POPULARITÉ, POUVOIR ET ARGENT GRÂCE AUX MÉDIAS SOCIAUX


Le marketing virtuel et la gastronomie

Les propriétaires de restaurants, en bons gens d’affaires, exploitent le médium des réseaux sociaux pour attirer les clients dans leur établissement. C’est du marketing  facile et payant tout en étant gratuit à la fois pour l’annonceur et l’utilisateur. Les retombées sont très positives surtout quand on sait que pour rejoindre les gens aujourd’hui, les médias sociaux sont peut-être le meilleur moyen. Ce qui montre encore une fois la popularité grandissante des réseaux sociaux et du lien de confiance qui se tisse entre ces médiums et les gens.

VOICI QUELQUES STATISTIQUES INTÉRESSANTES SUR LE MARKETING ET LES RÉSEAUX SOCIAUX*

  • 60% des gens découvrent une marque via les médias sociaux.
  • 72% des entreprises ont augmenté leurs ventes comme résultat de leur utilisation des médias sociaux
  • 47% des choix des consommateurs sont influencés par la conversation sociale
  • 356% est l’augmentation de trafic sur les médias sociaux depuis 2009
  • 22% plus de temps est passé sur les réseaux sociaux que n’importe quelle autre activité en ligne
  • 80% du temps passé sur les réseaux sociaux se fait via les appareils mobiles.

*Chiffres tirés d’un article paru dans le journal Métro du 26 février 2013 « Pourquoi les médias sociaux sont incontournables en affaires ? », par Valérie Landivar, experte en médias sociaux. (Pour lire l’article : http://journalmetro.com/opinions/reseaux-sociaux/263974/pourquoi-les-medias-sociaux-sont-incontournables-en-affaires/)

LES NOUVELLES STARS DES MÉDIAS SOCIAUX

La grande médiatisation (autant électronique que virtuelle) de tout ce qui a trait à la nourriture – émissions de cuisine, visites de restaurants, rencontres avec des chefs de toutes spécialités, etc., a eu pour phénomène d’introniser le chef au panthéon des rockstars. Selon le magazine Forbes, le très controversé chef Gordon Ramsay est la personnalité qui a généré le plus de revenus l’an passé avec 38 millions de dollars !

Certes, cela profite aux chefs qui réussissent par cette récente popularité à afficher complet dans leur restaurant, mais en même temps, à l’instar des stars adulées, on les écoute donner leur avis sur tout et on ne s’interroge plus sur la notion « d’autorité » en la matière qui devrait avoir préséance sur le charisme du chef.

Les chefs se mêlent ainsi de politique sur les réseaux sociaux et s’attirent des supporters pour des causes qu’ils défendent. À preuve le cas de Jamie Oliver qui organise une journée mondiale de révolution alimentaire (Food Revolution Day) et s’improvise par le fait même nutritionniste engagé ou activiste alimentaire. Plus près de nous, au Québec, le chef Chuck Hugues et le célèbre animateur d’émissions de cuisine Ricardo moussent la campagne de levée de fonds et de collecte de sang d’Héma-Québec sur les panneaux publicitaires mais aussi sur leur propre page Facebook. Martin Picard du Pied-de-Cochon est interviewé, quant à lui, des milliers de fois sur l’économie sociale, la protection de l’environnement et l’agriculture comme unique moyen de subsistance dans une société hautement industrialisée. Même chose pour Louis-François Marcotte ou Jean-François Plante ou encore Stefano Faita qui donnent leur point de vue sur tous les sujets (économiques, sociaux ou politiques) lorsqu’ils sont invités comme chroniqueurs aux émissions de télévision (quand ils n’ont pas leur propre émission pour passer leurs messages) et dont les propos sont repris sur les blogues et les médias sociaux où on discute de ces enjeux de société.

Que dire aussi des chroniques journalistiques sous forme de blogues écrits, non plus par des journalistes chevronnés, mais par des chefs à qui on prête une plume ou un clavier d’ordinateur ? Ainsi Jérôme Ferrer s’improvise critique gastronomique et donne son avis sur les restaurants, tout comme Thierry Daraize ou Daniel Vézina.

Même la littérature n’échappe pas aux polyvalents et talentueux chefs ! Outre la publication de livres de recettes de chefs, très artistiques et présentés comme des objets d’art, certains chefs se lancent dans l’écriture. Le cas le plus probant est celui du roi du barbecue, Steven Raichlen, qui a lancé récemment son premier roman Refuge à Chappaquiddick aux Éditions de l’Homme. Raichlen est diplômé en littérature française mais dans le cas de Giovanni Apollo, avec son livre paru en 2011, Des Mets et des Mots, on a droit à un amalgame pas toujours réussi entre la cuisine d’Apollo et l’univers romanesque de Pierre Szalowski, bloggeur et ami du chef Apollo qui a co-écrit le livre. La littérature a son pendant virtuel car non seulement les deux livres mentionnés existent en e-book mais en plus on peut en lire des extraits en s’abonnant aux pages Twitter et Facebook des deux chefs, à leur blogue ou encore à leur site web. Une belle utilisation du marketing virtuel. Il va sans dire aussi que les médias en font leur choux gras.

Mais une question demeure :

Est-ce que ces chefs dont nous avons fait nos idoles ont la compétence suffisante pour traiter de sujets aussi importantset aussi complexes en dehors de leurs domaines ? C’est comme si la popularité du chef lui donnait le droit de toucher à n’importe quel sujet en lui permettant ainsi de rallier à son opinion ou à sa cause toute une foule d’admirateurs ou de supporters : sous le charme de l’idole, le sens critique fond comme neige au soleil. Le danger évident c’est qu’on gobe alors n’importe quoi !

Sources : le très intéressant article de Michèle Herblin Médiatisation de la cuisine… effet de mode ou tendance lourde sur le site de la Société des chefs, cuisiniers et patissiers du Québec http://www.sccpq.ca/le-magazine/mediatisation-de-la-cuisine-.-effet-de-mode-ou-tendance-lourde.html et de Signe Rousseau Food mediaCelebrity chefs and the politics of everyday interference, Ed. Berg, New york, Londres, 2012.

Bizarre appétit

Création du chef Martin Picard

Sushi d’écureuil noir, création du Chef Martin Picard (du restaurant le Pied de Cochon et la Cabane à sucre du PDC).

Les meilleurs clichés de nourriture sont ceux qui servent à provoquer car ce sont eux qu’on retient le plus. Comme exemple, la photo du « sushi d’écureuil »  du chef rebelle Martin Picard, a semé la controverse sur les médias sociaux où elle a été diffusée en février 2012. Une vraie bombe! Des milliers de réactions, de tweet, de commentaires Facebook et la photo qui circule  et s’échange à un rythme fou. Une publicité virale, en fait, qu’on a lâchée sur les réseaux sociaux dans le but de mousser la sortie du nouveau livre de recettes de Martin Picard : Cabane à sucre Au Pied de Cochon prévue un mois plus tard. Bien sûr, l’écureuil figurait au nombre des recettes et son joli minois est même exposé dans le livre. Les livres se sont vendus comme des petits pains chauds malgré les nombreuses personnes outrées par la publicité virale!

Les médias sociaux servent de médium publicitaire et fonctionnent parfois mieux que les médias électroniques, tout en étant gratuit. Alors les images se propagent  à vive allure. Ne dit-on pas qu’une image vaut mille mots ? De plus, dans un monde gastronomique où les sensations sont primordiales, quoi de mieux qu’une image bien appétissante pour procurer la faim? À contrario, quoi de mieux qu’une image de plat cuisiné et dérangeante à souhait pour faire parler de son cuisinier? Attirer l’attention avec l’image et ensuite la propager… c’est un jeu d’enfant quand on sait comment jouer avec l’image.

Les fondateurs du Food Reporter en France, un réseau social fondé en 2011 et dédié au partage de recettes et de photos culinaires, l’ont bien compris et s’en servent pour faire de l’argent. En effet, ce réseau possède aujourd’hui 100 000 utilisateurs actifs et plus de  400 000 photos en stock. « Encore plus en France, nous dit  le co-fondateur du réseau, Cyril Benhamou, la nourriture est associée au partage. »

Des tendances de fond

Il semblerait qu’il y ait des modes dans la photographie de bouffe diffusée sur le net et les réseaux sociaux. Eh oui, ces modes vont avec les tendances de consommation. « Il y a eu, nous apprend M. Benhamou, la mode cheesecake, la mode hamburgers il n’y a pas si longtemps, et maintenant on est dans 2 tendances contradictoires : le joli, l’artistique (les pièces montées, les plats agrémentés de mousse moléculaire ou fumant d’azote liquide, les mets qui ressemblent à de vrais objets d’art) et le « trash-food » celui qui provoque plus qu’il ne fait saliver ». Dans cette dernière catégorie, l’écureuil-sushi du Chef Picard remporte la palme! Et que dire de cette émission télé sur le Food Channel qui a ses fans sur le blogue de l’émission et sur sa page Facebook : Bizarre appétit et qui propose des recettes d’insectes, d’intestins de bœuf, de jus de bile de cochon, etc. ? Dire qu’avant la suprématie des réseaux sociaux, nous pensions qu’une photo devait être sexy pour faire vendre le produit. Les réseaux sociaux dictent une toute autre façon de repenser le marketing en gastronomie!

- MCD

Prendre en photo sa nourriture : Quel cliché!

  Cliquez sur la photo pour visionner l’épisode.

Les Bobos, épisode 21, « Souper Textos », http:lesbobos.telequebec.tv (episode 21)

Sur Facebook et les réseaux sociaux publier une photo de plat ou de nourriture est devenu un classique du cliché.

« Le meilleur appareil pour prendre des photos de nourriture c’est le IPhone 5″, ironisait le mois dernier le comédien américain Adam Sacks dans une vidéo sur YouTube. Apple grâce à son nouveau joujou est devenu si populaire que maintenant les gens ne prennent plus la peine de s’acheter une vraie caméra. Comme le téléphone est toujours à portée de la main, il est tellement facile de prendre en photo son assiette et de la diffuser en même temps (puisque le téléphone offre cette fonctionnalité que la caméra n’a pas) sur les réseaux sociaux. Avec l’Iphone c’est l’ère de l’instantané! D’un clic, on prend une photo de son plat, y ajoute une touche artistique à l’aide des applications telles que Instagram ou Pinterest et…bing, on la publie sur Facebook et la commente sur Twitter… Avec 13,3 millions de Smartphones (une augmentation de 20% par rapport à 2011), de la photo cuilinaire, on n’a pas fini d’en manger!

Le phénomène est si répandu qu’un tiers de toute l’information en images qui se transmet sur le Net et les médias sociaux concernent la nourriture. Sur Pinterest (une application relativement nouvelle sur les téléphones mobiles datant de septembre 2011) 10% des photos sont dédiées à la nourriture. Sur Instagram, dix millions de clichés sont associés au mot-clé « food » et 4,7 millions de clichés s’échangent sur Yummy. Tout le monde s’improvise ainsi critique gastronomique. L’humanité s’empiffre de ces images et les commente. Le repas en famille ou entre amis au restaurant se transforme en concours photographique et de popularité sur les réseaux sociaux.

Parler de ce qu’on mange, c’est parler de soi.

« L’alimentation, le repas, ce qu’on mange, ce qu’on boit, ce sont des thèmes classiques de la conversation », indique Pierre Mercklé, auteur de Sociologie des réseaux sociaux (aux éd. La Découverte). Mis en images sur Internet, les plats servent aussi de « marqueurs sociaux ». « Parler de nos habitudes alimentaires, c’est parler de soi et parler du milieu auquel on appartient ou on voudrait appartenir », explique le sociologue. C’est le cas aussi lorsqu’on met les pieds dans un grand restaurant et qu’on veut le crier sur tous les toits en affichant le plat raffiné qu’on y a mangé ou le grand cru qu’on y a dégusté.

Aussi, ajoute le sociologue, « quand un homme, par exemple, veut se valoriser en montrant qu’il a eu le temps et le talent d’éxécuter un plat, il le photographiera et le publiera sur les médias sociaux ». Il attendra ainsi les commentaires de ses amis Facebook ou de ses followers sur Twitter qui le félicitent de son exploit! Une autre manière de trouver valorisation.

Cette notion fait écho à la théorie du « Digital Narcissism » évoqué souvent par Andrew Keene et qui parle de la valorisation de soi, de son égo, à travers les photographies que l’on diffuse des plats mangés ou cuisinés.

Dis moi quelles photos tu diffuses, je te dirais quel genre d’être humain tu es! La popularité des photos culinaires est tellement grande qu’ il y a même un concours des plus belles photographies de bouffe sur Internet. Rendez vous au Festival international de la photographie culinaire qui a lieu à chaque année à Paris en octobre…

N’empêche que nous commençons aussi à frôler l’indigestion à force de voir autant de nourriture sur les médias sociaux et le Net. Des mouvements de « food bashing » s’organisent et des individus critiquent ouvertement cette pratique un peu trop répandue. Sans compter qu’on ne peut plus manger en paix… sans avoir quelqu’un à proximité qui sort son téléphone pour transformer son assiette à pains…en nature morte!

-MCD