Cahiers Figura

Limites de la déconstruction. Les traces persistantes du patriarcat dans «The Babysitter» de Robert Coover

Postmodernisme: éclatement, multiplicité, renversements. En littérature, ce courant se caractérise précisément par une abondance de caractéristiques parfois contradictoires. Des décennies plus tard, il n'existe toujours pas de consensus quant à sa définition. Sous le drapeau postmodernisme se rassemblent des écritures aux stratégies formelles disparates, dont l'ensemble est anti-monolithique, polylithique, même, car ces fictions distinctes, avec leurs messages à la fois pluriels en eux-mêmes et différents les uns des autres, sont pourtant selon la critique tout aussi représentatives du postmodernisme les unes que les autres.

Avant-propos

Issus d'un colloque étudiant organisé en marge d'un séminaire de 2e-3e cycles offert à l'automne 2009, les sept textes qui suivent explorent une multiplicité de pratiques liées à ce que j'ai appelé «les pensées "post-"» : mouvances postmodernes et postcoloniales, mais aussi féministes (post)-identitaires. Ces dernières interrogent et font bouger les frontières du genre au lieu de revendiquer «simplement» (si tant est qu'on puisse trouver une telle revendication «simple») l'égalité des sexes dans un système inchangé pour le reste.

Deux dans un. défier les lois du nombre

Ceux et celles qui connaissent un peu mon travail se sont peut- être imaginé, à la lecture du titre de cette conférence, que mon propos porterait sur la dualité, la gémellité, le thème du double, ce thème traversant à peu près toute mon œuvre par l’intermédiaire de personnages comme Paul Faber et Charles Wilson, la femme du train et la femme de la plage, Bob Moreau et Bob Winslow, dont les contours flous ou affirmés se répondent, s’opposent et se superposent au gré d’une quête d’identité ne menant parfois qu’à une plus grande confusion, puisque les miroirs, on le sait, ne nous renvoient toujours que le reflet inversé du monde.

Words Written in Dust. Percer la façade brillante des tours

La poussière est tombée. Ce ne fut pas lent. Elle s’est abattue sur tout ce qui se trouvait à proximité, a recouvert objets, visages, hommes, femmes, voitures, chaussée. Elle ne se ressemblait pas: elle dont le mouvement est silencieux, imperceptible, elle dont on constate avec étonnement la présence, elle s’est abattue, en quelques minutes, en même temps que ce bruit ressemblant à un coup de vent.

La bouche pleine de terre

C'est sans doute la bouche pleine de terre qu’on apprend à parler. Puis, dégoûté par ces entrailles de mère naturelle et de terre paternelle, on apprend à écrire pour parler autrement. Si je dis dégoûté, c’est que ma génération semble avoir un problème avec le passé.

Nous cherchons. Nous respirons. Nous nous mettons le doigt dans l'oeil pour voir plus creux.

Comment commencer alors que tout l’est déjà, commencé, voilà des heures, des années, on dit des lustres (cette poussière); ce qui s’est répandu, comme déposé, me redemande de parler,de redire encore que le feu, que la terre, que et que c’est possible, parler des mêmes choses à nouveau, relever les traces, resoulever les mots.

Le road beat ou l'écriture vagabonde

Dans ma jeunesse, année après année, j’allais voir un charlatan qui s’arrêtait en ville au printemps. Habillé en gitan, l’homme criait à pleins poumons sa phrase intrigante : «Allez, venez voir le seul cochon à trois têtes du monde, allez, allez, approchez.» Immanquablement, j’étais curieux. Je payais les deux dollars et je passais derrière le rideau rouge.

L'expérience du défilement

Les deux parties de mon mémoire témoignent, chacune à sa manière, d’une même expérience du dehors, soit celle du défilement. Loin d’en faire l’éloge, cependant, je m’intéresse surtout au sentiment d’insuffisance auquel donne lieu ce genre d’expérience, qui semble mal répondre à notre intérêt tout naturel et spontané pour l’«événement».

Juste là

Il m’arrive parfois de penser que je suis punie. Que les mots m’évitent avec acharnement. Comme si je les avais brusqués. Les mots sont donc si frileux qu’il faille les approcher, chacun, à pas feutrés, presque sournoisement? Et les effleurer, venir à eux de biais pour pouvoir les longer tout en respectant leur espace propre? Peut-être que l’écriture, alors, ce n’est plus chercher ni rendre compte, mais accompagner.

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