La conférence de Stefan Sinclair la semaine passée m’a inspiré à penser au rapport entre les outils d’investigation d’un chercheur, et le type de questions qu’il pose à son objet. Bien que ces réflexions ne sont pas encore assez développées de ma part pour former la base d’un compte-rendu critique, je voulais juste mettre en texte quelques idées qui m’ont préoccupé suite à la conférence.
1. Big Data
Big Data est un néologisme qui s’inspire des formulations telles que ‘Big Oil’ et ‘Big Pharma’. Normalement, ces termes ont un caractère un peu sinistre: Big Oil peut déclencher de la dévastation environnementale dans le Golfe du Mexique, par exemple, sans que la loi ne puisse lui toucher. Il est trop grand, et il a trop d’influences sur les partis politiques pour faire l’objet d’une vraie enquête (telle que celle à laquelle Bradley Manning a dû faire face, par exemple). Big Pharma peuvent abuser du système de génériques pour défendre leurs profits, sans que l’État ne puisse les arrêter, encore dû à leur influence énorme. Est-ce que ça va aller de même avec Big Data? Qu’est-ce que Google, par exemple, envisage de faire avec les méga-octets de données qu’ils ont pu rassembler à propos de leurs clients? Devrions-nous nous sentir menacés?
2. Les outils qui dictent les questions
Au 17e siècle, aucun scientifique n’aurait pu proposer que les êtres vivants sont composés de petits cellules, parce qu’il leur manquait les outils nécessaire pour vérifier leurs prédictions. Avant l’invention du télescope, aucun astrologue n’aurait pu constater la présence de lunes autour d’autres planètes, car il leur aurait manqué le moyen de les voir. Dans les sciences dures, tout comme dans les humanités, il faut des outils d’observation pour découvrir de la nouvelle information, mais qu’est-ce qui arrive quand les outils viennent poser les questions? C’est-à-dire, est-ce que nous nous posons juste des questions auxquelles il est possible de répondre avec nos outils actuels, où est-ce que nous nous posons les bonnes questions?
3. L’échelle
Pour qu’un fait soit prouvé de façon ‘scientifique’, il faut normalement beaucoup d’information. Des mesures, des calculs, des observations minutieuses, le tout pour confirmer qu’un résultat ne serait pas le résultat d’une chance, où d’un phénomène ‘autre’ insaisissable. De l’autre côté, dans les sciences humaines, et surtout la littérature, le chercheur va cibler le plus étroitement possible son objet d’étude, afin de préserver la cohérence de son approche théorique. Il y a très peu de caractéristiques de la littérature qui se comparent aux caractéristiques universelles de la matière, ou les forces fondamentales, par exemple. La technologie nous permet de regarder notre objet à de plus en plus grandes échelles, mais est-ce que cela va nous pousser à poser des questions sur une échelle plus large, abandonnant les projets de critique du 20e et leurs conclusions? Est-ce possiblement un retour vers le structuralisme, où tout peut être compris en tant de ‘système’?
À voir.