Présentation de la journée d'étude
Le 26 avril 2016 a eu lieu, à l'Université du Québec à Montréal, une journée d'étude, organisée par Jean-François Chassay et Marie-Hélène Voyer, intitulée «Artisans du désastre: figures et formes de la destruction dans le roman français et québécois contemporains».
Le désastre peut-il être conçu comme une œuvre? Cette posture peut sembler quelque peu paradoxale et cynique, mais on peut, à tout le moins, concevoir le désastre comme une fabrique. Le désastre nécessite aussi des vertus de patience, d'insoumission, d'acharnement et de discrétion pour le fomenter, le fabriquer et le construire.
Cette journée d'étude se propose de réfléchir à cette question à partir de trois axes; les formes du désastre; ses temps ou le rapport au temps que supposent le désastre et sa fomentation; et ses sujets, les artisans qui le mettent en œuvre.
Programme de la journée d'étude
Formes du désastre
Marie-Hélène Voyer (Figura-UQAM). «Miniaturisation, renversement, changements d’échelle: la destruction comme dispositif narratif dans la littérature contemporaine»
Olivier Parenteau (Cégep de Saint-Laurent / Figura-UQAM). «La dévastation en dentelles: destruction et raffinement narratif dans l'œuvre d'Echenoz»
Elaine Després (Université de Montréal). «La fabrique collective d’un désastre climatique: Aqua™ de Jean-Marc Ligny»
Jean-François Chassay (Figura-UQAM). «Un désastre qui n’en finit plus: Achab et Moby Dick, deuxième round».
Temps, mémoires du désastre
Étienne Beaulieu (Cégep de Drummondville). «Vivre et détruire: recyclage de l’insignifiant dans les Carnets de notes de Pierre Bergounioux»
Christine Otis (CRILCQ-Université Laval). «Incendie au musée: refus du passé, répudiation de l’œuvre et destruction des preuves dans Auguste fulminant et L’Obomsawin»
Marion Kühn (CRILCQ-Université Laval). «Commémorer par le feu. La restitution d’incendies historiques de Québec dans Les fossoyeurs d’André Lamontagne»
Sujets du désastre
Raphaëlle Guillois-Cardinal (Figura-UQAC). «Vivre derrière les murs ou comment échafauder son autodestruction»
Martin Hervé (Chercheur indépendant). «Après elle, le déluge»
Organisation de la journée d'étude
Jean-François Chassay est chercheur régulier à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire. Professeur au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal depuis 1991, Jean-François Chassay a publié une vingtaine de livres (romans, essais, anthologies, actes de colloque). En 2002, il remportait le Grand prix d’excellence en recherche décerné par le réseau de l’Université du Québec. Il a été membre de la rédaction puis codirecteur de Spirale (1984-1992), puis directeur (1998-2001) de Voix et Images. Il a tenu régulièrement, de 1986 à 2004, des chroniques littéraires à la radio de Radio-Canada (En toutes lettres, Fictions, Littérature actuelle, Le temps perdu, Paysages littéraires, midi culture, Indicatif présent…) et récemment à Plus on est de fous, plus on lit. Dernier ouvrage publié: Au cœur du sujet. Imaginaire du gène (Montréal, Le Quartanier, 2013).
Marie-Hélène Voyer est étudiante de niveau postdoctoral au département d'études littéraires de l'UQAM. Son projet de recherche s’intituleIncendiaires et désaxés, figures du personnage séditieux et poétique de la destruction dans le roman français et québécois contemporain. On peut notamment lire ses publications dans les revues Temps zéro et L’esprit créateur. Elle a aussi participé au collectif de Nicole Brossard, L’inédit des sens.
«Tapi dans mon bunker, je graverai sur le sol qu’il est inutile de courir»: écrire l’obsession et ses fins-du-mondeCet entretien, entre Catherine d’Anjou et Pierre-Luc Landry, prend comme point de départ le roman Le Plan, écrit par Catherine d’Anjou. Suivant la formule de l’entrevue, cette discussion aborde les problématiques du topoï de la fin du monde et de la destruction tel que mis en place dans le roman ainsi que la représentation de la folie et de l’obsession. |
Après elle, le déluge«J’ai choisi d’aborder ce court récit de l’écrivaine française Céline Minard, Olimpia, écrit lors d’une résidence d’écriture à Rome en 2010. |
Vivre derrière les murs ou comment échafauder son autodestruction«La littérature contemporaine met en scène bon nombre de personnages, qui a défaut de prendre la fuite ou de poser des gestes séditieux pour marquer leur sentiment de rupture avec le monde, se tournent du côté de l’autodestruction. Dès lors, ils demeurent étrangers à ce qui les entoure, complètement repliés sur eux-mêmes et font de leur autodestruction leur propre spectacle. Chez certains de ces personnages, ce repli sur soi s’accompagne d’une perception particulière de l’espace: ils vivent dans un espace emmuré. |
Commémorer par le feu. La restitution d'incendies historiques de Québec dans «Les fossoyeurs» d'André LamontagneJe me suis rendu compte que les personnages pyromanes ne sont pas si rares dans la fiction historique québécoise contemporaine. |
Incendie au musée: refus du passé, répudiation de l’œuvre et destruction des preuves dans «Auguste fulminant» et «L’Obomsawin»En l'associant à l'idée de désastre, il est facile de voir le feu comme un élément destructeur, surtout dans le cas de l'incendie d'un musée. Pourtant les effets associés au feu ne sont pas uniquement néfastes: un côté purificateur et régénérateur peut lui être attribué. Il s'agit de penser au phénix, par exemple. À cet égard, le motif de l'incendie volontaire peut prendre plusieurs significations dans une œuvre de fiction, dépendamment de l'objet ou de l'édifice détruit et des liens entre ces derniers et l'incendiaire. |
Vivre et détruire: recyclage de l’insignifiant dans les «Carnets de notes» de Pierre BergouniouxLes Carnets de notes de Pierre Bergounioux sont ancrés par trois moments auxquels l'auteur revient de manière obsessive dans cette répétition du même et ce ressassement. |
Un désastre qui n’en finit plus: Achab et Moby Dick, deuxième roundLe dernier et récent roman de Pierre Senges, Achab (séquelles), réunit de manière spectaculaire ces deux principaux vecteurs de son œuvre: la littérature et le désastre. Reprenons la célébrissime formule de Marx dans le 18 brumaire de Louis Bonaparte: "Tous les grands évènements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. La première fois comme tragédie, la seconde comme farce". |
La fabrique collective d’un désastre climatique: «Aqua™» de Jean-Marc Ligny«Tout est désastre dans le roman Aqua™ de Jean Marc Ligny et les responsables sont innombrables et partout. Des conflits géopolitiques aux catastrophes écologiques, il s’agit d’un véritable roman apocalyptique. Non pas au sens où on l’entend souvent de destruction totale de l’humanité, mais au sens biblique de révélation par la destruction du jugement dernier. |
La dévastation en dentelles: destruction et raffinement narratif dans l'oeuvre d'EchenozEn 2003, dans le cadre d'un entretien publié dans la revue Europe, Echenoz affirmait ceci: «Je crois que j'aurais aimé être ingénieur des ponts et chaussées. J'aurais aimé construire des ponts. Le phénomène physique des ponts est quelque chose qui m'a toujours laissé un peu interloqué. Pour moi, il y a une espèce de mystère dans la conception des ponts. Je crois que cela a à voir avec le roman. Le roman est une métaphore du pont. Je parle des deux arches qui sont le commencement et la fin de l'ouvrage et ce curieux équilibrisme qui consiste à les relier. |
Miniaturisation, renversement, changements d'échelle: la destruction comme dispositif narratif dans la littératureJe propose d’examiner trois œuvres aux intrigues remarquablement semblables. Trois œuvres où la mise en acte de la destruction est ironisée ou atténuée grâce à diverses stratégies narratives et descriptives. Dans le roman Au plafond d’Éric Chevillard, un homme qui porte perpétuellement une chaise renversée sur sa tête, comme une sorte de carcan, rêve de détruire la ville, détruire toutes les cloisons et tous les murs et vivre avec ses comparses aux plafonds des immeubles. |