assistée par ordinateur, ou à l’inverse, par quels moyens développés par l’industrie ils ont pu tirer profit tout en étant à l’avant-garde de la projétation architecturale. Le communiqué de presse associé à l’exposition indique que le CCA poursuivra cette exploration du numérique en architecture au cours des prochaines années, ce que je ne saurais assez agréer.

Le futur est maintenant [1]

Le Centre canadien d'architecture offre au public depuis le mois de mai et jusqu'au 13 octobre prochain l'exposition Archéologie du numérique. Cette exposition temporaire aborde le sujet de l'expérimentation architecturale de 1980 à 1990 utilisant les technologies numériques, dont la plus célèbre est certainement la conception architecturale assistée par ordinateur (CAAO).

Le commissariat de cette exposition est de l’architecte Greg Lynn, dont l’agence FORM est basée à Venice, CA.

Dans une vidéo accessible sur le site Web du CCA il explique ses choix de commissariat: « Nous avons commencé avec une liste de 25 projets possibles, plutôt que d’architectes, et en examinant ces 25 […] il s’agissait de choisir véritablement quatre projets dont l’approche était davantage axée sur la technologie numérique [2] ».

Ce sont donc la résidence Lewis de Frank Gehry, réputé pour avoir intégré le numérique à sa pratique architecturale dès les années 1980, qui fut choisie, ainsi que les sphères rétractables de Chuck Hoberman, les toits de Shoei Yoh et le Biozentrum de Peter Eisenman que Lynn connaît bien pour avoir travaillé dans son agence [3].

Si le parcours de l’exposition et sa muséographie restent relativement classiques (un architecte = une salle), la mise en exposition est impeccable tout autant qu’aérée et le propos tout à fait réjouissant.

Les études, les maquettes, les modélisations et les plans des projets sont présentés avec des commentaires sur la technologie utilisée, sur l’innovation apportée par l’architecte ou sur son usage des technologies de pointe à l’époque où fut créé le projet. On apprend par exemple que Gehry a utilisé CATIA des industries Dassault et que Hoberman, un ingénieur en mécanique, a déposé des brevets pour des pièces articulées qu’il a développées pour ses sphères rétractables.

Les différentes étapes de l’élaboration des projets sont présentées de manière cohérente et accessible, ce sont cependant les maquettes offertes dans la première salle d’où rayonnent les salles monographiques qui en sont l’épiphénomène. Ainsi, peu de traces de l’aspect final de ces élaborations ; au contraire, l’esprit de l’exposition est d’en montrer le parcours et non point l’arrivée [4].

L’usage de la technologie dans l’exposition

À dosage équilibré, l’exposition propose aux visiteurs d’utiliser les nouvelles technologies pour rythmer leur parcours : par exemple, plusieurs ordinateurs et écrans sont accessibles pour manier les modélisations. Ces occasions ludiques sont suffisamment présentes pour rendre hommage à la technologie — c’est bien le thème de cette exposition — tout en appuyant la découverte des aspects innovants des projets architecturaux par les visiteurs sans en encombrer leur expérience.

Une contextualisation est également réalisée dans une petite salle longitudinale par l'ordonnance de différents ordinateurs et logiciels courants au cours des années 1980. Un clin d’œil au temps technologique qui passe et dont le rythme est rapide, comme chacun sait.

En somme, la visite de cette exposition est enrichissante en tous points et ouvre la voie à d’autres travaux du CCA sur le sujet, que j'ai déjà hâte de découvrir.

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Pour de plus amples renseignements:

Le communiqué de presse est accessible en ligne.

Un ouvrage complémentaire accompagne également l’exposition, publié par le CCA et disponible à sa librairie. 

[1] Clin d'œil aux propos de Greg Lynn dans la vidéo de présentation de l'exposition. CCA (2013) « Une introduction à l'Archéologie du numérique », En ligne:  http://www.cca.qc.ca/fr/le-cca-propose/2027-une-introduction-a-l-archeologie-du-numerique (consulté le 8 août 2013).

[2] CCA (2013) « Visite guidée de l'exposition Archéologie du numérique », En ligne: http://www.cca.qc.ca/fr/expositions/2124-visite-guidee-de-l-exposition-archeologie-du-numerique (consulté le 5 août 2013).

[3] Wikipédia (2013) « Greg Lynn », En ligne:  http://fr.wikipedia.org/wiki/Greg_Lynn (consulté le 12 août 2013).

[4] On y voit tout de même quelques photographies du projet sportif de Yoh: le Galaxy Toyama.