Soumis par Gabriel Gaudette le
Comme son titre l'indique, Ulysses 101 est une adaptation transmédiatique du roman de James Joyce publié en 1922 dont les événements se déroulent le 16 juin 1904, soit 101 ans avant la mise en ligne de l'oeuvre hypermédiatique. Sur un fond blanc, trois fenêtres carrées sont juxtaposées horizontalement afin de constituer un bandeau. Un nombre est attribué à chacune des fenêtres, la première est identifiée par «one», la seconde par «zero» et la dernière à nouveau par «one», transformant ainsi l’écart initialement noté (101) en nombre binaire (101, c’est-à-dire 5). Ces fenêtres renferment deux types de contenus : de courtes séquences filmées et des extraits de texte disposés adroitement. Le triptyque qu’elles constituent est aléatoire.
Les séquences filmées offrent tour à tour des images d'une femme interviewée dans un café, d'une chaise berçante juchée sur un meuble, d'un homme attablé dans un café dessinant sur les pages d'un cahier, d'une porte couverte de graffitis qui s'ouvre en grinçant, de gens marchant la nuit dans les rues mouillées de Québec, d'une femme jouant de l'accordéon dans un local, d'un homme interviewé dans un bar et dépité de ne pouvoir lire le roman de Joyce, etc.
Les textes, quant à eux, offrent de brefs moments d'une textualité fragmentée et décousue. Les segments sont dispersés dans les fenêtres. Parfois ils se déplacent et dérivent comme des bateaux sans gouvernail; à d'autres moments, ils vibrent et se disloquent. Ils se suivent dans le désordre, de sorte qu'ils ne paraissent nullement constituer une totalité. Ils pourraient provenir d'un des 18 épisodes du roman, du tout premier: «Telemacus», comme du douzième: «The Cyclops». Ce sont des citations sans véritable signification sauf celle, première et essentielle, d'indiquer explicitement la présence du roman à l'écran. Ce sont ses mots, ses phrases qui sont ici agencées pour créer un matériau visuel complémentaire des séquences filmées, dans un système de permutations qui font se côtoyer des contenus séparés par plus d'un siècle.
Mais cette dispersion n'est qu'un effet de surface. Les extraits éparpillés dans l'œuvre hypermédiatique n'ont pas été choisis au hasard, ils proviennent tous d'un même épisode, le cinquième, «The Lotus Eaters». En fait, ils sont extraits de trois paragraphes de la page 79 de l'édition Oxford de 1993 du roman.
Le travail de David Clark, dans Ulysses 101, joue en surface sur des figures de texte qui, telles des fleurs de Lotus, distraient et laissent oublier ce qui se cache sous leurs atours; mais par son choix de puiser ses extraits à même l'épisode des Lotophages, il nous enjoint de suivre l'avertissement d'Ulysse de ne pas céder au chant de l'oubli, quel que soit l'attrait de sa mélodie. Il nous enjoint de retourner au texte et à sa lecture. Malgré l'éclatement que ses collages hypermédiatiques suggèrent, son œuvre amorce un mouvement de retour vers le roman, au moment même où elle semble nous en éloigner. Ulysses 101 peut alors être consodéré comme un manuel d'introduction à cette œuvre phare du vingtième siècle.