Pour conclure mes réflexions sur la Machine à Tweets, j’ai recours au ‘point-form’ pour délinier, de manière plus précis, les questionnements qui m’intéressent le plus, et qui pourraient former la base d’un travail dans le future. Je divise ces pistes en trois catégories : technologiques, artistiques, et ‘autres’.
Technologiques :
Quelle est la différence entre le clavier et le stylo? Le clavier permet de choisir parmi de caractères existants et donne un texte standardisé et uniformisé- mon Times New Roman est le même que le tien. Le stylo permet une expression unique à chaque auteur, limité uniquement par sa capacité de dessiner. Dans les deux cas, c’est une technologie qui sépare l’auteur et le texte, mais comment est-ce que cette technologie informe la production/réception?
Quelle est la différence entre l’écran et le papier? L’écran permet d’afficher des images en mouvement, et de s’effacer facilement pour afficher quelque chose d’autre, mais ne permet pas d’afficher quelque chose en permanence. Le papier ne permet pas normalement l’affichage d’images mouvants, ni de s’effacer sans laisser de trace. Le papier n’est pas permanent non plus, mais l’existence des livres du Moyen-Âge implique quand-même une certaine durabilité.
Artistiques :
Est-ce qu’un Paper Twitter est représentatif ou performatif? Si on est présent pour ou si on assiste à sa création, on dirait qui c’est performatif- il y a une conversation qui se développe en temps réel et on voit les participants y contribuer en temps réel aussi. On pourrait pas prédire la fin ou le forme final de l’ouvrage. Si, par contre, on le voit après sa terminaison, on dirait que c’est une représentation d’une conversation dans le passé- il y aurait à ce moment-là un début, un milieu, et une fin. Il se lirait dans n’importe quel ordre, mais ne changerait pas en fonction de cette lecture- ça demeurerait le même texte.
Est-ce que c’est de l’art? Qu’est-ce qui rend un texte un texte littéraire? Est-ce dans la démarche de l’auteur? Les attentes du lecteur? Une conversation qui a eu lieu hier dans la rue ne serait pas un œuvre d’art, mais si cette conversation se mettait en scène? Si elle est reproduite exactement dans 50 ans? Si l’auteur sait qu’il y aura un lecteur, est-ce que c’est suffisant pour changer son intention au point où l’on peut parler d’une production artistique? Si le lecteur sait qu’il peut répondre à ce qu’il lit, est-ce qu’il reste un lecteur, ou est-ce qu’il se transforme en auteur? Est-ce qu’il peut être les deux en même temps, ou est-ce qu’il y a une alternance entre les deux états dépendant de ce qu’il fait dans le moment?
Autres :
Sur Twitter, les mots sont des images- c’est une reproduction des mots qui on été tapés sur une poste éloignée qui s’affiche sur l’écran. Est-ce que ça change quelque chose que dans un Paper Twitter, l’écrivain a touché le papier de sa main? Cela renvoie à la distinction entre représentation et performance : est-ce que Twitter et Paper Twitter peuvent s’arranger dans de différents catégories?
Sur Twitter, les mots sont les seuls choses qui comptent : toute la communication non-verbale (gestes, expressions) se fait évacuer pour laisser le texte comme seule véhicule de l’information. Si on assiste à la création d’un Paper Twitter, par contre, on est libre de parler à vive voix avec d’autres participants, de voir leurs expressions et leurs réactions- bref, d’intégrer les interventions textuels dans l’ensemble de communication humaine. Est-ce que cela permet un nouvel regard sur Twitter, pas en termes de ce qu’il nous apporte, mais de ce qu’il nous enlève?
Si ces questions vous intéressent, je vous invite d’assister à une communication sur ce sujet qui aura lieu au Laboratoire NT2 à l’Université Concordia ce vendredi, le 12 avril- et d’y apporter vos réactions et vos théories!
Bonjour Marc,
Je suis d’accord avec toi dans le fait que nous pouvons parler de technologies dans différents niveaux. Le stylo et le papier dans un moment de l’histoire ont été des technologies majestueuses. Sans doute, la lecture et l’écriture en Tweeter sont de nature hypertextuelle et cela change totalement la conception traditionnelle de l’auteur et le lecteur.
Luis
Oui, Mark, cela m’intéresse au plus haut point. Je trouve cela fascinant, rien de moins. C’est comique parce que pris au premier degré, Twitter et Facebook ne sont que des divertissements mais tu as tout à fait raison quand tu y vois plus. En effet, Twitter a une forme propre de langage, une écriture à la plume technologisée, constitué d’un ou des textes à la forme littéraire, de « performance médiatique » même avec ses artistes qui créént dans l’éphémère, dans l’instantané… Souvent j’ai lu des pensées sur Facebook et je me suis dit « Damn, c’est dommage que cela n’a pas été publié dans une oeuvre consacrée – car c’est tout à fait brillant. » Tu iras lire mon texte sur les 100 tweets de Foodies – le journal a voulu les souligner et leur donner une tribune. C’est donc bien vrai que la littérature est déjà en train de devenir comme le Performing Art ou même le Pop Art – c’est-à-dire un art qui se créé, se consomme immédiatement et comme la canette de soupe Campbell sur la page couverture d’un livre de Réjean Ducharme, se jette après usage… Aussi fragile et précieux par son caractère éphémère, l’art littéraire dont il est question sur Twitter et Facebook, permet de lire un commentaire, puis remplacé par d’autres écrits, ce commentaire s’envole telle la marée qui nettoie tout sur son passage et redonne vie aux prochains flots…