Au royaume du Danemark, la roue du temps s’est désaxée, brisant l’équilibre des astres, annonçant secousses et catastrophes. Un poison déposé au creux de l’oreille du roi a détourné le temps de sa linéarité proverbiale et privé le jeune prince de ses droits à la succession. Aux frontières d’Elseneur, lors d’un changement de la garde, le spectre du père, bardé de fer, se manifeste au fils pour demander vengeance. Le prince prend aussitôt conscience du fardeau tragique qui pèse sur ses épaules: «The time is out of joint. O cursed spite that I ever was born to set it right!» Le destin d’Hamlet est politique: s’il lui faut redresser le cours du temps et rectifier la marche de l’histoire, c’est pour rétablir la souveraineté du royaume, menacée par l’usurpation du trône, et en restaurer la légitimité, entachée par les méfaits d’un tyran. L’apparition spectrale du père d’Hamlet est l’allégorie d’une souveraineté royale qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. S’il y a quelque chose de pourri au Danemark, c’est qu’une succession de crimes — régicide, fratricide, adultère — a suspendu la transmission légitime du pouvoir et institué un état d’exception, qui met en crise la puissance publique. La tragique histoire d’Hamlet, prince du Danemark porte au jour la fragilité du pouvoir et la violence de son histoire.
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Cet article est d'abord paru dans la revue Voix et Images (vol. 38, n°1) en 2012.
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