Dans Limbo de Bernard Wolfe (1954), les corps amputés s'exhibent. Les corps des Pro-pros, qui portent des vêtements courts pour que tous admirent leurs membres cybernétiques et qui organisent des Jeux paralympiques pour démontrer leur parfaite maîtrise de ces machines sophistiquées; les corps des Anti-pros, eux aussi volontairement quadri-amputés, mais refusant les prothèses, passant leur journée dans des vitrines pour faire la promotion de leur philosophie pacifiste: l'Immob(ilité). Si l'exhibition des corps monstrueux a longtemps servi de repoussoir, de stratégie pour renforcer une norme corporelle (et morale), ici les corps amputés et prothésés (résolument monstrueux aux yeux du narrateur humain) sont élevés au rang de nouvelle norme, le modèle d'un biopouvoir posthumain. Dans cette logique, un corps volontairement déconstruit (le cerveau humain dominant un corps cybernétique) échapperait ainsi à la déshumanisation de la technique (la machine guerrière, véritable cerveau cybernétique, asservissant les corps humains). Dans le cadre de cette communication, il s'agira d'observer comment se construit dans le roman de Wolfe une réflexion sur un rapport corps/cerveau/machine renouvelé, tant sur le plan de l'individu (disability studies), que de la collectivité (biopouvoir) et de l'évolution de l'espèce (exodarwiniste), à travers un processus de mutilation et d'exhibition. (Archives)
OBSERVATOIRE DE L'IMAGINAIRE CONTEMPORAIN