Emmanuel Alloa construit sa conférence à partir d'une méditation brève, mais puissante, de Maurice Blanchot sur les forces de l'image, réflexion qui se bâtit dans un petit texte, «Les deux versions de l'imaginaire» publié dans «L'espace littéraire» en 1951.
Évènements malheureux qui au-delà du ou de la journaliste qui les rapportera, dissimulent un voix, un état d'urgence, un appel au secours jamais crié par des mères désespérées, absentes ou silencieuses. Sans chercher à comprendre les causes, il y a surtout, et avant tout, un silence, une voix qui ne peut ou ne veut se faire entendre, parce qu'à la source d'un acte inacceptable socialement. Incompréhensible surtout.
Le féminin apocalyptique de Duras se situe précisément au coeur d'une absence de définition. Indifférente au regard de l'homme, la femme de «La maladie de la mort» engendre la terreur en ce qu'elle brouille les genres (sexuels, grammaticaux, textuels) et se pose passivement en amont de toute personnification genrée; avant toute grammaire, nom, pronom ou identification, elle demeure hors-différence de quelques conditions qui lui seraient imposées.
Michel de Certeau, dans l'Invention du quotidien, affirme que tout récit est récit d'espace, et que d'importantes distinctions doivent être prises en compte lorsqu'il est question de lieu et d'espace.
Malgré une écriture qu'on a pu qualifier de «maigre», malgré qu'on ait pu faire de l'écriture durassienne celle de l'effacement, on ne saurait passer sous silence l'idée (de laquelle émerge un paradoxe que nous jugeons particulièrement riche) d'une écriture qui serait le récit (multiple?) d'un pullulement.
Nous nous proposerons de concevoir l'oeuvre de Marguerite Duras comme une oeuvre de l'échec; un échec qui serait une condition de génération de l'oeuvre. Il n'est donc pas question que l'oeuvre durassienne soit manquée: il faut plutôt parler d'une esthétique de l'échec ou encore, plus précisément, d'une esthétique de la ruine, qui serait à la fondation même de l'oeuvre.
Nombre de thèmes, de figures, de caractéristiques littéraires (narratives, énonciatives) permettent de lire, dans le corpus de Marguerite Duras, une interrogation constante sur l'identité, les rapports entre les sexes et la sexualité, l'enfance, la violence (et la criminalité), la folie, la possibilité ou non de raconter et donc, au final, d'écrire.